Une vingtaine de morts hier en Irak dans divers attentats et accrochages. A deux semaines du transfert de souveraineté au gouvernement intérimaire irakien une nouvelle vague de violence soulève l'Irak qui a connu les vingt quatre heures les plus sanglantes de dernières semaines, pourtant marquées par une série d'attentats et d'assassinats aussi meurtriers les uns que les autres. Après le vice-ministre des Affaires étrangères, Bassam Koubba, assassiné samedi, un deuxième haut fonctionnaire, Kamal Jarrah, directeur de la culture au ministère de l'Education, a été tué hier par balles alors qu'il sortait de son domicile. Le même jour un professeur de l'université de Bagdad, Sabri Al-Bayati, a été assassiné au moment où il sortait du campus universitaire. Hier toujours un attentat à la voiture piégée a fait au moins douze morts selon le bilan donné par les services militaires américains. A Kirkouk, un dignitaire religieux sunnite a été également assassiné par des inconnus. A Sadr City (banlieue chiite de Bagdad) six miliciens de Moqtada Sadr ont été tués lors d'un accrochage avec des marines américains. Une cinquantaine de personnes ont été par ailleurs blessées lors de la journée sanglante d'hier, parmi lesquelles le général Majid Almani Mahal, directeur du commissariat Atraf de Baaqouba., qui échappa miraculeusement à une tentative d'assassinat. A signaler également qu'à Bagdad, le quartier général de l'autorité provisoire de la coalition, CPA, dans la zone verte, a fait l'objet d'une attaque au mortier qui n'a causé ni des dégâts ni fait de victimes. En fait, plus la date fatidique du 30 juin se rapproche, plus la situation a tendance à se détériorer plongeant l'Irak dans une spirale de violence qui semble sans fin. Dès lors, il est fort à craindre que le nouveau gouvernement intérimaire irakien hérite, le 1er juillet prochain, d'un pays livré au chaos. Aussi, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment le gouvernement provisoire irakien va-t-il faire face et maîtriser la situation sécuritaire du pays alors que les forces de la coalition se sont montrées, jusqu'ici, impuissantes à rétablir l'ordre et la sécurité. De fait, c'est la situation d'instabilité qui prévaut au pays qui a poussé le Premier ministre désigné, Iyad Allaoui, et son chef de la diplomatie, Hoshayr Zebari, à insister ces derniers jours, notamment auprès du Conseil de sécurité de l'ONU, pour le maintien pour une période de temps donnée des forces internationales se trouvant actuellement en Irak. Si les conditions sécuritaires nourrissent beaucoup de craintes, les choses ne semblent pas mieux parties pour ce qui est du fait politique lorsqu'il s'agira de mettre en branle les nouvelles institutions du pays, comme l'assemblée nationale et les assemblées locales, établir la nouvelle Constitution, configurer le nouveau statut de l'Irak, singulièrement par l'officialisation du concept de fédéralisme, cher aux Kurdes. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas manqué de montrer leur désappointement du fait que la résolution 1546 sur l'Irak, adoptée récemment par le Conseil de sécurité, n'ait pas mentionné dans ses attendus le caractère fédéral du futur Etat irakien. En fait, les Kurdes sont beaucoup attachés à la Constitution provisoire adoptée en août de l'année dernière qui leur fait la part belle en confirmant leur actuelle autonomie et en leur accordant un droit de veto. Cette loi fondamentale, mise au point l'an dernier, par le Conseil transitoire, aujourd'hui dissous et remplacé par le gouvernement intérimaire, a été à l'époque catégoriquement rejetée par les chiites, notamment par le plus influent d'entre eux, le grand ayatollah Ali Al-Sistani. C'est dire qu'à la dégradation de la situation sécuritaire vont s'ajouter, rapidement, pour le nouveau pouvoir irakien, les difficultés de concilier les positions entre les diverses ethnies du pays qui cherchent chacune à faire valoir des droits, niés par l'ancien régime baassiste de Saddam Hussein, pour les unes, à conforter les acquis de la première guerre du Golfe, pour les autres (les Kurdes en fait qui ont été les seuls bénéficiaires des retombées de la guerre de 1991 par la création par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne des zones d'exclusion, leur donnant une indépendance de facto par rapport au régime baassiste de Bagdad). C'est dire combien les nuages continuent de s'accumuler sous le ciel de l'Irak et rend aléatoire la mission des nouveaux dirigeants irakiens.