Cette belle et pittoresque ville mérite mieux que ce qui lui arrive. Ville côtière à vocation touristique par excellence, Aïn Taya, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Alger, reste une des stations estivales les plus fréquentées du centre du pays. Destination privilégiée et point de chute d'été de célébrités tels Picasso, Dali, etc, jusqu'aux années 1950, elle continue d'offrir à ce jour, ses plages, ses criques, ses rues commerçantes et le pittoresque de cette ville qui a su garder les touches du style de bâti colonial. Cependant, et après les cinq années de gestion très contestée de l'ancienne Assemblée, les citoyens de la ville ont opté pour l'ouverture et la démocratie, ce qui s'est reflété par l'élection d'élus venus d'horizons divers : indépendants, FFS, HMS, MRN, RA, FLN et RND, soit toute la gamme des partis politiques existant en Algérie. Mais, depuis l'élection de la dernière Assemblée, les citoyens de la ville ont l'impression que rien ne bouge : «Les projets sont à l'arrêt, la commission sociale de distribution du logement est en souffrance, les activités sportives ont dépéri et les programmes culturels pour l'été sont inexistants», s'insurgent les habitants de la ville. Certains responsables des comités de quartier vont plus loin : «Tout est à l'arrêt, depuis plusieurs mois. On a l'impression que la commune continue à fonctionner grâce à la seule volonté de ses habitants. Le président de l'APC est toujours absent, car il cumule des fonctions, et ne peut, de fait, être au four et au moulin. En réalité, il n'y a qu'à voir sa présence réelle sur le terrain pour se rendre compte que l'APC a besoin d'un responsable toujours disponible, quand il faut», s'écrie Ahmed Titoumi, un responsable de quartier qui en sait des choses. Pour un autre responsable d'un comité de quartier local, Dahmani Ali, le problème est plus simple : «Il s'agit, en termes clairs, d'un P/APC qui est totalement absent de sa commune. Il n'agit peut-être pas par mépris envers les gens, ni par fuite, mais c'est un homme retiré, ‘‘effacé'‘, ‘‘absent'', alors qu'une grande ville comme Aïn Taya a besoin de toute l'énergie d'un président présent sur tous les fronts.» Pour un élu de l'APC «le problème se situe dans le conflit latent qui oppose, depuis plusieurs mois, le président de l'APC à son premier vice-président et qui a paralysé toute l'activité de la commune». «Pis encore, ajoute-t-il, le président porte sur la voie publique son différend avec son ancien ami du groupe des indépendants et l'accuse de vouloir préparer contre lui, un ‘‘putsch'', alors que le président lui-même, nous avait confié être fatigué et vouloir se retirer de son propre chef.» Nous voilà donc au coeur du problème. Direction : l'APC. Le président, M.Abdelaziz Rih, nous reçoit, un rien agité : «Ce sont des accusations gratuites portées contre ma personne pour faire une razzia sur les richesses de la commune et je ne céderai pas au chantage!» Qui sont ces gens? Le P/APC reste évasif : «Des groupes de pression.» Mais, ce n'était pas vous le premier qui affirmiez vouloir être muté? «Non, pour le moment, je suis là jusqu'à nouvel ordre.» M. Rih, chiffres en main, contredit les griefs, notamment, ceux portant sur la lenteur avec laquelle sont gérés les dossiers de sa circonscription. Il énumère, à cet effet, les projets de développement, lesquels se trouvent, à un stade «très avancé» et dont le plus en vue serait l'alimentation de la ville en eau potable à partir du barrage de Keddara. Le montant de cette entreprise est de l'ordre de 9 milliards de dinars. Ce n'est pas tout, il cite aussi, le cas du projet relatif à la protection du rivage qui concerne les falaises de la localité d'Aïn El Beïda (ex-Suffren) et de ceux d'Aïn Taya (en réalité ce sont là des projets pris en charge par la wilaya, non par l'APC, dans le cadre des projets sectoriels, Ndlr). A l'accusation liée au cumul des fonctions du premier magistrat de la commune - M.Rih est aussi président de la Fédération nationale de pétanque - ce dernier considère la situation comme tout à fait légale et «ne transgresse en aucune manière le code communal», a-t-il assuré (en réalité, il cumule encore des contrats de commissaire aux comptes avec des entreprises, Ndlr). Cet état de fait, que certains de ses opposants présentent comme étant un handicap pour la gestion des affaires, surtout en ce qui concerne la réception des citoyens, M.Rih répond : «Outre la journée du dimanche consacrée à l'accueil des personnes et à l'écoute de leurs doléances, ma porte est quotidiennement ouverte et je reçois chaque jour des dizaines de citoyens.» Le vice-président, M.Ahmed Malek Benlamri a une autre version des accusations portées contre le président de l'APC : «Il ne s'agit pas en fait d'un conflit entre moi et le président, mais le conflit se situe dans le fait, que des citoyens viennent nous porter le discrédit et nous pourfendre, car réellement, l'action de l'APC est lente et les projets restent en attente.» Lesquels? «Un ravin se trouve à 1m 30 de la RN 4 et le gabionnage qui devait se faire là, ne l'a pas été comme n'ont pas été faites d'autres opérations de gabionnage à des endroits menacés par la chute des sols sablonneux. A cela s'ajoute le problème de l'accès principal à la plage d'Aïn Chorb (ex-Sercouf) qui présente un risque mortel pour les estivants et les habitants, car un glissement de terrain y a provoqué un véritable gouffre, la distribution des logements sociaux qui devait être faite depuis une année déjà, le bitumage de routes impraticables, le dépérissement du sport et de la culture. En termes clairs, l'APC se trouve aujourd'hui à gérer l'état-civil et les doléances. Le bilan, après deux ans, est largement négatif et l'on ne peut rester sourd aux préoccupations des citoyens d'Aïn Taya.» Le lendemain de notre visite, une réunion devait être tenue entre le président de l'APC et les associations de quartier pour parler des problèmes locaux et tenter de trouver des solutions. Après une heure d'attente houleuse, les responsables de comités sont convaincus que le président de l'APC, «comme toujours, ne viendra pas», et tentent de préparer une action de protestation.