Il y a à peine quelques mois, cette organisation était pour l'option vente des terres. Aujourd'hui, elle choisit la concession. L'Union nationale des paysans algériens (UNPA) reproche au ministère de l'Agriculture de ne pas l'avoir associée dans certaines décisions, notamment l'élaboration de l'avant-projet de loi agricole. Le SG, M. Allioui, déplore le fait que le département du Dr Barkat “ignore le discours du président de la République qui insiste sur I'association, au préalable, de I'Union dans les décisions liées au secteur”. Le ministère, estime M. Allioui, qui est intervenu au cours de la quatrième session du conseil national de l'Union, “n'implique plus l'organisation dans des questions ayant trait à l'évaluation et l'étude des problèmes de terrain. Pis, I'Union ne figure plus parmi les commissions chargées de réfléchir sur des préoccupations de l'heure”. Le premier responsable de l'UNPA n'y est pas allé de main morte pour dénoncer la marginalisation de son organisation dans la préparation des programmes de soutien. Il s'est d'ailleurs interrogé sur les motifs qui ont poussé la tutelle à “effacer” l'Union du “circuit officiel”. L'Union, par la bouche de son SG, a réitéré sa position sur l'avant-projet de loi relatif aux terres agricoles. L'UNPA S'ALIGNE SUR LA POSITION DU CHEF DE L'ETAT S'appuyant sur les orientations du chef de l'Etat, le SG estime que le système de concession est le plus indiqué. Car il interdit le morcellement des terres et encourage l'émergence d'agriculteurs légitimes et qualifiés, avec la condition sine qua non de maintenir la vocation agricole de la terre. Celle-ci demeure, en outre, la propriété de l'Etat. Dans sa globalité, l'UNPA approuve le projet du Dr Barkat, mais elle émet des réserves quant à l'utilisation de certains termes. Ainsi, l'Union craint que des dispositions de cette loi, comme l'article 44, ne soient mal interprétées et peuvent encourager, de ce fait, les attributaires à changer la vocation agricole de ces terres. L'idée de remplacer les EAC (exploitation agricole collective) et les EAI (exploitation agricole individuelle) par des sociétés civiles, tel que le prévoit le texte, n'est pas du goût de l'Union. RESERVES SUR LES SOCIETES CIVILES Pour rappel, le projet préconise la création de sociétés civiles d'exploitation agricole, donc d'entités morales capables de prendre en charge les EAC et les EAI. Ces sociétés seront composées d'attributaires de ces exploitations qui doivent être des personnes physiques de nationalité algérienne n'ayant pas adopté une attitude indigne pendant la Révolution. En somme, les entités et leurs actionnaires seront identifiés et les patrimoines évalués. Pour M. Allioui, le mot “société civile” est soumis au droit civil. Ce qui est en parfaite contradiction, explique-t-il, avec les spécificités du secteur agricole dont la nature de la gestion et le travail de la terre. “La vision de la société civile est une gestion administrative et ne peut, par conséquent, s'appliquer à notre secteur et ne peut être maîtrisée par I'agriculteur”, dira M. Allioui. Et d'ajouter : “Nous avons une idée sur les entreprises publiques dissoutes...” L'intervenant a fait état de la surenchère de certains milieux qui agissent comme si l'Etat est leur “propriété privée”. Sinon, comment expliquer, argue-t-il, que des lois soient élaborées et appliquées d'une manière unilatérale ? Le Chef du gouvernement qui a pris part à cette rencontre a avoué que des insuffisances persistent encore dans le secteur. L'Exécutif, selon M. Benflis, est à la recherche de nouveaux modes à même de créer une dynamique réelle dans le secteur de l'agriculture. Il a promis à l'assistance que les terres resteront la propriété de l'Etat. Le Premier ministre a affiché son optimisme quant à l'élaboration d'un cadre réglementaire qui assurera la stabilité dans le monde rural. “Nous avons besoin de cette stabilité, compte tenu des échéances qui attendent l'Algérie dont l'adhésion à l'OMC.” Pour M. Benflis, il est grand temps de réfléchir aussi sur les possibilités d'exporter vers l'étranger le surplus de la production nationale. Il a reconnu l'existence de problèmes liés à la sécheresse, la désertification, le manque de crédits bancaires…, mais il a refusé de tenir des promesses sans lendemain. “La seule promesse que je puisse assurer est que la concertation sera permanente quant à l'avenir du secteur”, précisera-t-il. Il est à rappeler que l'UNPA était, il y a à peine quelques mois, partisane de la privatisation des terres agricoles. L'organisation a manifesté son soutien, à ce propos, au gouvernement Ouyahia. Que l'UNPA dénonce l'indifférence du département de Barkat apparaît dans un certain contexte comme une réaction légitime. De là à tenir un discours à deux vitesses, l'un favorable à la privatisation et l'autre à la concession, ne peut être accepté par le commun des mortels. S'agit-il d'un soutien indéfectible au chef de l'Etat en prévision de la présidentielle de 2004 ? Ainsi, l'UNPA s'aligne sur la position du FLN. De ce fait, l'acte agricole reste, contrairement aux assertions du ministre de l'Agriculture, politique, puisque la majorité des agriculteurs exerçant dans les secteurs public et privé sont favorables à la vente des terres. Il aurait suffi d'un cahier des charges strict, évitant le détournement des surfaces et des règles d'acquisition à tempérament souples, pour que la question du foncier agricole soit définitivement réglée. B. K.