Certains de nos concitoyens voient dans cet agent de propreté un éboueur, alors que c'est généralement le contraire... Pour mieux situer la tâche de chacun de nous (citoyen et agent de propreté), nous nous sommes intéressés au travail qu'ils effectuent en permanence, à leurs projets et enfin aux risques qu'ils encourent. Effectivement, il nous a fallu les accompagner lors de l'accomplissement de leur tâche, le jour, c'est-à-dire pendant les horaires de balayage et la nuit, lors de la collecte des déchets. Il est 21h, l'équipe se mobilise pour faire sortir son véhicule. Malgré un froid de canard et souvent les pluies diluviennes qui s'abattent sur eux, ils ne lâchent pas prise. «Il faut bien que je gagne mon pain et subvenir aux besoins de ma famille», lâche un agent, qui, malgré son jeune âge, montre des signes de décrépitude. Il faut dire que l'ambiance conviviale entre collègues et l'esprit de connivence qui les réunit ne laissent pas place à l'ennui. Les blagues et les délires sont monnaie courante chez ces Mrs propres. Le travail commence et chacun de prendre part à une tâche précise assignée à l'avance, il y a celui dont la besogne est de ramasser les ordures, d'autres, s'occupant à les décharger. Grâce à la mobilisation permanente de ce qu'on appelle les unités d'hygiène (chaque unité dispose de 650 agents qui travaillent 7/7, plus d'une trentaine de camions et une soixantaine d'âniers cavaliers qui se concentrent notamment au niveau de La Casbah -pour des raisons d'architecture-), leur travail est bien organisé. Ils sont omniprésents et ce, à travers les 25 communes dont Sidi M'hamed, Bab El-Oued, Hussein-Dey, Dar El-Beida, Bab-Ezzouar, Mohammadia, partiellement la circonscription administrative de Bouzaréah, Hydra, Gué de Constantine. Les agents de propreté font un travail admirable, il faut le voir pour le croire ! Sans oublier que ces derniers sont exposés à de véritables risques, lors de l'exécution de leur tâche. Selon les statistiques de la direction de Net.Com, rien qu'entre 1997 et 2003 il a été enregistré plus de 20 décès, des accidents graves tels que l'amputation de doigts de la main ou celle de la jambe. Les risques de maladie ne sont pas en reste. Toujours entre 1997 et 2003, il a été recensé plus de 50 cas d'hépatite virale, de tuberculose pulmonaire, tétanos, gale, choléra et différentes allergies et ce, malgré les visites médicales systématiques, la vaccination, la dotation en habillement ordinaire et spécifique, la désinfection des locaux et des lieux de travail et de repos. Il est 1h du matin passée, c'est le noir absolu, le manque d'éclairage dans quelques ruelles rend leur tâche souvent malaisée. C'est une véritable course contre la montre. De temps à autre, ils s'accordent un moment de répit pour boire un café ou grignoter, ça leur permet de prendre de l'énergie et de se mettre en forme. Parmi eux, il y a ceux qui se contentent d'accomplir leur mission tranquillement sans piper et d'autres qui discutaillent. De commune en commune, c'est toujours la même règle, les mêmes conditions de travail, le même leitmotiv qui revient (ramasser-décharger). Il est 2h du matin, fin du travail pour la brigade de cette nuit. A l'aurore, une autre équipe intervient pour entamer le travail de balayage. Il est 10h 45. Nous sommes à bord d'un véhicule (Express) en compagnie du directeur technique M.Mechab et un agent de la propreté qui se prénomme Sid-Ali. Les balayeurs sont tous là mobilisés dans chaque coin et recoin de la capitale, vêtus de leur tenue habituelle. Nous remarquons des traces d'eau, souvent des flaques sur les boulevards et les grandes artères. «Pour assurer une propreté permanente de nos rues, nous avons procédé à l'opération d'arrosage, elle se produit généralement trois fois par semaine. Avant d'ajouter: à travers cette initiative nous voulons revivre les moments d'antan. En allant de Ghermoul à Didouche-Mourad via la place des Martyrs, on sent la propreté à travers l'air pur qu'on inhale. Quel fut mon plaisir de voir les rues de la capitale nickel!», soupire Sid-Ali. Il est presque 11 h, arrivé au boulevard Khemisti, grande artère perpendiculaire à la Grande-Poste, notre déception fut grande, quand subitement, nous croisons des sachets-poubelles pleins déposés en vrac. Et à quel endroit! Logiquement l'heure de dépôt des déchets ne devrait s'effectuer qu'à partir de 19h. Pourquoi ne sont-ils pas déposés dans des corbeilles ou des bacs? a-t-on demandé à notre accompagnateur «Ils disparaissent dans la nature. Certains citoyens s'en emparent pour remplir de l'eau». Sans commentaire... «Net.Com sera plus puissante» Il est 13 h, tout en conversant le long de la route, parlant tantôt des vicissitudes de la vie, tantôt des aléas de ce métier à haut risque, en allant vers Dar El-Beïda, nous apercevons des sacs verts. Preuve que le balayeur est passé déjà par là. Arrivé à Mohammadia, on signale la présence «d'un point noir». Il s'agit d'énormes quantités de déchets pêle-mêle jetés. Quelles mesures faut-il prendre dans ce genre de situation? Pour pallier le problème, explique M.Mechab, il y a ce qu'on appelle des îlotiers (des représentants qui sillonnent les communes), ils sont chargés de mener une sorte d'enquête pour identifier les coupables. Une fois les personnes repérées, elles sont arrêtées, un avertissement leur est donné et si jamais elles récidivent, elles sont destinataires de mises en demeure. Faisant un constat sur l'évolution de la propreté des rues dans la capitale, M. Mechab explique que «hormis quelques quartiers tels que celui de Bab El-Oued, où la propreté reste relative à cause de l'énorme concentration des habitants, il n'en demeure pas moins que le bilan global sur la propreté est positif et ce, grâce au nouveau système mis en place. Cependant, concernant le centre, il y a une harmonie, tous les services interviennent de la même manière et au même moment.» Actuellement, poursuit M.Mechab, notre objectif, voire notre joie, sera comblée quand nous arriverons à généraliser ce système. Faisant allusion aux efforts fournis par leur tutelle (la wilaya), il dira que celle-ci a mis le paquet pour fournir les moyens qu'il faut, d'ici quatre ans Net.Com sera plus puissante. Il est 14h, l'heure de la prière du vendredi va commencer. Après avoir sillonné quasiment toutes les communes, nous regagnons tranquillement le siège de la direction générale Net.Com. «Fin de mission pour le moment», ironise le responsable. «Certaines personnes ne respectent pas l'heure de dépôt des déchets», souligne le directeur technique de Net.Com. «Si aujourd'hui notre établissement est muni de tous les moyens, de véhicules robustes et performants appropriés à la collecte, d'une flotte consistante et d'un potentiel humain important, reste que la grande difficulté qu'affronte le nettoyeur, c'est l'apport des citoyens qui tarde à venir parce que tout simplement, ils ne respectent pas les horaires de dépôt des déchets.» Aussi, est-il utile de souligner qu'il existe d'autres raisons qui expliquent ces agissements de la part du citoyen, le phénomène d'incivisme, le mélange de déchets (ordures, gravats encombrants, hospitaliers, industriels), l'absence de conciergerie et syndic, le déversement anarchique dans des endroits isolés gênants servant de décharge sauvage et de dépotoirs, l'accident de circulation notamment, pour les agents de nettoiement, l'étroitesse des rues et ruelles, la complexité du tissu urbain (reliefs, pentes, côtes... ), l'habitation illicite (bidonville) et la cité à grande densité. Dans le cadre du nouveau schéma qui vient d'être mis en place par Net.Com, pour améliorer et rationaliser tout le système de collecte et de nettoiement, prochainement, des véhicules micro-Ben ultrasophistiqués seront disponibles pour le nettoiement de nos artères, «une technique qui nous permettra un service de qualité et avec un moindre temps», précise M.Mechab. L'entreprise sera dotée aussi d'un système de radio interne pour répondre aux besoins et à toutes les doléances des citoyens, la conception de nouveaux supports de communication destinés à toutes les catégories conformément aux règles «faire des supports, c'est le meilleur vaccin contre toute épidémie», nous explique M.Mechab. On projette également la création de pôles verts à travers un travail de proximité permanent, dans chaque commune on désignera un agent dont la mission sera la sensibilisation et l'orientation des habitants. A ce propos, précise le même responsable, il y a eu récemment, dans la commune de Sidi M'hamed la création d'un conseil communal d'hygiène initié par le président de la République lequel s'occupe de travail de proximité. Il est composé d'associations et d'élus et chapeauté par le président de la République. «La nature nous offre ce qu'on lui donne» Selon les statistiques, le poids des ordures ménagères produites par habitant et par jour varie suivant les différents pays, entre 0,37 k/h/j dans les pays les moins avancés à 1,1 ou 1,2 k/h/jour pour les grandes villes des pays hautement industrialisés où la consommation est plus élevée. Pour l'Algérie, le poids de déchets générés au cours de l'année dernière est passé de 1100 tonnes/jour à 1500 (à travers 25 communes). Un chiffre qui peut être revu à la hausse si l'on considère qu'ultérieurement l'établissement couvrira plus de 28 communes. Selon le directeur du département technique annuellement, le poids des ordures ménagères produites est estimé à 530.509 tonnes/jour. Ce qui nous donne une moyenne qui oscille entre 0,7 kg à 0,750 kg/ jour/habitant. Notre pays est dans la norme comparé aux pays les plus industrialisés, «en somme la nature nous offre ce qu'on lui donne», enchaîne le même responsable. Ouled Fayet et Oued Semmar représentent le lieu d'enfouissement. Il est à signaler que ce dernier à lui seul reçoit la majorité des déchets des agglomérations, soit un total de 34 communes et plus de 100 entreprises, hôpitaux et divers particuliers. Il continue à recevoir plus de 2500 tonnes de déchets urbains/jour. Près de 1200 camions déversent quotidiennement au niveau de ladite décharge.