Le poète d'expression amazighe, Benmohamed, a été honoré dans la soirée de samedi dernier, par le Haut Commissariat à l'amazighité (HCA) qui lui a rendu un hommage appuyé à la faveur d'un récital poétique organisé aux Ouacifs, bercail de l'aède, situé à une cinquantaine de km au sud de Tizi Ouzou. Cette manifestation, la première du genre, est organisée conjointement avec l'association culturelle Taltat, l'APC et la daïra de Ouacifs, en présence d'une brochette d'invités de marque, dont le secrétaire général du HCA, Si El Hachimi Assad, le compositeur Kamal Hamadi, le cinéaste Belkacem Hadjadj, les chanteurs Slimane Chabi, Hacène Abassi, Balli Abdelmadjid, ancien producteur d'émissions enfantines radiophoniques, tous enfants prodiges des Ouacifs. Au programme figure un florilège de poèmes écrits et déclamés avec beaucoup d'émotion et de coeur par ce ciseleur du verbe hors pair, au grand bonheur des adeptes de la poésie kabyle versifiée par un maître de la métaphore, de la rime et de la réplique. Les thèmes traités sont liés aux diverses facettes de la vie, dont l'amour et l'exil et autres thèmes alternant le bonheur et le malheur, avec une touche spécifique à Benhamadouche Mohamed, faisant des mots une véritable thérapie contre les maux, comme il l'a montré à travers son poème épique Khass (dussé-je), qu'il a composé en 1972 et traduit par Mouloud Mammeri. Le poème dit en substance: «Dussé-je subir les embuscades et vu le sang se dessécher. Dussé-je pousser comme méchant bois et ne consulter aucun sage. Dussé-je prodiguer de faux sourires au voisin et avoir l'amour des sous. Dussé-je suivre un mauvais troupeau et les mouches m'entourer. Dussé-je abandonner les racines à la sécheresse et fournir le gîte aux mauvais hôtes (à.) Je n'oublierai pas ma génitrice, ni le chant qui m'a bercé.» L'hommage rendu à cette icône de la poésie amazighe a été également ponctué par une lecture croisée de vers. Des prises de paroles ont aussi, émaillé ce récital poétique pour témoigner de la grandeur de l'aède, doublé de parolier qui a composé des textes pour d'éminents chanteurs lui devant, au moins en partie, leur notoriété, tel que Idir, Nouara, Matoub Lounès, Aït Menguellet, Takfarinas, Medjahed Hamid, Medjahed Mouhoub et autres. Le talent de Benmohamed, issu du village Takidount, ne se limite pas uniquement au domaine de la poésie, puisqu'il touche également le cinéma. On lui doit, notamment la réalisation en tamazight, d'un documentaire consacré à l'artiste Kamal Hammadi. De même qu'il a écrit en tamazight, les dialogues du film Fadhma N'soumer ou le burnous brasé, réalisé par le cinéaste Belkacem Hadjadj, un autre enfant des Ouacifs. Ce film a été projeté récemment en avant-première à Alger. Dans le domaine du théâtre, Ben, comme l'appellent ses intimes, a traduit en tamazight la pièce Babor Eghraq, un chef d'oeuvre du 4e art réalisé par le dramaturge Slimane Benaïssa. S'exprimant sur l'objectif de cette manifestation, M. Assad l'a située dans le cadre du programme annuel du HCA visant à «promouvoir la culture de proximité, en allant dans l'Algérie profonde pour relayer l'action institutionnelle sur le terrain, à travers un réseau de partenaires associatifs appelés à travailler en synergie pour accroître son efficacité». Malgré sa verve et son art consommé, Benhamadouche, visiblement ému par autant d'égards, peinait à trouver ses mots pour remercier ceux qui l'ont gratifié de cadeaux symboliques pour exprimer, à l'occasion, la reconnaissance de son apport indéniable à la culture amazighe. La même activité est prévue pour son organisation à Oran et Béjaïa, respectivement les 17 et 19 juillet courant, signale-t-on. Benhamadouche Mohamed, dit Benmohamed, est né le 10 mars 1944 au village Takidount, dans la commune des Ouacifs. Poète inné, ciselant le verbe aussi bien qu'il manipule le chiffre de par sa fonction de financier, lui qui se plaît à dire qu'«en comptabilité on ne peut pas mettre un chiffre à la place d'un autre, de même qu'en poésie on ne peut pas mettre un mot à la place d'un autre».