L'Irak est au bord du gouffre et en danger de ne plus exister en tant qu'Etat. Est-ce là une surprise? Sans doute pas si l'on remet les événements dans leur contexte induit par l'invasion américaine de mars 2003 et la destruction de ce qui a été le berceau de la civilisation humaine. En fait, la tournure prise par les événements depuis cinq jours en Irak ne peut surprendre. Les Etats-Unis ont été les maîtres d'oeuvre de la déstructuration de la région du Moyen-Orient, tant par leur invasion de l'Irak, leur soutien - indirect - aux jihadistes qui combattent le régime syrien, que par leur apport décisif à l'avènement de la nébuleuse islamiste Al Qaîda dont le fondateur, Oussama Ben Laden, était un agent patenté de la CIA. La stratégie américaine était de remodeler la géopolitique moyen-orientale par la mise au pas des régimes qui lui sont - ou lui étaient - hostiles. En 2003, l'Irak était une puissance régionale. Qu'en est-il onze ans plus tard? En 2014, l'intolérance, la brutalité et pour tout dire le terrorisme, sous toutes ses formes, règne en maître dans l'ancienne Mésopotamie. A cela s'ajoute la mal-gouvernance et l'autocratie des nouvelles autorités qui ont reconduit ce que l'on reprochait à Saddam Hussein. Or, le terrorisme islamique était inconnu en Irak à son apparition dans la dernière décennie du XXe siècle et Al Qaîda n'avait pas de prise sur le pays. Les Etats-Unis qui se promettaient d'apporter «la liberté et la «démocratie» au peuple irakien auront surtout contribué à la division du pays, à l'accentuation des différences ethniques et confessionnelles et aussi à l'émergence de phalanges jihadistes, dont le dangereux Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil) qui opère aussi en Syrie où il fait des ravages. C'est cet Eiil qui est en train de balayer la pseudo-armée irakienne, rejetée en quarante-huit heures des provinces de Ninive, Diyala, d'une partie d'Al Anbar, des villes de Mossoul, Tikrit... Si les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant ont pu se déployer jusqu'à menacer la capitale, Baghdad, c'est bien en raison de la déliquescence d'un pouvoir incapable de rassembler les Irakiens, qui contribua, au contraire, à désunir plus que jamais le peuple irakien. En fait, outre l'intervention militaire américaine - de 2003 jusqu'en 2011 - c'est surtout l'incompétence et l'esprit revanchard des nouvelles autorités irakiennes, à leur tête le Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, qui ont participé - par la marginalisation de la minorité sunnite - à l'aggravation des dissensions politiques, confessionnelles et ethniques dans leur pays. Un pays de facto, sinon de fait, divisé entre le Kurdistan irakien - Etat autonome dont les relations avec Baghdad sont au plus mal - le pays sunnite - tombé dans les mains des jihadistes de l'Eiil - et le pays chiite sur lequel règne d'une poigne de fer al-Maliki. Une configuration qui pourrait être celle de l'Irak de demain qui - en fait - répond aux projets des Etats-Unis de morceler les pays arabes en petits Etats ethniques et confessionnels. Cela prend forme en Irak. C'est également le cas en Syrie où les jihadistes de l'Eiil occupent les régions de l'est et du nord de la Syrie limitrophes des provinces tombées sous leur joug en Irak. De vastes régions de ces deux pays sont ainsi soumises à la mainmise de l'Eiil. Cela a été aussi rendu possible par l'autoritarisme dont a fait montre le chef du gouvernement irakien, le chiite Nouri al-Maliki, qui n'a rien fait en sept ans de pouvoir - il y a été installé en 2006 par les Américains - pour restaurer l'unité du pays tant son absolutisme a découragé toutes les tentatives faites par ailleurs, pour redonner à l'Etat irakien sa fiabilité. Précisément, l'Irak est sans gouvernement depuis les législatives d'avril dernier qui n'ont pas donné au Premier ministre al-Maliki la majorité qu'il recherchait, qui ne veut pas cependant lâcher le pouvoir. Il faut relever ausi, que ce sont les actions inappropriées du gouvernement Maliki qui mirent le feu aux poudres et suscitèrent l'ire des sunnites. Ce qui incita des chefs sunnites à s'allier aux jihadistes. Résultat, en une semaine, les hordes jihadistes s'emparèrent d'une grande partie des provinces sunnites avec Baghdad en point de mire. Mais qui est à l'origine des malheurs du Moyen-Orient? Certes, les Etats-Unis, qui dirigent des projets précis pour cette région, mais aussi...l'Arabie Saoudite qui finança l'Eiil contre le régime de Damas, sous l'oeil sinon approbateur, du moins compréhensif de Washington. L'Irak risque d'être la première victime, mais d'autres pays ne sont pas à l'abri, y compris l'Arabie Saoudite. Vous avez dit boîte de Pandore?