Le Pr Chems Eddine Chitour Pour le professeur, si l'Algérie veut continuer à exister, elle devra incontestablement se trouver un «vrai» modèle énergétique. Un modèle énergétique pour l'Algérie, la transition énergique, la place du savoir et le sort du pays dans les 30 années à venir. Ce sont autant de concepts chers au Pr Chitour qu'il veut transmettre aux générations futures. «On doit faire prendre conscience aux jeunes que le pays ne pourra survire sans une transition énergétique pour créer un modèle énergétique viable et durable», a t-il expliqué en prisant que cela passe incontestablement par la sensibilisation des jeunes au niveau des universités, des écoles... «Cela afin de changer les mentalités», rétorque t-il. C'est dans cette lignée d'idées qu'il a animé, hier, une conférence pour les étudiants de l'Ecole polytechnique d'Alger sous le thème: «Une transition énergétique pour le développement durable en Algérie: le rôle du système éducatif». D'emblée, il parle du grand défi que devra relever l'Algérie si elle veut continuer à exister, le développement durable. Pour réussir ce défi on doit d'abord éradiquer le gaspillage de l'énergie sous toutes ses formes. «Nous devons nous mettre à l'économie d'énergie (électricité, eau, gaz, carburant,...) pour diminuer nos besoins», suggère-t-il comme message qui n'est pas seulement adressé aux autorités mais à tous les citoyens. «Consommez moins, pour consommer mieux», conseille-t-il. «On doit payer l'énergie à son prix réel. Les Algériens qui payent l'énergie et l'eau qu'ils consomment à des prix symboliques ne se rendent pas compte de l'importance de leur sauvegarde», estime-t-il. «On est en train de subventionner le Maroc et la Tunisie, il faut les inscrire dans notre loi des finances. 25% de la consommation tunisienne en carburant provient de chez nous», se désole-t-il. Dans ce sens, il réclame un changement de la politique énergétique du pays qui ne se base pas sur les prix de revient réels. «Tant qu'on ne se basera pas sur les prix de revient réels de l'eau et de l'électricité, nous n'avancerons jamais», affirme-t-il. «Il n'est pas normal de faire payer au même prix l'eau à quelqu'un qui remplit sa piscine et celui qui survit avec...», lance-t-il. «Il faut que l'eau, l'électricité et le carburant soient alignés sur leurs véritables prix pour que les citoyens fassent plus attention et les préservent. Maintenant, on arrive à payer ces différences entre le prix de revient et le prix de vente grâce à la rente pétrolière. Mais comment allons-nous faire à l'après- pétrole? Ce sera la catastrophe...», atteste le professeur émérite, Chems Eddine Chitour, à qui il n'en fallait pas plus pour réclamer la fin de la consommation abusive de carburant pour stopper la pollution qu'il engendre. «Il est temps de rouler propre, pour cela, nous devons mettre fin au pétrole dans les transports», prône-t-il. Comment doit-on procéder? «Eh bien, c'est simple, il faut passer au GPL», répond M.Chitour. «Le GPL doit de ce fait être encouragé par les autorités pour inciter les citoyens à sauter le pas, surtout que c'est le carburant le moins cher qui existe sur le marché. Et le gaz ce n'est pas ce qui manque en Algérie», souligne-t-il en souriant. Cet enseignant à l'Ecole polytechnique d'Alger et coriace défenseur de l'environnement affirme que l'écologie doit être le souci de tous. «L'écologie, la préservation de nos ressources sont l'affaire de tous, il y a de nouveaux comportements que les modèles de la société doivent inculquer en commençant par les enseignants et les imams», préconise-t-il non sans appeler à la formation des jeunes. «La formation des hommes est la colonne vertébrale du développement dans tous les pays du monde. Malheureusement, elle fait défaut en Algérie», certifie-t-il. «Ce n'est pas en donnant des bus aux jeunes que l'on créera des richesses», peste-t-il. «Pourquoi ne pas les encourager à développer leurs propres prototypes particulièrement en ce qui concerne le développement durable?», se demande-t-il comme un appel lancé aux autorités.«Il faut intéresser les jeunes au destin de leur pays, et cela on ne peut le faire sans les former», avise-t-il. Devant une pléiade de jeunes étudiants, mais aussi de simples citoyens venus assister à cette conférence, le Pr Chitour insiste aussi sur la sauvegarde de nos ressources. «Il faut penser aux générations futures, il faut mettre un frein au pompage frénétique des ressources fossiles. On ne doit utiliser que ce dont nous avons besoin», explique-t-il. «Notre meilleure banque est notre sous-sol. Nous devons tout mettre en place pour le protéger», recommande-t-il. Le Pr Chitour n'a pas omis de dénoncer le manque de stratégie énergétique en Algérie. «Nous n'avons aucune stratégie, nous ne savons pas où nous allons», déplore-t-il. «Il n'est pas encore trop tard. Vous êtes l'avenir. Il faut nous aider à changer les choses. Votre impact est très important. Les petits ruisseaux font les grandes rivières», insiste-t-il avec conviction auprès de ces jeunes étudiants éblouis par cette conférence. «Change maintenant, pour ne pas mourir demain...», conclut-il sous les applaudissements de la salle.