Dessous Le mariage du prince héritier d'Espagne, Felipe de Bourbon, avec la journaliste de télévision Letizia Ortiz n'est pas seulement un événement médiatique ni un conte de fées pour presse du c?ur. Ce qui est en jeu est aussi la continuité de l'institution monarchique espagnole. José Garcia Abad, directeur de la revue El Siglo, la seule à avoir titré «Un mariage rance» pour qualifier l'événement, a publié, au début de l'année, un livre intitulé La Solitude du roi, dont le sous-titre pose la question : «La monarchie est-elle consolidée, vingt-cinq ans après la Constitution ?» Sa réponse est simple : «Oui, pour le moment, mais pas totalement. Une institution ne se fait pas avec un seul roi.» M. Garcia Abad est de ceux qui pensent que l'Espagne est «juan-carliste» et non monarchiste, car même si l'on a vu resurgir, dans les manifestations contre la guerre en Irak ou après les attentats du 11 mars, les drapeaux républicains, bien peu contestent le roi Juan Carlos. La monarchie espagnole actuelle est le fruit de l'histoire mouvementée du pays. Elle a été rétablie, de fait, par le général Franco, et Juan Carlos est devenu roi après la mort du dictateur, en 1975, alors qu'il était déjà marié et père de trois enfants. Il a prêté serment devant les cours franquistes, en 1969, montant sur le trône à la place de son père, Don Juan, le comte de Barcelone, qui a mis longtemps à lui pardonner. Ce passé, pour le moins pesant, a été totalement surmonté. Juan Carlos a su, au moment de la transition et surtout lors de la tentative de coup d'Etat militaire du 23 février 1981, définir son propre rôle dans le cadre démocratique de la monarchie parlementaire et assurer sa légitimité en désavouant les putschistes. Il lui a fallu pour cela se débarrasser de l'héritage franquiste, respecter le jeu démocratique, gagner la confiance populaire. Le roi a souvent répété qu'il lui fallait «mériter son salaire», autrement dit, se rendre utile pour durer. A 66 ans, après le règne le plus long d'un Bourbon en Espagne, il bénéficie d'un immense capital sympathie.