Sans être intégrée dans un segment particulier de l'économie mondiale, l'Algérie a une économie totalement extravertie : elle ne maîtrise aucun des paramètres de l'équation des équilibres budgétaires. Les prix de pétrole se fixent sur le marché spot et échappent totalement à la sphère de décision nationale. Les prix des biens et services qu'elle importe étant fixés ailleurs, la seule intervention possible de l'Algérie sur ses importations est limitée aux prélèvements douaniers et fiscaux. Avec la réelle percée, ces dernières années, du secteur privé, l'économie algérienne n'arrive pas à décoller, essentiellement par le fait de deux phénomènes a effet cumulatif. Il y a d'abord une administration bureaucratisée, opaque et corrompue qui ne marche qu'aux pots-de-vin. Cette situation dissuade les investisseurs. Ensuite, elle décourage ceux qui osent entamer des projets. Enfin, la dernière catégorie d'investisseurs, ceux qui ont franchi tous les obstacles et sont arrivés au stade de la production se retrouvent confrontés au deuxième phénomène: le bazar! Tout ou presque a été dit sur les dérives du commerce extérieur depuis sa libéralisation. Un scénario a même été établi par des cadres du ministère du Commerce: les anciens barons du régime, qui disposaient par le passé, outre de la loi 78/02 portant monopole de l'Etat sur le commerce extérieur, se sont enrichis par des ristournes et des dessous de table faramineux. Ce sont eux qui, aujourd'hui, ont récupéré le monopole sur le commerce extérieur, sur le mode privé. Ce sont ces mêmes responsables, dont certains sont toujours en exercice, qui structurent les politiques douanières et fiscales dans le sens du bazar, au détriment de la production nationale. «L'effet d'accumulation capitalistique lié à l'activité d'import retourne à l'import, au lieu d'aller vers l'investissement productif», affirmait M.Bouras, membre du Cnes lors du forum d'El-Moudjahid. M.Farès, autre expert du Cnes, confirme et parle de «dérive tendancielle du commerce d'importation vers une structure sociale de caravanier, à la différence près que les termes de l'échange ne génèrent aucune valeur ajoutée nationale». C'est-à-dire aucune création d'emplois ou de richesses. C'est dans un tel contexte que l'Algérie va affronter la 4e conférence de l'OMC à Doha (Qatar) et qu'elle va à la zone de libre-échange méditerranéen. Comme pour rassurer des pays comme l'Algérie, mono-exportateurs inquiets des prix du baril, la Banque mondiale (BM) publie avant terme, un rapport de conjoncture, la veille de l'ouverture des travaux de l'OMC. Un rapport très optimiste disant à peu près ceci: «Démantelez vos barrières tarifaires, plaidez pour un autre round de négociation OMC, la croissance reprendra vers le milieu de 2002 et les prix du pétrole vont s'envoler.» Le gouvernement algérien, avant même Doha, a entamé le démantèlement. Pourtant, il avait exigé un bilan de l'application des recommandations du Marrakech Round, de l'Uruguay Round, avant d'entamer celui de Doha. Cette position a trouvé un soutien très large, même auprès de certains pays européens, tels que l'Espagne, le Portugal, et, dans une moindre mesure, la France et l'Italie. Mais ce bilan peut déjà être tiré sur au moins trois secteurs: d'abord l'agriculture : le différentiel de productivité entre l'Algérie et les pays développés, sur certaines cultures, est de 1 à 500. Quelle compétitivité est possible, malgré la valeur réelle et l'efficacité du PNDA? Ensuite les biens industriels: 1400 entreprises publiques, appelées à être privatisées, sont globalement en décroissance accélérée (-6,4% au 1er trimestre 2001) L'investissement national et étranger est plus que réticent, malgré les deux ordonnances du 20 août. Les investisseurs n'ont pas confiance en l'administration algérienne trop bureaucratique, trop opaque, trop corrompue, gouvernée par les barons des conteneurs. Selon M Farès, «l'Etat devrait revenir à l'investissement économique direct, en partenariat avec des capitaux privés, pour soutenir la relance». Cette option, dite économie mixte, «permet d'inscrire l'entreprise dans la légalité fiscale et parafiscale, par l'apport des actions publiques, et une efficacité de gestion et de profit par l'apport du privé». C'est-à-dire asseoir une éthique de gestion et une culture d'entreprise. Enfin, les biens de services à caractère culturel: «Les responsables algériens ne semblent pas très conscients de l'importance de l'image de l'Algérie à l'étranger pour son économie», nous confiait M.Paolo Lembo, coordonnateur résident de l'ONU à Alger. Le triste spectacle du dernier Maoussem de Taghit dit, effectivement, l'incroyable dédain dans lequel le gouvernement algérien se complaisait vis-à-vis de la chose culturelle. Alors pour l'Algérie, aller avec cette réalité à la zone de libre-échange ou à l'OMC revient à «un suicide économique identitaire et à terme national».