La rencontre, organisée par des institutions et des associations locales et nationales sous la direction de la société savante Gehimab, a attiré un public nombreux et réuni un panel de conférenciers de qualité. De hautes personnalités et un panel d'animateurs venus de Bejaïa, Oran, Tlemcen, Tizi Ouzou, Alger, Paris, étaient là. L'homme et son œuvre n'ont pas laissé indifférent, en dépit de l'oubli dans lequel « on » a voulu définitivement les enterrer. Personne ne définira cet ignominieux « on » qui a voulu effacer de la mémoire nationale tant d'autres emblématiques figures, mais chacun en connaît la raison. Celle-là même contre laquelle Mohand-Chérif Sahli s'est énergiquement élevé et qu'il a combattue sans relâche : la falsification de l'Histoire, l'organisation de l'amnésie et la dénaturation de l'identité des peuples pour asseoir et servir une domination illégitime. Agrégé de philosophie, il aurait pu se contenter de débattre du sexe des anges et couler une vie paisible d'enseignant « intégré » dans la société parisienne. Il était d'une autre trempe. Il s'engage dans le combat militant de la cause nationale en devenant journaliste, critique et éditeur et se fait historien pour reconstruire une identité nationale dévoyée. En 1947, il publie « le Message de Youghourta », puis « l'Algérie accuse... » et en 1952, « Abdelkader, le chevalier de la foi ». En 1955, il devint membre de la commission presse de la Fédération FLN de France et en 1957, il est nommé représentant permanent du FLN, puis ambassadeur du GPRA en Scandinavie. A l'indépendance, alors qu'il est professeur à l'Université, il publie « Décoloniser l'histoire », se plaçant en précurseur de la critique historique en Algérie, dont les idées forces seront reprises par d'autres auteurs. Il sera ensuite ambassadeur en Chine, en Corée du Nord, au Vietnam et en Tchécoslovaquie. En 1988, il publie encore « L'Emir Abdelkader, mythes français et réalités algériennes ». Il décède en 1989 et est enterré au carré des martyrs d'El Alia. Outre les témoignages et conférences sur l'œuvre, le programme comporte, en marge du colloque, une exposition des archives et objets appartenant à l'historien et l'organisation d'un circuit historique à travers les sites et monuments des Ath Waghlis qui composeront le futur Musée national de patrimoine et de société de la Kabylie. Ouali M. Ils témoignent Rédha Malek : « Une quête identitaire pour servir la cause nationale » Il s'est félicité que l'on honore un intellectuel. « Cela nous met du baume au cœur. » « Cet homme d'envergure, précurseur de la critique historique en Algérie, s'est identifié totalement à son peuple et a exploré 20 siècles d'histoire. Il a recherché une identité retrouvée dans le peuple numide et ses héros. Il parlait de Youghourta comme s'il s'agissait d'un héros d'aujourd'hui. Il parle de notre peuple et de nos héros. C'est un intellectuel engagé. Le message de Mohand-Chérif Sahli, à travers Youghourta dont il retrace la lutte contre les Romains, mais aussi l'émir Abdelkader dans sa résistance, était que l'ennemi n'est pas toujours loyal. La révolution du 1er Novembre est l'aboutissement de cette lutte et le FLN et l'ALN ont tiré les enseignements et compris qu'il ne fallait pas se faire d'illusions avec l'ennemi. » Ali Haroun : « Il a été la voix de l'Algérie combattante » Ali Haroun a mis l'accent sur le militant Mohand-Chérif Sahli que sur l'écrivain. « Il a porté la parole de l'Algérie au monde entier », rappelant la difficulté pour les nationalistes, à l'époque, de pouvoir intervenir sur l'opinion publique occidentale. « Il a été la voix de l'Algérie combattante. » « Des voix, pourchassées par les services spéciaux et les tueurs de la Main rouge, sans lesquelles le combat sur le terrain n'aurait eu aucun impact international », explique l'ancien membre du Haut-Comité d'Etat. Fouad Bouattoura : « Un phare de notre diplomatie » Le directeur du protocole du ministère des Affaires étrangères a esquissé la figure du diplomate, mettant l'accent sur sa rigueur morale, son sens de la pédagogie, l'intransigeance de son patriotisme et son engagement sans faille pour les causes justes. « C'est un phare de notre diplomatie », dira-t-il. Zahir Iheddadène : « Je l'ai connu comme enseignant » C'est en tant qu'élève qu'il a connu en 1941, Mohand-Chérif Sahli, écarté du corps des enseignants à Paris, devenu instituteur à l'école primaire de Toudja. Il allait étonner ses élèves, parce qu'il parlait leur langue et n'enseignait pas à coups de bâton. Après l'indépendance, lors d'une rencontre fortuite dans les rues d'Alger, Mohand-Chérif Sahli lui demande de se rendre chez Ferhat Abbas l'avertir qu'il allait être arrêté, car il considérait qu'on commettait une injustice à son égard. « Ils veulent que je quitte l'Algérie, eh bien non ! » rétorque-t-il dans sa réponse que rapporte Zahir Iheddadène.