La décision russe de suspendre les importations alimentaires des Etats-Unis et de l'Union européenne en représailles aux sanctions imposées pour son rôle dans le conflit ukrainien représente une bonne opportunité pour le secteur agroalimentaire latino-américain, estiment des experts. Malgré des difficultés d'échelle et de compétitivité liées aux coûts de production pour satisfaire le marché russe, ces analystes affirment que le Brésil, l'Argentine, le Chili ou le Mexique pourraient être sollicités par Moscou pour alimenter les supermarchés locaux. La décision de Moscou «peut inciter des entreprises latino-américaines à s'orienter vers le marché russe», avance Jesus Valdés Diaz de Villegas, professeur au département d'études économiques de l'Université Iberoamericana du Mexique. Mais «cela se fera avec prudence en raison de la situation politique (due) à la mise en place des mesures contre la Russie», ajoute-t-il. Cet expert précise toutefois qu'il s'agit «de décisions d'entreprises, sans que cela ne reflète un soutien des gouvernements (des pays concernés) à la Russie». Le directeur de l'Association brésilienne du commerce extérieur (AEB), José Augusto de Castro, estime que les exportations brésiliennes pourraient augmenter cette année de 300 à 500 millions de dollars suite à la décision russe. Le Chili sera l'un des principaux concurrents du Brésil, en raison de son bon positionnement dans le domaines des fruits et légumes. Selon Erick Haidle, économiste à l'Université Gabriela Mistral, «le Chili dispose d'une grande opportunité» grâce à ses «avantages comparatifs» dans le secteur alimentaire. Le directeur des Relations économiques internationales du ministère des Affaires étrangères du Chili, Andrés Rebolledo, a récemment déclaré que son pays voyait également comme «une opportunité» l'embargo décrété par le gouvernement russe sur les produits alimentaires européens et américains, mais rappelé qu'il s'agissait d'un «sujet strictement commercial», et non de politique extérieure. Les demandes russes se sont également multipliées en Argentine, selon le coordinateur général de la Chambre de commerce et d'industrie russo-argentine, Matias Garcia Tuñon. «Nous avons reçu de nombreuses demandes de Russie, surtout pour des agrumes, des produits laitiers et de la viande (...) Il y a eu une hausses des consultations car la grande distribution russe doit replacer des produits qu'elle importait auparavant d'autres pays, comme l'Allemagne, l'Italie ou les Pays-Bas. Il y a un potentiel sans précédent», a-t-il affirmé. Pour le Mexique, «le fossé qui se creuse avec l'Union européenne» est une aubaine pour «équilibrer» les échanges, estime Antonio Gazol Sanchez, de la faculté d'économie de l'Université autonome de Mexico: 1% seulement des exportations mexicaines ont pour destination la Russie, alors que les importations russes sont supérieures, souligne-t-il.