Du sachet de lait détourné à la nouvelle «autoroute Est-Ouest» maritime pour le transport en Algérie, cela touche, mine de rien, beaucoup d'intérêts. L'utilisation d'une communication mal maîtrisée fait découvrir des dessous de cartes où les consommateurs ont bon dos... Etranges réactions lues dans la presse cette semaine. La première est celle de l'Union des transporteurs de la wilaya d'Alger (Unat). Dimanche dernier, un article nous apprend que cette union «interpelle le ministère des Transports sur plusieurs dossiers restés en suspens». C'est-à-dire d'anciens dossiers «réchauffés» pour la circonstance. Il s'agit, pêle-mêle, de «manque d'arrêt de bus», de «stations de bus qui ne répondent pas aux normes», de «gel de l'attribution de lignes de transport», de «nouvelles licences de taxi (qui) s'imposent», de l'existence des «taxis clandestins», des «taxis collectifs (qui) demandent une revalorisation de la tarification» et des «transporteurs de marchandises (qui) manquent de stations». Des dossiers «réchauffés» en effet. Ce qui attire le plus, c'est ce rassemblement de transporteurs. Des voyageurs et des marchandises. Des bus, des taxis et des camionnettes. Tout ce qui roule et transporte. Comme çà, subitement, ils se sont mis d'accord pour rappeler, tous ensemble, leur existence. C'est tout. Pas de solutions préconisées. L'article ne mentionne même pas s'il s'agit d'un communiqué, d'une conférence de presse ou d'une simple «confidence» chuchotée au journaliste. Comme cette «sortie» ne reposait sur aucune opportunité visible, il nous fallait chercher. Nous n'avons trouvé qu'une seule explication. Mais avant, voyons la deuxième réaction. Elle provient de l'Association de protection des consommateurs (Apoce). Là non plus on ne sait s'il s'agit d'un communiqué ou d'une conférence de presse. La publication ne le précise pas. Toujours est-il que, lundi dernier, l'association nous a appris qu'une «instruction des ministères du Commerce et de l'agriculture (a été prise) en date du 3 mars dernier, dans le cadre du contrôle de la transformation de la poudre de lait subventionnée». Ce qui est plutôt rassurant. Que dit cette instruction? Elle fait «obligation d'adjonction par les laiteries de l'amidon de maïs comme traceur, à raison de 0,5 gramme d'amidon pour 100 grammes de poudre, directement dans le mélange». Ce qui est génial car et, toujours selon l'association, «le traceur a pour objectif de connaître la destination du lait, ce qui participera à minimiser le détournement du lait subventionné». C'est-à-dire que grâce à la présence de cet amidon (qui vire au violet au contact d'un réactif iodé), les contrôleurs ne devraient pas trouver de trace d'amidon dans des produits dérivés (yaourts, fromages,...) du lait non subventionné. C'est rapide, net et efficace. On vous le disait, c'est génial contre la fraude. Oui, mais voilà, l'Apoce attire l'attention sur le fait que l'amidon de maïs est «très riche en sucre, ce qui peut nuire aux consommateurs diabétiques dont le nombre dépasse les deux millions en Algérie». Les responsables de l'association vont jusqu'à faire intervenir une nutritionniste et spécialiste en science des aliments qui «explique que l'amidon de maïs peut être dangereux pour la santé. L'amidon est l'une des principales sources alimentaires de sucre dans le sang. La consommation quotidienne ou à forte dose peut constituer un danger, notamment sur les personnes diabétiques». Pour comprendre nous avons cherché ce que doit être la «consommation quotidienne» et la «forte dose». Nous avons poussé la recherche jusqu'au...Canada. Là où les diabétologues conseillent à leurs patients «un repas équilibré contenant 45 à 75 g de glucides». Comparés au 0,5 gramme de glucide par litre de lait, on ne voit pas le danger signalé par la nutritionniste de l'association. Le problème est qu'elle ne s'arrête pas seulement au diabète. Elle affirme aussi «que les personnes qui font des intolérances aux amidons risquent de développer une allergie». Notons au passage que les aliments qui contiennent de l'amidon sont aussi courants que la pomme de terre ou la banane. Si on suit son raisonnement, on devrait retirer la pomme de terre du marché. Elle continue. «L'amidon constitue aussi un risque de prévalence de l'obésité, et de nombreuses maladies cardio-vasculaires», poursuit-elle. Pousser le bouchon aussi loin, pourquoi? Et c'est là que nous allons vous donner l'explication promise plus haut. Pour les deux réactions (transporteurs et lait subventionné), il y a pour les premiers, l'annonce faite la veille par le ministère des Transports de l'ouverture de la première ligne de transport maritime de voyageurs Alger-Tamentfoust (qui s'étendra ensuite sur les 1 200 km de notre façade maritime) et pour la seconde, la fabrication des yaourts et autres dérivés du lait à base de poudre de lait subventionnée. Pour les premiers c'est une concurrence qui s'annonce. Pour les seconds, c'est la fin de la triche. Ces réactions deviennent, à la fin, moins étranges. Plus claires. N'est-ce pas! [email protected]