La santé en Algérie fait problème. C'est un euphémisme que de le dire. C'est en fait un problème politique, d'éthique, de gestion mais aussi de statut (des médecins et des chercheurs). A cela s'ajoute la dichotomie entre «santé publique» et «santé privée» catégorisées dans des spécificités difficilement explicables dès lors que l'une et l'autre sont supposées prévenir les maladies, guérir le malade. Aussi, outre de faire problème, la «santé» est malade, bien malade. Comment pouvait-il en être autrement alors que nos hôpitaux se clochardisent - devenant pour certains d'entre eux de véritables mouroirs - faisant parler d'eux plus pour leur indigence et des scandales récurrents qui donnent une image déplorable de nos centres de santé. Le dernier scandale en date à avoir défrayé la chronique est l'hôpital pour enfants du Mansourah, à Constantine. En effet, nos hôpitaux ne sont pas connus pour leurs exploits dans les domaines de la recherche scientifique et du savoir-faire médical. De fait, l'hôpital algérien a, depuis longtemps, perdu sa qualité de «service public de santé» sans que les autorités politiques du pays y remédient et prennent la mesure de ces dérives. Il est ainsi regrettable de relever qu'il n'existe pas, n'a sans doute jamais existé - à l'exception de la première période post-indépendance avec l'avènement de la médecine gratuite, et une certaine innocence qui a fait que l'on croyait encore en l'homme - de volonté politique de changer les choses. Nous avons, il ne fait pas de doute, les meilleures lois en matière de santé. Mais ces lois sont inopérantes, dès lors qu'elles ne sont pas accompagnées par des décrets d'application adaptés et...applicables. Ce n'est pas toujours le cas. Lors de son intervention à l'ouverture des Assises nationales de la santé - organisées lundi et mardi derniers au Club des Pins à Alger - le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a relevé que les problèmes de santé ne sont pas «une question de finances», mais une «question de gestion». Certes, il est patent que l'argent existe, si l'on excipe du fait que l'Etat a construit à tour de bras des structures hospitalières au niveau du territoire national, tout en les dotant d'un équipement médical moderne. Cela n'a pas pour autant rendu plus efficient nos hôpitaux. Des hôpitaux disposent de «gadgets» modernes comme les scanners. Scanners toutefois mis au rébus parce qu'ils sont en panne, soit du fait du manque de techniciens capables de les faire fonctionner. L'argent donc existe, mais de gestionnaires point. Dès lors, comme le note le Premier ministre, le diagnostic existe. Aussi, l'Etat aurait dû prendre ses dispositions en agissant en aval et en amont de la question de santé afin de rendre les hôpitaux plus humains, opérationnels et accessibles aux malades. Ce qui nest pas toujours le cas. Aussi, ceux qui en ont les moyens, vont se faire soigner à l'étranger ou se font prendre en charge par l'Etat. Quant au citoyen lambda, il doit vivre sa maladie avec patience et croire au miracle. Sérieusement, qu'a-t-on fait ces dernières années pour relever le niveau des centres de santé algériens et qu'a-t-on fait pour redonner aux «centres hospitalo-universitaires» leur raison d'être? Nos meilleurs chercheurs et médecins ont fui à l'étranger pour pouvoir se réaliser. Des milliers de médecins et des centaines de chercheurs et spécialistes font le bonheur des CHU et des universités françaises. Cela, les autorités publiques le savent sûrement. Le professeur Kamal Sanhadji, formé par la faculté de médecine d'Alger, est l'une des sommités mondiales de lutte contre le sida. Il exerce à Lyon en France. Cela illustre, on ne peut mieux, les déperditions que connaissent les centres de santé algériens et expliquent un tant soit peu la régression de nos hôpitaux qui ont perdu leur vocation de guérir. Or, à la base de toute entreprise, il y a l'homme. C'est là une évidence qu'il n'y avait sans doute pas lieu de souligner. Plus que l'argent, la première richesse d'un pays c'est l'homme. Un pays qui ne respecte pas l'homme, qui ne l'honore pas comme il se doit, ne peut que s'attendre au retour de manivelle. Un retour de manivelle qui peut être néfaste dans un secteur aussi stratégique que celui de la santé. L'Algérie a dépensé sans compter pour se doter d'un secteur sanitaire compétitif. Or, notre «élite» se fait soigner à l'étranger. Un camouflet pour nos hôpitaux et nos médecins. Surtout lorsque ces derniers n'ont pas de statut et travaillent dans des conditions lamentables. Est-il dès lors surprenant qu'un footballeur professionnel touche dix fois le salaire d'un professeur de médecine? Un petit détail, sans doute, mais qui est le grain de sable qui fait dérailler la machine. En fait, toute la problématique est là: redonner à l'hôpital et au médecin leur raison d'être, un service public pour le premier, un homme dévoué à sa mission pour le second. C'est loin d'être le cas.