L'esprit de Voodoo shild a plané la musique de Jimi Hendrix vaut mille hadras et avec ces coupures d'électricité, l'esprit même du festival a été dénaturé et c'est fort dommage. Artiste du monde, le célèbre guitariste franco-vietnamien Nguyên Lê s'est produit dimanche soir au Théâtre de verdure en plein air de Riad El Feth dans le cadre de la 7e édition du Festival culturel international de la musique diwane devant un parterre pas très nombreux comparé au premier soir où le théâtre était plein. L'artiste qu'on connaît pour s'être déjà distingué sur l'album Maghreb and frinds notamment de Karim Ziad nous a gratifiés cette fois d'un très bel hommage rendu à son père spirituel de la guitare électrique, Jimmy Hendrix. «Pour moi, il s'agissait de rendre honneur au père de la guitare électrique et en tant que fils, c'est très important pour moi car je suis celui qui porte à la fois l'héritage et qui se doit se développer lui-même pour aller vers le futur. La question du fils spirituel est de trouver justement ma propre identité en jouant du Jimi Hendrix et cette identité je la trouve au contact d'autres musiques qui n'appartiennent pas spécifiquement à Jimi Hendrix qui sont le jazz et les musiques du monde.» Se rappelant du concert donné à Alger à la salle Ibn Zeydoun, il y a une dizaine d'années, Nguyên Lê qu'on a vu dans les coulisses juste avant de monter sur scène fera remarquer, nostalgique, combien jouer cette musique, notamment en Allemagne ça faisait bizarre arguant que les gens aimaient la musique, mais sans la comprendre forcément a contrario quand il s'agissait de la jouer à Alger. «Surtout à cause du rythme qui est très particulier et complexe pour les Allemands. Alors que lorsqu'on arrive ici à Alger c'est tout le contraire. Toute la salle s'était mise à danser et j'ai adoré ce sentiment parce qu'en fait, j'avais la sensation qu'on jouait votre musique. On était chez vous. On s'invitait à jouer votre propre musique, avec notre propre âme.». Au concert du Festival de musique diwane, Nguyên Lê était entouré d'une pléiade de musiciens dont une excellente chanteuse à la voix rauque. Le plateau musical était le reflet d'une pluralité ethnique et sonore inouïe, comme ce reflet parfait du métissage et du message d'ouverture sur le monde qui prévalait à l'époque dans les années 1970. Celui qui prônait l'amour, la paix et la tolérance dans le monde et a disparu hélas aujourd'hui. Pour preuve, les origines de la chanteuse, nous confiera Nguyên Lê sont multiculturelles puisqu'elle vient à la fois d'Espagne, d'Italie et du Japon. Le batteur est Hongrois mais habite à Barcelone tandis que le bassiste, juste âgé de 26 ans est doté d'un talent incroyable. Si l'artiste Nguyên Lê s'est produit ce soir-là dans le cadre d'un Festival de musique gnawa, ceci n'est pas fortuit. Dans son album Celebrating Jimi Hendrix, Nguyên Lê a pris la peine d'envelopper le fameux morceau Voodoo shild d'un revêtement mélodique des plus africains et roots d'où le rapport avec l'esprit de la transe que procure les gnawas. C'est ce qu'il a essayé de restituer sur scène à Riad El Feth avec la formation Jil Essaed en fusionnant les deux styles dans une sorte de battle guitare électrique /gumbri qui a emporté le public dans une belle énergie extatique en fin de concert. Le groupe Jil Essaed qui s'était produit en première partie s'est laissé emporté par le sens de l'émulation alors qu'il s'était illustré par une prestation musicale des plus monotones et en première partie de spectacle. Il est fort à déplorer les deux coupures électriques qui sont venues entacher le bon déroulement du concert, jetant un froid terrible et une grande gêne parmi l'assistance. Un grand bravo et un grand respect revient aux musiciens et à la chanteuse qui, placides, ont repris leur chanson fair-play comme si de rien n'était. L'on ne comprend pas cet état de fait pour un grand festival, du moins qui prétend l'être après sept éditions déjà. Du jamais-vu ailleurs. Parmi les titres qui nous ont donné du bonheur et servi par une main en or et une voix de velours sont, notamment Purple Haze, Little Wing, I dont leave today ou encore Jipsy eyes..Jimi Hendrix méritait en tout cas mieux que ces coupures qui vous scient l'âme en deux quand vous êtes en pleine ascension spirituelle. Cela nous rappelle étrangement cette mauvaise expérience vécue lors d'un des derniers concerts de feu Othmane Bali, qui, au fait de son élévation spirituelle, au milieu de la piste en plein air, avait été touché par un jeune délinquant, provoquant son évanouissement.. On n'interrompt pas comme cela un artiste au fait de son art, car c'est comme couper l'herbe sous les pieds de quelqu'un, provoquant un choc inattendu et irréversible. C'est tout, sauf ce qu'il ne faut pas faire pendant une «hadra gnawi».Et la musique électrique de Jimi Hendrix vaut mille hadras! Hélas l'esprit même du festival venait d'être dénaturé. Et c'est fort dommage. Après ça, l'envie n'y est plus...