Le président irakien a chargé hier Haïdar al-Abadi de former un nouveau gouvernement, écartant le très contesté Nouri al-Maliki après des mois de blocage politique et de conflit armé avec les jihadistes face auxquels l'armée reste impuissante. Dans ce contexte explosif, la capitale Baghdad était quadrillée par un nombre inhabituel de forces de sécurité, avec de grandes artères bouclées, des ponts fermés, et la Zone verte, abritant les institutions clés, encore plus protégée que d'ordinaire. Les Etats-Unis, impliqués pour la première fois militairement en Irak depuis le retrait de leurs troupes fin 2011, ont aussitôt apporté leur soutien la nomination surprise de M. Abadi, en l'appelant à «former un gouvernement (d'union) aussi vite que possible». Aucune réaction n'a pu être obtenue dans l'immédiat auprès des services de M.Maliki, qui dirigeait le gouvernement depuis 2006 et voulait coûte que coûte rester au pouvoir, ou auprès de sa coalition. La formation d'un gouvernement d'union est réclamée à cor et à cri par la communauté internationale pour faire face à l'offensive lancée le 9 juin par les jihadistes sunnites de l'Etat islamique (EI) qui continuent de s'emparer de pans de territoires en Irak et de mener des exactions contre les minorités religieuses, poussant à l'exode des centaines de milliers de personnes. Lors d'une brève cérémonie retransmise en direct à la télévision, le président irakien Fouad Massoum a chargé M.Abadi, actuel premier vice-président du Parlement, de former le prochain gouvernement appelé à rassembler toutes les forces politiques. «Le pays est entre vos mains», a déclaré M.Massoum à M.Abadi, qui avait été choisi plus tôt par l'Alliance nationale, le bloc parlementaire chiite, comme son candidat au poste de Premier ministre. M.Abadi, né en 1952, a désormais 30 jours pour former un cabinet. La coalition de M.Maliki -l'Etat de droit- fait partie de l'Alliance nationale mais on ignore si elle a soutenu la candidature de Haïdar al-Abadi. Cette coalition avait remporté les législatives d'avril et M.Maliki estimait être le mieux placé pour un 3e mandat, mais il était critiqué de toutes parts pour sa politique confessionnelle, qui a aliéné la minorité sunnite, et pour son autoritarisme, même si un grand nombre d'officiers de l'armée le soutiennent. Encore dimanche soir, il a accusé Fouad Massoum d'avoir violé la Constitution en retardant la nomination d'un Premier ministre et annoncé son intention de porter plainte contre lui. Mais dans cette bataille M.Maliki a perdu de précieux alliés, américains ou membres de son propre parti. «Nous soutenons fermement le président Massoum (qui) a la responsabilité de garantir la Constitution de l'Irak», a ainsi déclaré le secrétaire d'Etat américain John Kerry avant la nomination de M. Haïdar. «Nous espérons que M.Maliki ne causera pas de problèmes».