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Une troisième république? Le débat émerge en Espagne autour de la monarchie en crise
Espagne
Publié dans Le Temps d'Algérie le 01 - 06 - 2013

Sourires figés sous les huées, le prince héritier Felipe et son épouse Laetizia ont pris place jeudi dans le théâtre du Liceo de Barcelone pour assister à un opéra: cette image parmi d'autres illustre le débat qui s'est ouvert en Espagne sur l'avenir de la monarchie.
Dans ce pays où le soutien à la Couronne a toujours été volatil, une succession de scandales, ajoutés à la santé chancelante du roi Juan Carlos, âgé de 75 ans, ont nourri les interrogations d'une partie des Espagnols sur la légitimité de leur monarchie.
"Le moment est venu de parler sérieusement d'une consultation populaire pour voir si nous voulons avoir un chef de l'Etat éternel", lançait récemment le chef de la coalition écolo-communiste Izquierda Unida, Cayo Lara.
Aux cris de "Demain, l'Espagne sera républicaine", des milliers de personnes ont manifesté à Madrid pour le 82e anniversaire de la proclamation, le 14 avril 1931, de la Seconde république, balayée par les troupes nationalistes de Francisco Franco durant la Guerre civile (1936-39).
L'enquête pour corruption présumée qui vise le gendre du roi, Iñaki Urdangarin, la coûteuse chasse à l'éléphant au Botswana, qui en avril 2012 avait choqué le pays, les zones d'ombre entourant le patrimoine royal, "relancent un débat qui n'existait pas réellement il y a quelques années: celui de la république", souligne Fermin Bouza, professeur de Sociologie à l'Université Complutense de Madrid.
Remise en cause par Izquierda Unida ou par les indépendantistes catalans et basques, la monarchie l'est aussi "par la droite la plus dure, qui reproche au roi d'avoir composé de manière excessive avec la gauche", explique José Antonio Zarzalejos, ancien directeur du journal conservateur ABC.
Désigné par Franco pour lui succéder après la dictature (1939-75), Juan Carlos a incarné brillamment la transition de l'Espagne vers la démocratie, gagnant ainsi le coeur du pays. Mais une génération plus tard, les plus jeunes n'ont pas connu cette page d'histoire.
A la différence d'un pays comme la Grande-Bretagne, "il n'existe pas en Espagne de sentiment monarchique" historiquement ancré, souligne José Varela Ortega, le président de la Fondation Ortega y Gasset.
"La majorité des Espagnols ne sont ni monarchistes, ni républicains. De façon pragmatique, ils pensent que n'importe laquelle de ces façons de gouverner peut être la bonne", ajoute l'historien.
"L'Espagne a connu beaucoup de monarchies", rappelle Fermin Bouza. "Mais elles n'ont jamais été très proches de la population, ce n'étaient pas des monarchies naturelles".
Ainsi, depuis l'arrivée de la dynastie française des Bourbon en 1700, le soutien aux rois d'Espagne a toujours été inégal, souligne José Antonio Zarzalejos.
"Ferdinand VII a été un roi désiré en 1808", après l'expulsion de Joseph Bonaparte, imposé sur le trône d'Espagne par son frère Napoléon. Mais, remarque-t-il, "il a terminé comme un roi félon", qui a aboli la Constitution libérale de 1812 et rétabli un régime absolutiste.
Il cite aussi l'exemple d'Alfonso XIII, le grand-père de Juan Carlos, qui a déçu le pays quand, "après avoir mené l'alternance entre libéraux et conservateurs" au sein du gouvernement durant des années, il a soutenu en 1923 la dictature militaire de Miguel Primo de Rivera.
"L'explosion des idées républicaines dans les villes était alors quelque chose que l'on voyait arriver", quelques années avant la proclamation de la Seconde république en 1931, explique Fermin Bouza.
"A tout moment, cela peu à nouveau se produire", prévient-il, parce qu'"en Espagne, la république a toujours été associée à des revendications sociales".
De fait, le débat actuel autour de la monarchie se nourrit des retombées de la crise économique qui alimente la défiance envers les institutions. Même si, selon les experts, l'absence dans ce débat des grands partis politique devrait l'empêcher d'aboutir pour le moment.
Si le drapeau de la Seconde république, rouge, jaune et violet, flotte régulièrement dans les manifestations contre l'austérité, d'autres plaident pour une abdication du roi au profit du prince Felipe, qui, à 45 ans, bénéficie malgré tout d'une confortable popularité.


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