Un diplomate hors pair Le 3 mai 1982, l'Algérie souveraine venait de prendre connaissance de l'indélébile et tragique information de la mort de Mohamed Seddik Benyahia et de la délégation algérienne qui l'accompagnait. Originaire de Jijel, Mohammed Seddik Benyahia, est né le 30 janvier 1932. Il participa activement à la lutte de Libération nationale. Il fut notamment secrétaire général du gouvernement provisoire de la République algérienne. Il participa à tous les processus menant à l'Indépendance, puisqu'il fut membre de la délégation algérienne aux discussions de Melun, membre actif dans les négociations ayant abouti à la conclusion des accords d'Evian. Il présidera la réunion du Conseil national de la Révolution algérienne à Tripoli en 1962. Après l'Indépendance, il entama sa carrière diplomatique en qualité d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire dans deux prestigieux postes, Moscou et Londres puis comme ministre de l'Information, de l'Enseignement supérieur, des Finances et enfin des Affaires étrangères. Le 3 mai 1982, l'Algérie souveraine venait de prendre connaissance de l'indélébile et tragique information de la mort de Mohamed Seddik Benyahia et de la délégation algérienne qui l'accompagnait. Plusieurs navettes entre Baghdad et Téhéran ont été effectuées pour convaincre les dirigeants des deux pays d'éviter un conflit meurtrier aux deux peuples. Alors qu'il accomplissait cette mission de bons offices, il venait de quitter Baghdad en direction de Téhéran. Au moment où il amorçait sa pénétration en territoire iranien, l'avion ministériel fut abattu par un missile irakien qui ne laissait aucune chance de survie aux occupants. C'est l'Iran qui fut accusé en premier lieu, probablement sur la base de la présence des débris de l'appareil sur son territoire. Ensuite, sur la base des éléments de l'enquête conjointe menée par l'Iran et l'Algérie, les investigations ont fourni leurs données: - premièrement, il s'est avéré qu'il s'agissait d'un missile irakien que les Soviétiques ont identifié grâce au numéro inscrit sur un débris récupéré sur les lieux et ont confirmé l'avoir vendu à l'Irak. - deuxièmement, depuis cet incident, les Irakiens ont observé un mutisme et black-out étonnants. - troisièmement, le ministre des Transports algérien de l'époque s'est rendu à Baghdad muni du dossier volumineux contenant tous les éléments dans leur moindre détail sur cet incident. - à l'issue de l'exposé par le ministre algérien, le président Saddam, en présence d'un seul ministre irakien présent à l'entretien, ne fera aucun commentaire sur le sujet et brillera par son silence, sinon de se lever et prendre congé de son hôte sans ouvrir la bouche en serrant la main au ministre algérien. - quatrièmement, sur les instructions du président de la République de l'époque, l'Algérien aurait insisté auprès du président irakien sur le silence à tenir sur cette affaire et qu'en aucun cas cette affaire ne doit être rendue publique sous quelque raison que ce soit, en précisant qu'en Algérie, le nombre de personnes qui connaissent les tenants et aboutissants est restreint et émis le voeu de la réciprocité dans ce dossier. Voilà ce que tout commun des mortels sait actuellement sur cette affaire gravissime. J'ai eu l'honneur d'approcher feu Benyahia dans les années 1970 alors ministre de l'Enseignement supérieur. J'ai accompagné le ministre burkinabé de l'Education nationale, M. Ali Lakouandé, au siège du ministère de l'Enseignement supérieur qui se trouvait en lieu et place de la Maison de la presse actuelle. (En pénétrant dans le bureau ministériel, je me commémorais les nombreuses visites en 1964, au directeur du matériel de l'ANP, le capitaine de l'époque, feu colonel Mohamed Bouzada, ancien dirigeant du Service national et d'Air Algérie). Le ministre burkinabé a connu le défunt à l'Ugema. Les deux ministres ont échangé un regard complice. Puis, feu Benyahia s'est penché vers moi et m'a chuchoté à l'oreille en me demandant de me présenter. J'ai tout de suite répliqué que j'étais moudjahid et diplomate de carrière. J'ai fais le geste de me lever pour quitter les lieux, mais de sa main droite, il m'obligea à s'asseoir. Le fait d'être moudjahid lui a suffi. Il avait le flair de juger la personne après un puissant regard, les yeux dans les yeux. Dans mon article: «Flash sur les splendeurs de la diplomatie algérienne», (L'Expression du mardi 8 octobre 2013, à l'occasion de la Journée de la diplomatie), je lui ai rendu un vibrant hommage. En effet, il a rendu à l'emploi de diplomate de carrière tous ses attributs. Dès son arrivée à la tête du département ministériel, il s'efforça par des textes juridiques à mettre à l'abri du besoin le diplomate de carrière en poste à l'étranger, lui éviter toute tentation susceptible d'entraver le cours de sa carrière. Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre à l'étranger en matière de santé, de scolarité des enfants de diplomates, de logements et de salaires. Il a remis sur les rails le mouvement diplomatique devenu normal et périodique. Grâce à lui, les femmes diplomates de carrière ont commencé à figurer normalement sur le mouvement, à l'instar de leurs collègues masculins. En tout cas, ma génération n'a jamais cessé de le remercier. Chaque jour, elle prie l'Eternel pour que Sa Miséricorde soit sur lui. Tous les diplomates de carrière, particulièrement la génération actuelle, doivent savoir que les attributs actuels qui sont les leurs, ils les doivent à feu Mohamed Seddik Benyahia.