Si John Huston ou Howard Hughes était encore de ce monde, il aurait tourné un film autour de cette rixe... «En voyant des égratignures sur le bras de mon père, je suis allé voir le bonhomme coupable de coups et blessures volontaires. A mon arrivée, avant même que je n'achève ma question, il m'a empoigné et envoyé des gnons sur le corps et ce devant mon frangin ici présent!» avait récité Ali R., l'inculpé de coups et blessures volontaires. Son jeune cadet d'El Affroun est lui aussi poursuivi pour le même délit avec 15 jours de cessation de travail. Le second frère inculpé donne à peu près la même version que son aîné avec cette précision: «Je voulais m'interposer, un point c'est tout!». La présidente prend note sereinement sous l'oeil attentif des stagiaires dont l'une prend parfois des notes. Le troisième inculpé n'est pas le frangin des deux premiers inculpés. Il donne sa version, les mains derrière le dos, mais avec beaucoup de gestes de la tête. La victime, Abdelhak A. donne le «la» de suite: «J'avais affaire avec leur papa qui m'a enveloppé d'insultes et d'injures que je n'ai pas supporté avec des mots et des maux blessants et des coups. Devant ce déluge de coups, j'ai riposté. Je me suis défendu en le repoussant. Un de ses enfants est venu en courant se jeter sur moi. J'ai tenté d'éviter à mon enfant de deux ans une chute avant de partir chez moi. Arrivé sur le lieux, j'ai vu beaucoup de monde dont certains étaient armés de sabres. J'ai eu peur surtout pour mon fils. Sur ce, j'ai ressenti une douleur à la tête: un coup de sabre venait d'être asséné par l'un des frères. Ce Abdelghani m'a bousculé. Son frère m'a donné un coup de bâton. J'ai courru me réfugier chez moi. La horde était à mes trousses. J'avais chaud, très chaud. J'ai vu la mort de près. La police avait été alertée durant mon transfert à l'hôpital. «J'ai reçu cinq coups sur la tête et la nuque» a-t-il ajouté avant le préciser qu'il avait déjà une «boule au-dessus du crâne après le violent coup de gourdin». Benzadi suit avec beaucoup de vigilance. Le premier témoin un voisin prête serment de ne dire que la vérité: «Ces trois-là l'attendaient devant chez lui, ils avaient un gourdins, un sabre soit une sorte de bâton fraîchement coupé d'un arbre» a-t-il témoigné avant que le deuxième témoin, Ismaïl Ch., ne vienne éclairer le tribunal sans serment étant un cousin de la victime. Ses propos ressemblent à ceux du premier témoin. Amor est aussi un autre témoin du drame. Il s'avance de la barre, lève la main droite et jure de dire la vérité. Lui était arrivé à la fin des hostilités. Donc, il n'a rien vu de la bagarre et donc n'a plus rien à ajouter. Un témoin âgé de plus de 60 ans s'avère être le frère de la victime. Vous pensez bien que le témoignage sera plutôt précis, détaillé allant vers la dramatisation de la «punition collective» de son frère bien-aimé. Le cinquième témoin Houcine A. a visiblement de sortir de la salle. C'est le second frangin de la victime. Il donnera des détails super précis: «Ils étaient plus de sept agresseurs dont ces quatre ici présents. C'est inhumain. C'est lâche!» murmure le frère qui cèdera sa place à Rabah B. le énième frère de la victime. Mêmes questions de Benzadi, la juge, mêmes réponses que ses prédécesseurs. Il a tout vu sauf qu'il dit tout haut: «Mon frère était seul!» Maître Tahar Sidoumou, l'avocat des inculpés, est curieux de savoir pourquoi les frères n'ont pas réagi et défendu le frangin. L'un deux dira: «J'ai vu ces gens-là agresser mon frère!» L'avocat rectifie en relisant un passage de la déposition de Rabah, l'un des frères témoins: «En arrivant sur les lieux, j'ai vu des inconnus courir et mon frère ensanglanté.» Rabah persiste et signe: «J'ai vu ces jeunes taper sur mon frère!» La présidente hocha la tête en direction du conseil qui soulève cette question de la mobylette sur laquelle il a été agressé. La victime avait bien annoncé qu'il s'était débarrassé de la moto et protéger son enfant avant qu'ils n'arrivent sur lui. Le frère aîné intervient à son tour pour évoquer le manche à balai brandi et tournoyant dans les airs. Il est formel: «J'ai vu un sabre, le manche, et le gourdin. Je suis sûr: Sobhane Allah et la foule n'avait rien compris, moi en tête.» L'automobiliste qui a transporté le blessé aux urgences affirme le contraire de ce que venait de déclarer l'aîné. Ce dernier éclate: «L'homme qui a transporté mon frère est parmi les agresseurs.» La salle en a eu le souffle coupé. Au milieu de ce flop de déclarations, Amal Tahi la parquetière ne souffle mot. Elle semble attendre le moment propice pour brandir le glaive du parquet. L'avocate de la victime, Maître Dalila Beldjillali, s'estime heureuse que son client s'en soit sorti de ce guet-apens, un acte de barbarie jamais commis dans la région. Elle effectue des demandes écrites qu'elle remet à Benzadi et à Tahi qui ouvre la bouche pour la première fois depuis le début du procès. «Abdelghani reconnaît l'agression puisqu'il a parlé de la légitime défense. La victime a tout raconté de ce drame et les témoins ont été unanimes quant à la culpabilité des quatre inculpés contre qui le parquet réclame trois ans ferme et une amende de 20.000 DA.» Maître Tahar Sidoumou, l'avocat des inculpés se pose dès lors des questions légitimes. «Les déclarations de la victime, celles des inculpés et des témoins ne se rencontrent nulle part. Il parle de deux éventualités: - ou ces gens-là ont un prétexte pour attaquer un père de famille seul, - ou ces gens n'ont pas fait ce que les victimes et ses proches auraient déclaré le 18 avril 2014!», a récité le défenseur qui rend hommage à la présidente d'avoir su reprendre l'instruction afin que justice soit rendue. L'avocat met en doute les certificats médicaux délivrés par le même légiste! «Il fallait au moins deux médecins pour examiner la victime» ajoute le conseil qui passe aux faits qui ont commencé par une agression sur un sexagénaire par un trentenaire. Et que font les enfants? Les faits du papa et de l'agresseur future victime n'étaient pas encore passés devant la correctionnelle. Entre-temps, le cadet des enfants du papa agressé avait appris l'agression du père. La suite nous la devinons. On n'a jamais vu sept personnes dire la même chose autour d'un incident. Puis l'avocat en veut un peu à l'aîné de la victime qui n'a rien vu de la scène, car il était chez lui. Aussi, l'avocat de Tipasa a tenté de mettre en pièces les témoignages qui frisent les «fausses déclarations et ce, en mettant en doute le témoignage des proches de la victime qui n'a pas de témoins l'ayant vu être agressé par les sept frères et cousins. Il allait ensuite énumérer les armes blanches utilisées: un sabre de 70 cm de long, un manche à balai et un couteau!!! La présidente rassure l'avocat que durant la mise en examen, tout sera relu et revu. Elle annonce la mise en examen du dossier.