Le chef d'Etat libanais Michel Sleimane a déploré hier l'incapacité des députés à élire dans les délais un successeur dans ce pays miné par les divisions et sans président à partir d'aujourd'hui. Le mandat de M. Sleimane a expiré hier à minuit. Malgré cinq convocations ces deux derniers mois pour choisir un nouveau président, le Parlement n'a pas réussi à le faire faute de quorum ou de majorité requise. Le Liban sera donc sans président, un scénario que le pays a connu en 1988, en pleine guerre civile, et en 2007. Le gouvernement assumera les pouvoirs exécutifs jusqu'à l'élection d'un nouveau président par le Parlement qui reste en session ouverte. La paralysie politique est due à un important clivage entre les deux principaux camps: celui dit du 14 mars hostile au régime syrien et au mouvement du Hezbollah et celui dit du 8 mars emmené par le Hezbollah. Le premier est appuyé par Washington et Riyadh et le second par Damas et Téhéran. Dans un discours d'adieu avant de quitter le palais présidentiel près de Beyrouth, en présence de députés, de ministres et de diplomates, M. Sleimane a appelé «le Parlement à élire un président sans plus de délai, sinon il aura à assumer la responsabilité des dangers de la vacance de ce poste». Selon lui, «ce poste est le symbole de l'unité du pays» et l'absence d'un président constitue «une menace», surtout si ce vide est «intentionnel». Dans ce pays multiconfessionnel où la parité est de rigueur entre chrétiens et musulmans au Parlement, le président est par tradition un chrétien maronite, ce qui est unique dans le monde arabe. Mais il n'a plus de réels pouvoirs. Le camp du «14 mars» soutient Samir Geagea et accuse ses adversaires d'avoir boycotté les sessions du Parlement pour empêcher que le quorum exigé pour l'élection soit atteint. En face, Michel Aoun, le candidat du camp du «8 mars», cherche en vain à obtenir un consensus autour de sa candidature. Les deux camps sont divisés essentiellement sur les questions de l'arsenal du Hezbollah et de son implication dans la guerre syrienne, mais aucun n'a la majorité absolue au Parlement. Dans ce frêle pays, le choix du président a quasiment toujours été dicté par des puissances étrangères, et en particulier par la Syrie, puissance tutélaire durant 30 ans jusqu'au retrait de ses troupes du Liban en 2005. Malgré le conflit qui ravage le pays depuis trois ans, le régime syrien a toujours son mot à dire au Liban à travers ses alliés, au premier rang desquels le Hezbollah, qui combat les rebelles à ses côtés. Pour Ghassan Azzeh, professeur de Sciences politiques à l'Université libanaise, l'élection n'aura pas lieu avant «des mois» et l'incapacité des Libanais à élire un président «prouve une fois de plus qu'ils ne peuvent pas gérer leurs affaires par eux-mêmes».