La situation demeure marquée par la violence faisant hier une nouvelle victime en la personne d'un haut fonctionnaire des Affaires étrangères. L'assassinat hier à Bagdad de Bassam Koubba, vice-ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement intérimaire irakien, installé le 1er juin dernier, vient rappeler que l'Irak reste marquée par une spirale de violence qui ne s'est pas démentie depuis maintenant plus de deux mois. La mort de Bassam Koubba - chargé des organisations internationales et de la coopération - indique combien l'Irak est devenue ingérable et combien la situation sécuritaire échappe autant aux autorités de la coalition (occupation américano-britannique) qu'à celles des gouvernants provisoires irakiens. Le haut fonctionnaire a été assassiné près de son domicile qu'il venait de quitter. Dans la confusion qui règne aujourd'hui en Irak, il est à tout le moins aléatoire d'attribuer la responsabilité de cet assassinat à l'une ou l'autre des nombreuses organisations qui semblent avoir mis l'Irak en coupe réglée, même si le gouvernement intérimaire a désigné du doigt les partisans du «régime diabolique» de Saddam Hussein. En effet, dans un communiqué rendu public hier, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Thamer Al-Azmi, après avoir annoncé la mort par balles du haut fonctionnaire de ce ministère indique : «Bien que les autorités compétentes enquêtent sur ce crime choquant, ce meurtre porte toutes les traces des anciens partisans du régime diabolique de Saddam Hussein», ajoutant : «Mais nous ne nous laisserons pas intimider par les partisans de Saddam et nous poursuivrons notre travail pour réintégrer l'Irak comme membre pacifique et responsable de la communauté internationale.» Bassam Koubba, un chiite, a été ambassadeur d'Irak en Chine, puis conseiller diplomatique du vice-Premier ministre de Saddam Hussein, Tarek Aziz. Il a été notamment membre du comité de suivi du ministère des Affaires étrangères, après la chute du régime baâssiste, avec Akila Hachémi, membre du Conseil transitoire, assassinée en septembre 2003. Bassam Koubba est le premier membre du nouveau gouvernement à tomber sous les coups de la violence qui gangrène l'Irak. Pour le reste du pays la situation demeure aussi incertaine, marquée hier par trois autres assassinats, ceux de deux Irakiens et d'un Libanais égorgés dans la région de Falloujah à l'ouest de Bagdad. Outre les assassinats, la recrudescence des rapts par, semble-t-il, des gangs organisés, rend encore plus difficile la remise en ordre d'un pays plus ou moins livré à la loi du talion. Dans cette course à la mort, la seule note positive est le retour à «la réalité» de Moqtada Sadr, le chef radical chiite qui amorce un dialogue avec le nouveau gouvernement, le chef de l'Armée du Mehdi, estimant en effet que le gouvernement intérimaire partage avec lui «le refus de l'occupation». Selon cheikh Ahmed Al-Chaïbani, un porte-parole de Moqtada Sadr, le chef radical chiite regarde désormais les choses d'un point de vue «réaliste» et non plus «juridique ou religieux» indiquant : «Cette semaine, sayyed Moqtada a évoqué le gouvernement du point de vue réaliste. Nous avons deux choix : soit nous opposer à ce gouvernement, soit l'accepter. Si nous refusons, nous n'en tirerons aucun profit.» Le cheikh Al-Chaïbani souligne : «La principale clé est le refus de l'occupation. S'il y a un calendrier pour la fin de l'occupation ou s'ils n'acceptent pas l'occupation, nous pouvons discuter avec eux. Nous ne pouvons rien discuter avec un gouvernement sous occupation.» Le gouvernement intérimaire a bien accueilli le nouveau ton de Moqtada Sadr, estimant positive la nouvelle position du dirigeant radical chiite. Réagissant à cette nouvelle donne, Georgous Saâda, porte-parole du Premier ministre Iyad Allaoui, qui doit diriger le pays à partir du 1er juillet prochain, a déclaré en effet : «Nous accueillons favorablement les demandes de sayyed Sadr et nous nous félicitons de son soutien, en rappelant que le cabinet dirigé par (le Premier ministre) Iyad Allaoui est fondamentalement opposé à l'occupation», avant d'ajouter : «Nous ne pouvons accepter l'occupation sous aucune forme et nous travaillons à y mettre fin.» Si les méthodes ont été jusqu'ici différentes, les objectifs sont les mêmes : mettre un terme à l'occupation étrangère tant de la part du mouvement de Moqtada Sadr que de celle du gouvernement transitoire irakien. La réalité est que les autorités irakiennes provisoires n'ont pas, actuellement, les moyens de gérer le pays et partant mettre fin à l'instabilité sécuritaire. Ce qui fit ainsi justifier, par des représentants du gouvernement intérimaire, le maintien - au moins à terme - des forces internationales, Iyad Allaoui, indiquant à ce propos : «Nous ne pouvons pas faire face tous seuls à tous les problèmes notamment sécuritaires.» Et c'est bien le cas de le dire face à la spirale de violence qui frappe l'Irak depuis le mois de mars dernier qui coïncidait avec le premier anniversaire de la guerre imposée à ce pays par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.