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Sidi Aïch abreuve les rigoles de la mémoire
CLÔTURE DU COLLOQUE SUR MOHAND CHERIF SAHLI
Publié dans L'Expression le 17 - 05 - 2014

Jamais la ville de Sidi Aïch n'a connu un événement de cette taille. Pour que nul n'oublie.
Le colloque sur Mohand Chérif Sahli clôturé hier par une série de visites sur le terrain et l'inauguration du buste de l'historien a, incontestablement, marqué les esprits autant par la thématique retenue, que par l'envergure des personnalités présentes. Cette manifestation qui s'inscrit dans le cadre du 25e anniversaire de sa mort, a connu trois grands moments qui se sont articulés respectivement sur les témoignages, l'analyse de ses oeuvres et les intellectuels de la région.
«Il ne s'agit pas de lui rendre hommage ou de le réhabiliter, mais plutôt de remettre les pendules à l'heure», a déclaré, d'emblée, le professeur Djamil Aïssani à l'ouverture des travaux de la séance des témoignages trouvant «anormal» que «25 ans après sa disparition, aucune institution scientifique, aucune université ni centre de recherche n'ait pensé analyser ses oeuvres. Il a fallu attendre que la ville de Sidi Aïch lance cette initiative alors que le Message de Jugurtha, L'Emir Abdelkader, Le chevalier de la foi tout comme l'oeuvre Décoloniser l'histoire sont des sujets d'actualité». «L'objectif de ce colloque est d'analyser le parcours du journaliste, de l'éditeur, du diplomate, de l'historien. De grands spécialistes sont présents pour analyser chacune de ses oeuvres» a annoncé le président de Guéhimab.
La présence d'éminentes personnalités dénote de l'importance de l'événement, les valeurs d'un homme dont la reconnaissance demeure insuffisante par rapport à tout ce qu'il a fait pour le pays, témoigne un autre intervenant. Rédha Malek, ancien chef de gouvernement et membre de la délégation aux accords d'Evain, le Dr Ali Haroun, membre du Haut Comité de l'Etat (HCE), Cheikh Bouamrane, ancien président du Haut Conseil islamique, Abdelmadjid Chikhi, ancien directeur des Archives nationales d'Alger, Mohamed Boutaleb, président de la fondation Emir Abdelkader, Zahir Ihaddaden, ancien directeur de l'Institut du journalisme, Fouad Bouattoura, directeur général du protocole au ministère des Affaires étrangères, Settar Ouatmani de l'université de Béjaïa, ont témoigné sur le parcours de Mohand Chérif Sahli.
Djamel Sahli a présenté une communication portant sur une brève étude biobibliographique sur Mohand Chérif Sahli.
La journée d'hier a été consacrée à un circuit historique et la présentation des 10 dossiers d'inscription (centre d'interprétation muséal et classement sur l'inventaire de sites répartis sur 10 communes de cinq daïras de la vallée de la Soummam).
Visite des bibliothèques de Sidi Aïch et El Flaye, le dernier moulin à eau au village Imaghdassen dans l'Akfadou et la stèle libyco-romaine au village Izoughlamène à Tifra et bien évidemment, l'inauguration du buste de Mohand Chérif Sahli.
Ils ont dit
Rédha Malek
«C'est du baume au coeur»
L'ancien chef de gouvernement s'est dit «impressionné par le rassemblement qui honore la vallée de la Soummam et toute la région de Sidi Aïch».
«Honorer un intellectuel d'une grande envergure, met du baume au coeur. Un encouragement aux intellectuels qui ont joué un rôle d'avant-garde dans le combat libérateur du pays». Mohand Chérif Sahli est le premier grand personnage de la critique de l'histoire et de la pensée», a ajouté Rédha Malek qui précise qu' «il n'a pas cessé de penser à son peuple auquel il s'identifie.Il a réfléchi sur ses racines et ses origines.
Il est remonté jusqu'à l'antiquité pour retrouver et faire connaître l'histoire de son peuple à travers ce grand héros, une figure de proue comme Jugurtha». Il mettra ensuite en exergue les trois messages de Mohand Chérif Sahli, à savoir «retrouver l'identité nationale de l'Algérie, faire connaître le peuple numide et ses héros avant Jugurtha.
Retrouver la personnalité de l'Algérie, l'histoire de l'Algérie dans sa continuité et son unité».
Mabrouk Belhocine, militant du Mouvement national
«Le PPA a saboté la parution du livre Le message de Jugurtha»
M.Belhocine abonde dans le même sens. La direction du parti PPA aurait, selon toujours le même témoignage, saboté la sortie du livre Le message de Jugurtha» parce qu'elle l'accuse de véhiculer des thèses berbéristes.
Il faut dire qu'à l'époque, il y avait beaucoup de doute sur ce qu'on appelle le complot, la crise berbériste et beaucoup de militants ont été exclus justement du parti pour cette étiquette berbériste. «Je pense qu'il a été accusé à tort parce que, à la lecture des livres de Harbi, il n'a jamais posé cette question si ce n'est un travail d'historien, qui a écrit sur l'histoire de l'Algérie», explique-t-il.
D'autre conférences ont marqué la première journée du colloque.
On notera L'Emir Abdelkader, chevalier de la foi par Zouheir Boutaleb, fondation Emir Abdelkader.
Le présent lorgne le passé: lecture du message de Yougourtha dans son contexte nationaliste, par le Dr Karim Sahli, Université de Tizi Ouzou, Décoloniser l'histoire de Mohand Chérif Sahli: quels enseignements aujourd'hui? par le Dr Mohand Akli Hadibi, université de Tizi Ouzou, Décoloniser l'histoire, 50 ans après! Oui mais comment? par M.Fouad Soufi, Crasc Oran, Mohand Chérif Sahli, un historien de notre temps par Jean-Pierre Laporte, Cnrs, Paris, Importance des études historiques depuis la parution du message de Jugurtha par Abderrahmane Khalifa, Agence d'archéologie Alger, Les Aït waghlis, leurs écoles, leurs intellectuels par Djamil Aïssani.
Maître Ali Haroun, ancien membre du HCE
«Il a porté haut et fort la voix de l'Algérie»
Il a souligné dans son intervention le rôle important des intellectuels dans le combat libérateur du pays. «On parle de moudjahid avec le fusil, au cours de ce colloque, je veux parler des porteurs de la plume et de la pensée», «Evoquer le nom de Mohand Chérif Sahli constitue un pas important dans l'écriture de notre histoire», estime l'ancien chef du HCE.
Les oeuvres de Mohand Chérif Sahli témoignent de son combat.
M.C. Sahli ne peut être évoqué que comme militant du FLN et de la cause nationale, mais également comme acteur de la révolution en portant la parole et la voix de l'Algérie combattante à l'étranger», a-t-il ajouté avant d'aborder l'oeuvre de l'Emir Abdelkader, chevalier de la foi qui, estime-t-il, «atteste de l'engagement de l'homme» et conclut «car avec la foi on peut tout réussir, par notre foi et notre courage, on construira l'Algérie de demain».
Zahir Ihaddaden, historien
«Il nous a laissé un trésor de messages»
«M. C. Sahli nous a laissé des écrits qui sont de véritables messages. Celui d'abord, de Jugurtha qui lutta et se sacrifia pour empêcher les Romains de coloniser l'Algérie, ensuite celui de l'Emir Abdelkader qui lutta et se sacrifia pour empêcher les Français de coloniser l'Algérie, mais le message le plus significatif est celui qui s'adressa aux historiens: de décoloniser l'histoire de l'Algérie»
Settar Ouatmani de l'université de Béjaïa
«Il a fait partie de ceux qui ont posé le problème identitaire»
Il a dressé le portrait de l'historien en se basant sur «les témoignages de certains historiens et militants du Mouvement national, à l'image de l'historien Mohamed Harbi, spécialiste de l'histoire algérienne, qui rapportait dans son témoignage qu'à la fin des années 1940, à la sortie du livre Le message de Jugurtha, la direction du Mtld et Messali Hadj lui ont demandé, parce qu'il connaissait Mohand Chérif Sahli qui était militant, de faire très attention à lui pour le motif qu'il était accusé indirectement de véhiculer des thèses berbéristes. Ils l'accusèrent même (Mohand Chérif Sahli) d'avoir ce qu'on appelle «un parfum d'anti-arabisme». Or à l'époque, il y avait des militants nationalistes d'origine kabyle, qui ont posé pour la 1ère fois, d'abord à titre officieux dans des réunions clandestines et ensuite officiellement en 1949, le problème identitaire. Deux tendances nationalistes issues de la Kabylie «s'affrontent alors»: il y a ceux qui pensaient qu'on pouvait combattre le colonialisme et poser le problème de la question berbère et d'autres qui estimaient, comme Abane Ramdane et Krim Belkacem, qu'il fallait d'abord régler le problème du colonialisme et discuter ensuite de la question berbère, mais après le déclenchement de la guerre, le problème ne s'est plus posé» a fait savoir Settar Ouatmani de l'université de Béjaïa dans son portrait de l'historien.


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