Les violences sont de plus en plus sanglantes et ne connaissent aucun répit, soulignant la relative impuissance de forces de sécurité démunies, peu formées et en manque de matériel. Les jihadistes frappent de plus en fort en Irak, lançant en 72 heures une prise d'otages dans une université et un assaut sur la ville de Samarra, face à des forces de sécurité dépassées, sur fond de paralysie politique. L'offensive lancée jeudi à Samarra, à 100 km au nord de Baghdad, a été menée en grande majorité par des combattants de l'ultra-radical Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), et a fait plus de 200 morts dans les deux camps. Les attaques et attentats suicides se multiplient en outre à la faveur d'une paralysie politique qui se prolonge dans un pays qui n'a toujours pas de gouvernement, plus d'un mois après les élections législatives du 30 avril. Cette incapacité des autorités à mettre fin aux violences n'est pas surprenante, estime John Drake, analyste de l'AKE Group, basé à Londres, et ne repose pas uniquement sur les faiblesses de l'armée et de la police. Même les Américains, lorsqu'ils étaient dans le pays (2003-2011), ont eu énormément de mal à y mettre un terme, rappelle-t-il. «L'insurrection dans le centre du pays a créé énormément de problèmes à l'armée la plus puissante du monde, il n'est donc pas étonnant que les forces de sécurité irakiennes rencontrent de telles difficultés», explique l'expert. Profitant de cette faiblesse, l'EIIL, qui ambitionne d'installer un Etat islamique entre l'Irak et la Syrie voisine, s'est emparé de vastes zones dans les provinces de l'ouest irakien. Il se ravitaille en armes dans la Syrie en guerre, avant de repasser en Irak, selon une source de sécurité. Là, il se cache dans les vastes étendues désertiques de l'ouest, où l'armée est incapable de le traquer par manque notamment de moyens aériens, la seule façon d'y débusquer les jihadistes. C'est dans l'ouest aussi que l'EIIL jouit d'un certain soutien dans des milieux sunnites qui se sentent marginalisés par le pouvoir dominé par les chiites. «Evidemment, l'EIIL est très fort», renchérit John Drake, «il est capable de se battre avec les forces de sécurité nationales, ce qui n'est pas rien». Samedi, les jihadistes sont parvenus à prendre en otage des centaines d'étudiants de l'Université d'Al-Anbar, à Ramadi (100 km à l'ouest de Baghdad). Après une journée de violents combats sur le campus, le ministère de l'Intérieur a annoncé en soirée que «tous les étudiants pris en otages avaient été libérés». Si l'EIIL s'est déjà attaqué à des bâtiments officiels et a déjà pris des otages, l'assaut sur l'université n'est pas dans leur mode opératoire habituel. «S'en prendre à des jeunes civils est plus sensible que de s'attaquer aux forces de sécurité», souligne M.Drake. Selon une étudiante sur place, le chef des insurgés a qualifié l'université mixte de «bordel» où les femmes portent du maquillage, écoutent de la musique et côtoient des hommes, a-t-elle ajouté. Pour Kirk Sowell, rédacteur en chef d'une revue spécialisée sur la politique irakienne, ces récents développements «montrent clairement qu'ils (les insurgés) sont très forts». Mais la question ajoute-t-il, est de savoir comment «ils ont maintenu cette puissance... Pourquoi les forces de sécurité ne sont-elles pas capables de gérer cette question?». L'une des principales raisons est à chercher selon lui du côté des vastes campagnes d'arrestation, au cours desquelles de nombreux innocents sont interpellés: «une politique totalement inefficace» pour lutter contre les violences qui font quotidiennement en moyenne 28 victimes.