Au lendemain de l'annonce de l'abdication du roi Juan Carlos, l'Espagne se prépare au passage de témoin au futur souverain, Felipe VI, qui hérite d'un pays en crise et aura la lourde tâche de rendre sa légitimité à la monarchie. Premier pas d'un processus qui pourrait prendre plusieurs semaines, le gouvernement doit se réunir mardi pour adopter une "loi de succession" fixant le scénario à venir, une situation inédite depuis la restauration de la démocratie en Espagne en 1978. Le texte devra être voté par les deux chambres du Parlement avant que le prince des Asturies, âgé de 46 ans, longuement préparé au métier de roi, ne prête serment et monte sur le trône d'Espagne. Epargné par la chute de popularité qui touche son père, dont la fin de règne aura été marquée par les scandales et les ennuis de santé, il devra néanmoins convaincre l'Espagne de sa légitimité, à l'heure où le pays, meurtri par la crise économique et le chômage, doute de ses institutions. Si les partis politiques favorables à la Couronne sont largement majoritaires, les turbulences qui ont entouré ces dernières années la monarchie ont ouvert un débat dans le pays sur un possible retour à la république. Et pour les plus jeunes, l'époque de la transition démocratique et le rôle joué alors par Juan Carlos appartiennent désormais à l'histoire. Lundi soir, des milliers de personnes, agitant le drapeau rouge, or et violet de la seconde république, proclamée en 1931 et balayée par la dictature en 1939, ont manifesté dans les rues des grandes villes d'Espagne. "L'Espagne, demain, sera républicaine", criaient les manifestants, portant des pancartes réclamant un référendum sur l'abolition de la monarchie. "Je suis ici parce que je veux élire mon chef de l'Etat", lançait Daniel Martin, un étudiant de 25 ans en sociologie de l'université Complutense de Madrid.