«Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse.» Jean-Luc Godard Ce n'est pas un événement dicté par des circonstances, mais une manifestation qui tombe chaque année à la même période, à la veille de l'été. C'est peut-être la conception de ce que doit être un mouvement culturel qui fait la différence entre un pays développé qui cherche à promouvoir toutes ses industries conjuguées et un pays sous-développé où ce sont les ambitions personnelles, le désir de se distinguer qui guident le choix des hommes politiques. C'est à la faveur d'une préparation sérieuse et méticuleuse que l'on s'aperçoit qu'il n'y a pas que la mer Méditerranée qui sépare l'Afrique de l'Europe, il y a aussi un océan de traditions et de luttes... En tout cas, c'est une machinerie bien huilée qui offre chaque année à ses amateurs, à ses fans, aux touristes et aux professionnels du cinéma deux semaines de rêves entre la plage et les salles obscures. Et comme toutes les manifestations dont les rides n'altèrent pas la beauté, le Festival de Cannes possède autant d'histoires que de légendes. Les vétérans vous raconteront d' inoubliables montées des marches où des actrices ont eu maille à partir avec la presse ou ont défié les règles de la pudeur, d'autres sont encore habitées de célèbres fantômes qui hantent encore les sorties de restaurant ou la sablette... La ville de Cannes, comme chaque année, prépare fébrilement le Festival du cinéma. Des centaines ont été visionnés par le monde et une sélection drastique effectuée par des spécialistes, aussi sensibles à l'esthétique, la mode ou la politique, vont pourvoir un riche programme unique en son genre. Comme pour les vins, il y a des millésimes qui vous tournent la tête et d'autres qui vous laissent sur votre soif. C'est une occasion, non seulement pour la ville d'attirer une foule de touristes de toutes classes, mais aussi le moment ou jamais pour les professionnels du cinéma français, producteurs et distributeurs, de chercher à valoriser la production cinématographique française qui a du mal à se relever des accords Blum-Byrnes de 1946 (accords qui imposaient à une France exsangue un quota obligatoire de films américains dans la programmation des salles). D'éminents hommes de culture, écrivains, historiens, poètes, critiques de cinéma ou simplement des syndicalistes de la profession ont uni leurs voix afin que le gouvernement français augmente son aide à un secteur qui était en plein dépérissement, d'abord, suite à la Seconde Guerre mondiale, ensuite, à cause de l'intrusion du petit écran dans les foyers... Les vedettes, les étoiles, les starlettes en paillettes ou dans un plus simple appareil se mettent en scène sur la Croisette, sur la plage ou dans les soirées légendaires où tout est permis, pour faire rêver ceux qui veulent sortir un peu de la grisaille quotidienne. Les producteurs, les distributeurs signent des contrats, les réalisateurs cherchent des financements à des projets qui leur tiennent à coeur et la presse sème sur tous les supports rumeurs, anecdotes et critiques... Autant en emporte le vent... Tout ce folklore est destiné à maintenir en vie une activité menacée, aussi bien par les avancées technologiques, que par une impitoyable concurrence internationale. Mais le festival ne vit pas détaché du climat politique: en 1968, il a été interrompu et a donné lieu à des confrontations idéologiques violentes, car la contestation qui avait fait voler les pavés parisiens a trouvé écho sur la Croisette et de célèbres metteurs en scène ont purement et simplement retiré leurs films de la compétition. Depuis, aucune vague n'a perturbé le déroulement de ce film à épisodes: le spectacle continue puisque tout le monde y a trouvé son compte.