Al-Sissi nouveau président égyptien pour quatre ans L'ex-chef de l'armée Abdel Fatah al-Sissi, qui dirige de facto l'Egypte d'une main de fer depuis qu'il a destitué son prédécesseur l'islamiste Mohamed Morsi il y a près d'un an, a été investi président hier. Le maréchal à la retraite a été élu fin mai à la tête de l'Egypte avec 96,9% des suffrages, mais après avoir éliminé toute opposition, islamiste d'abord, puis libérale et laïque. «Je jure au nom de Dieu tout-puissant de préserver le système démocratique et de respecter la Constitution» de l'Egypte, a-t-il déclaré hier en prêtant serment devant les juges de la Cour constitutionnelle suprême au Caire, une cérémonie qui n'a fait qu'entériner officiellement le pouvoir de fait que M.Sissi exerce sur le pays depuis près d'un an. Alors chef de la toute puissante armée, il avait destitué et fait emprisonner le 3 juillet 2013 M.Morsi, premier président élu démocratiquement en Egypte mais vite devenu impopulaire. Puis le gouvernement intérimaire qu'il a mis en place a mené une implacable et sanglante répression contre les partisans de M.Morsi - notamment sa confrérie des Frères musulmans qui avait remporté toutes les élections depuis la chute de Hosni Moubarak début 2011 -, avant de s'en prendre aux mouvements d'opposition libéraux et laïques, dont les manifestations ont été interdites et les leaders arrêtés et jugés. M.Sissi, qui jouit d'un véritable culte de la personnalité depuis un an, a donc été élu massivement fin mai contre un unique rival, Hamdeen Sabbahi, considéré par les observateurs comme un faire-valoir pour une élection jouée d'avance. Hier, la Cour constitutionnelle suprême a été encerclée par un imposant dispositif de sécurité, dans un pays en proie à une vague d'attentats qui ont tué, selon le gouvernement, plus de 500 policiers et soldats en un an, revendiqués par des groupes s'inspirant d'Al Qaîda. Hormis quelques souverains du Golfe, le roi Abdallah II de Jordanie et le président palestinien, Mahmoud Abbas, ainsi que quatre chefs d'Etat africains, peu de personnalités étrangères de premier plan ont assisté à une cérémonie d'investiture au palais présidentiel. Les Occidentaux, Etats-Unis en tête, qui avaient refusé, avant d'y renoncer, à qualifier la destitution de M.Morsi de «coup d'Etat» mais dénoncé la répression, ont fini par se ranger à la nécessité de maintenir des relations fortes avec le nouveau chef de ce pays stratégique dans le processus de paix israélo-palestinien et allié-clé dans la lutte contre le «terrorisme» islamiste. Certes, pour justifier son coup de force, M.Sissi a invoqué les millions d'Egyptiens qui avaient manifesté pour réclamer le départ de M.Morsi, accusé de vouloir accaparer tous les pouvoirs au profit des Frères musulmans et d'achever de ruiner une économie déjà exsangue. Mais depuis le 3 juillet, plus de 1400 manifestants pro-Morsi ont été tués, plus de 15.000 Frères musulmans emprisonnés, dont la quasi-totalité de leurs leaders qui encourent la peine capitale, et des centaines ont été condamnés à mort en quelques minutes dans des procès de masse. Des ONG internationales ont déjà dénoncé le retour à un régime «plus autoritaire que celui de Moubarak». Aussi, hier, Washington n'était représentée que par un conseiller du secrétaire d'Etat américain John Kerry, et les capitales de l'Union européenne par leurs ambassadeurs. M.Sissi, dont de nombreux Egyptiens attendent qu'il mette fin à trois années de chaos politique et économique ayant suivi la chute de Moubarak, n'a pas eu à battre la campagne pour être élu. Il avait donné le ton dans quelques discours aux allures martiales avant la présidentielle: «le temps n'est plus aux manifestations mais au travail». Avant de lâcher sans ciller ni provoquer d'émoi au sein d'une population ayant largement cédé à la Sissi-mania: «Il faudra 20 à 25 ans à l'Egypte pour être prête pour la vraie démocratie».