Dès le soir du 2 juin, quelques heures après l'annonce par le roi Juan Carlos, âgé de 76 ans, de sa décision d'abdiquer, une vague républicaine a envahi le pays. «Référendum Ya»: à Madrid et partout en Espagne, les opposants à la monarchie, mobilisés depuis l'abdication du roi Juan Carlos, manifestaient hier pour réclamer le retour à la République, au moment où le futur roi Felipe VI s'apprête à prêter serment. «L'Espagne, demain, sera républicaine», criaient des dizaines de milliers de manifestants, agitant le drapeau rouge, or et violet de la deuxième République espagnole, proclamée en avril 1931 et balayée en 1939 par la dictature franquiste, après trois ans de guerre civile. Hier, des dizaines de partis politiques de gauche et organisations citoyennes ont appelé à de nouvelles manifestations, réclamant «Un référendum Maintenant» sur l'avenir de la monarchie. Le prince héritier Felipe, âgé de 46 ans, s'apprête à succéder à son père et devenir le prochain roi d'Espagne. Il prêtera serment, probablement le 19 juin, devant les deux chambres du Parlement, comme le veut la tradition espagnole. Auparavant la Chambre des députés, le 11 juin, puis le Sénat, auront voté une loi autorisant l'abdication de Juan Carlos. Le résultat est scellé d'avance, les partis favorables à la monarchie, essentiellement le Parti populaire, de droite, qui gouverne l'Espagne, et le Parti socialiste, première force d'opposition, rassemblant plus de 80% des sièges au Parlement élu en 2011. Mais durant ces trois années, la crise économique et les scandales qui ont entaché la fin de règne de Juan Carlos ont fait plonger la popularité du roi, et la monarchie n'a pas échappé à la perte de confiance générale envers les institutions. Expression de cette tendance, les élections européennes du 25 mai et la débâcle des partis traditionnels, bousculés notamment par de petites formations de gauche prorépublicaines, qui totalisaient environ 20% des voix. Parmi elles, le nouveau parti Podemos (Nous pouvons), la surprise de ce scrutin, qui a remporté cinq sièges. «Nous voulons donner la parole au peuple. En quoi est-ce un problème d'organiser un référendum, en quoi est-ce un problème de donner aux Espagnols le droit de décider de leur avenir», expliquait cette semaine son chef de file, Pablo Iglesias. «Si le Parti populaire et le Parti socialiste pensent que Felipe a la confiance des citoyens, ils devraient soumettre cela à un référendum» ajoutait-il. La vague républicaine rallie en particulier les plus jeunes, qui n'ont pas connu l'arrivée sur le trône de Juan Carlos le 22 novembre 1975, deux jours après la mort de Francisco Franco, les années de transition et l'approbation par référendum, en 1978, de la Constitution qui a fondé l'Espagne démocratique. Aujourd'hui, c'est un roi usé par de multiples ennuis de santé et par les scandales, qui passe le relais. En annonçant son abdication, Juan Carlos a souhaité le «renouveau» de la monarchie sous l'impulsion d'une «nouvelle génération», laissant au futur Felipe VI, jusqu'à présent épargné par la chute de popularité qui frappe son père, la lourde tâche de redonner une légitimité à la Couronne. «Au XXIe siècle, cela n'a aucun sens de maintenir une institution obsolète et antidémocratique comme la monarchie», rétorquent les opposants regroupés au sein de «L'assemblée d'Etat républicaine», un mouvement créé en 2012, qui manifestaient hier pour demander l'instauration d'une troisième république.