Le procès de Mohamed Benchicou s'ouvrira le 31 mai devant le tribunal d'El Harrach, qui a eu à traiter l'affaire des bons d'épargne personnels, trouvés sur lui à son retour de France, alors que le journal était suspendu par l'imprimerie, au même titre que cinq autres quotidiens pour défaut de paiement des prestations d'impression, argument rejeté à l'époque par l'ensemble de la presse nationale qui le considérait comme fallacieux. En fait, le motif de la suspension n'était pas commercial mais politique, et il s'agissait à l'époque d'empêcher les journaux de continuer à publier des révélations sur certaines affaires de corruption. Comme dit l‘adage, «quand on veut noyer son chien on l'accuse de rage». Ainsi donc, on peut lire dans le communiqué, que le directeur du journal le Matin, Mohamed Benchicou, auteur du livre devenu à son corps défendant best seller : «Bouteflika, une imposture algérienne» comparaîtra ce jour-là devant le tribunal d'El Harrach pour cette affaire qu'il dénonce comme étant «montée de toutes pièces». Dans l'exposé des faits, le Matin rappelle que le 18 août 2003, le journal est suspendu par les autorités en même temps que cinq autres titres et que le 23 août, revenant d'un voyage, Mohamed Benchicou est interpellé à l'aéroport d'Alger par des policiers qui disent vouloir fouiller son porte-documents et ses bagages de soute. N'ayant trouvé dans son porte-documents que des papiers personnels, dont un carnet de chèques et des bons d'épargne familiaux, ils le lui restituent et lui demandent d'attendre l'arrivée des bagages de soute. Comme M. Benchicou voyageait sans bagages, ils le laissent partir, ajoute le communiqué, avant de le rattraper quelques mètres plus loin pour lui demander de nouveau ses papiers personnels dont ils font des photocopies avant de les lui rendre. La machine policière est alors mise en branle, précise le communiqué. M.Benchicou est recherché dès le 25 août et entendu le 26 pour «transfert illégal de capitaux», au motif d'avoir voyagé avec en sa possession des bons d'épargne personnels, délit inconnu jusque-là. Les services des douanes, sollicités par la police, «refusent de marcher dans la cabale». Du reste, le directeur général des douanes algériennes, Sid Ali Lebib, avertit par lettre, dont la copie est disponible, le gouvernement algérien de la nullité de la procédure frappant M. Benchicou et de l'absence d'infraction. «Mais le ministre de l'Intérieur tient à faire payer le Matin». Le 27 août, le procureur de la République, en dépit de l'absence avérée d'infraction, exige de le placer sous mandat de dépôt, mais le juge d'instruction ne retient que le contrôle judiciaire et lui confisque son passeport. Le Matin ajoute enfin que cette répression n'est pas terminée, en dépit de la réélection de M.Bouteflika et des assurances qu'il a données dans son message à la presse du 3 mai dernier. En fait, on peut remarquer qu'après l'élection présidentielle, qui avait été marquée par une campagne virulente et tourmentée, les choses semblent aller vers l'apaisement et la décantation. L'Algérie semble avoir retrouvé la sérénité qui sied pour traiter un tel procès sans passion et sans complexe. C'est la raison sans doute pour laquelle il a été repoussé à cette date de la fin mai. D'autant plus qu'il n'y a en Algérie aucune disposition de loi qui interdise d'avoir sur soi des carnets de chèque et des bons d'épargne, qui sont considérés comme des effets personnels et n'entrent en rien dans les infractions aux opérations de transfert de capitaux.