Le massacre à la pelleteuse a commencé Ce projet prévoit une tour de 80 logements, un centre commercial et un parking souterrain de trois étages. Les habitants estiment que le permis de construire qui a signé l'arrêt de mort de leur quartier n'est pas conforme à la loi. Les habitants de la cité Les Sources, dans la commune de Bir Mourad Raïs à Alger, sont en colère! Depuis quelques jours, ils sont mobilisés pour empêcher la «bétonisation» d'un espace vert de leur quartier. Hier, ils ont décidé d'organiser une conférence de presse pour, disent-ils, faire l'écho de leur mobilisation citoyenne, restée inaudible aux oreilles des autorités. C'est le célèbre avocat, Maître Khaled Bourayou qui a animé cette conférence de presse pour la défense de son quartier. Il commence par un petit rappel des faits. «Ils veulent faire une tour de 14 étages avec un centre commercial et trois sous-sols en parking, sans respect des normes de distance et qui plus est, en rasant des arbres, vieux de plus de 30 ans....», rapporte-t-il. «L'histoire de ce terrain remonte au milieu des années 1990 lorsqu'il a été cédé par les autorités locales de l'époque aux spéculateurs de l'immobilier. L'acquéreur avait souscrit un prêt immobilier de 70 milliards de centimes pour construire. Mais, il s'est évaporé avec l'argent. La banque a récupéré le terrain et l'a revendu au propriétaire actuel», raconte Maître Bourayou. «Cette parcelle a de tout temps été convoitée par de nombreux spéculateurs, mais grâce à la vigilance de l'Association de protection de la cité Les Sources, elle a été épargnée jusqu'au 3 août dernier...», a-t-il ajouté. Depuis cette date donc, le massacre à la pelleteuse a commencé. Tous les arbres ont été arrachés et les engins ont commencé à creuser pour les fondations. «Que font les autorités communales? Qui respecte et qui fait respecter la réglementation urbanistique? Que fait l'Etat?», s'interroge ce ténor du barreau qui affirme que le permis de construire est en parfaite contradiction avec les lois de la République. «D'abord, on nous a informés que c'est le wali d'Alger qui a signé le permis de construire. Comment peut-il se substituer au maire en signant ce genre de documents?», rétorque-t-il. «Le plan d'occupation du sol n'a pas été respecté. La loi interdit la construction de tour dans ce genre de quartier», soutient-il. «Si l'on regarde le plan initial, on voit que ce terrain de 3000 mètres carrés appartenait à la Cité des Sources», explique- t-il «Pis encore, le promoteur a accaparé le trottoir et a détourné les plaques de signalisation sans être inquiété», témoigne-t-il. «Nous avons entrepris une action en justice. Nous espérons seulement que la justice fasse son travail, en conformant le permis de construire avec les lois de la République», souhaite-t-il. Néanmoins, à voir la tête qu'il fait en parlant de cette action en justice, il semble qu'il ne fonde pas beaucoup d'espoirs sur elle. Surtout lorsqu'il souligne qu'un «promoteur ayant investi plus de 20 milliards de centimes dans un terrain a sûrement reçu des garanties. D'ailleurs, il se prévaut de solides liens au sommet de l'Etat». Les riverains s'en remettent donc au président de la République, Abdelaziz Bouteflika. «Nous, citoyens résidants de la cité Les Sources, sommes convaincus que vous ne manquerez (le chef de l'Etat, Ndlr) pas d'être sensible à cette situation de détournement d'une petite parcelle pour la mettre à la disposition des gros appétits immobiliers privés», lancent-ils comme appel. «Celui ou ceux qui ont pris la responsabilité de signer pour ce détournement d'un espace vert, n'ont pas seulement commis une erreur, mais une faute lourde de conséquences sur le devenir de la cité, implications qui légitiment la protestation des habitants de la cité», font-ils savoir. «Nous vous serions profondément reconnaissants, M.le Président, de donner des instructions pour arrêter ces travaux et restituer cette parcelle de terrain à sa destination initiale, un espace vert au profit de la collectivité de la cité», réclament-ils. «Vous êtes notre seul espoir», répliquent ces citoyens en détresse. Une femme en pleurs demande ensuite la parole. Elle se dit encore choquée par l'abattage des arbres auquel elle a assisté. «Mais je crains surtout pour ma maison. Quelles sont les protections techniques prises pour ne pas déstabiliser les deux bâtiments qui jonchent ce projet? Je sens déjà ma maison vibrer», témoigne-t-elle toujours en pleurs. «En plus, ce projet va fermer la vue à tous les résidants des deux immeubles. Ils ne verront que du béton face à leurs fenêtres...», peste-t-elle. «Tous les Algériens doivent se mobiliser contre ce projet car s'il venait à se concrétiser, ce serait un grave précédent. Tous les petits espaces vides dans les quartiers seraient convoités par les spéculateurs de l'immobilier!», estime un autre habitant. «Alors, mobilisez-vous car maintenant ce n'est pas la nature qui a horreur du vide, mais les spéculateurs...Attention, ils sont à l'affût...», conclut-il en promettant de continuer la protestation jusqu'au bout...