L'Union nationale des paysans algériens a déjà rejeté le nouveau régime de concession préconisé par le ministre. Deux options opposent les membres du gouvernement à propos du projet de loi présenté par le ministre de l'Agriculture Saïd Barkat sur le foncier agricole. Ces deux tendances lourdes sont défendues, d'un côté par le RND qui n'a jamais caché sa préférence pour une privatisation pure et simple des terres, et d'un autre côté par le FLN qui défend mordicus le maintien de la propriété des terres dans le giron de l'Etat : selon le principe de l'incessibilité, inaliénabilité, non transmissibilité. Issu de la famille du FLN, le président de la République a essayé, au début de son mandat, de couper la poire en deux, en disant qu'il n'y aurait pas de privatisation des terres, contredisant ainsi son prédécesseur Liamine Zeroual. Cependant, il a proposé un autre statut : les terres demeurent la propriété de l'Etat, mais pourront être cédées aux exploitants sous le régime de la concession pour une période de 99 ans. En tout état de cause, le problème du foncier agricole demeure l'un des créneaux qui n'ont pas été réformés par le législateur durant les cinq dernières années, soit parce qu'il ne représentait pas une priorité, soit parce qu'il y avait des intérêts à préserver. Le Plan national du développement agricole (Pnda) prôné et défendu par Saïd Barkat, a occupé tous les espaces. S'il revient aujourd'hui au devant de la scène, c'est qu'il faut trouver au plus vite une solution à ce flou artistique, car le régime actuel entraîne l'émiettement des terres, le sous-investissement et le sous équipement, ainsi que la vente sur pied et une forme de laisser-aller qui est préjudiciable à une gestion rationnelle de l'activité agricole. En d'autres termes, la forme d'EAC (Exploitation agricole commune) mise en place en 1987 sous Chadli Bendjedid implique que tout le monde est responsable mais que personne ne l'est en réalité. Pendant ce temps, des détenteurs de capitaux prennent les devants en achetant, sous la forme du désistement, des parcelles de terres auprès des membres des EAC et des EAI (Exploitation agricole individuelle). Pour sa part, l'Union nationale des paysans algériens (Unpa) a déjà rejeté le nouveau régime de la concession préconisé par le ministre de l'Agriculture, parce qu'elle suppose le remplacement des EAC par des sociétés civiles d'exploitation agricole, qui aurait une jouissance renouvelable des terres sur une période de 99 ans, avec possibilité de cessibilité et de transmission, parce qu'elle y voit une forme déguisée de privatisation, sinon un pas vers elle. Il serait intéressant de savoir pourquoi l'Unpa s'accroche à une situation qui maintient le foncier agricole dans une situation d'arriération et de sous investissement, dans un pays qui continue de payer une lourde facture alimentaire à l'importation. Quand les débats idéologiques remontant aux années 70, l'emportent sur le bon sens, cela ne peut se faire qu'au détriment du rendement, de l'investissement productif et de la création d'emplois en milieu rural. Certes, les aigrefins et la mafia sont à l'affût du démantèlement des exploitations agricoles, certains envisageant de les détourner de leur vocation pour des spéculations qui ne sont pas dans l'intérêt du pays, mais cela n'empêche pas les pouvoirs publics de rechercher les formes juridiques les plus appropriées à la sauvegarde des terres agricoles tout en favorisant l'investissement et le développement du monde rural, de plus en plus gagné par la paupérisation et la détresse. En tout cas, le statu quo actuel n'est pas à l'avantage d'une approche rationnelle du monde agricole.