Mahiedine Mekhissi a répondu avant-hier de manière fabuleuse aux championnats d'Europe, en remportant haut la main la finale du 1500m. Le Français s'est imposé en 3'45»60, trois jours après sa disqualification en finale du 3000m steeple. D'abord, évacuons rapidement la technique, car ce n'est pas ce qui comptait le plus: les adversaires de Mahiedine Mekhissi ont sans doute eu le grand tort d'imprimer un rythme lent à cette finale du 1 500m, laissant le Français donner libre court à sa pointe de vitesse assez démentielle sur un dernier 400m. Et puis, il y a surtout l'émotion, toute cette tension et ce contexte qui font que ce titre de champion continental de Mekhissi est un exploit colossal pour l'athlétisme français et européen. Moins de trois jours après sa disqualification archi-commentée sur 3000m steeple, Mekhissi s'est à nouveau permis le luxe de lever les bras et de réclamer les vivats des spectateurs du Letzigrund, tant il avait encore pris une avance considérable à l'entame de la dernière ligne droite. Cette fois, il a bien pris soin de garder le maillot. «C'est la plus belle course de ma carrière, s'exclame-t-il sur France 3. J'avais mis un genou à terre mais je n'étais pas K. O. La seule façon de me relever, c'était de gagner. J'ai couru avec la rage, je n'avais qu'une envie c'était de gagner. Je n'ai jamais eu cette motivation de ma vie.» Mekhissi est un talent brut dont la France peine à jauger le gigantisme. Le 1500m n'est pas du tout sa distance de prédilection, il ne l'a réellement commencé que cette année... Le Rémois est du niveau des Africains sur 3 000m steeple, il l'a déjà prouvé, et les Mondiaux comme les Jeux olympiques sont ses vrais objectifs, ses dernières barrières. «J'ai reçu beaucoup de soutien ces dernières 48 heures. Je prouve quel champion je suis, je pense que je marque l'histoire de mon sport.» C'est aussi ça, Mekhissi: des paroles qu'il faut prendre comme elles viennent parce qu'elles sont sincères et sans filtre, le reflet de sa personnalité lunaire. Mais ne va pas sur la lune qui veut... «Ça n'efface quand même pas ma défaite sur 3000m steeple, mais croyez-moi, ce n'est pas fini.» «On sait que tu peux être champion olympique, tu es un exemple, un tueur», lui a vite lancé le DTN Ghani Yalouz. «La manière dont il a construit sa course, c'est prodigieux, c'est énorme, commente son entraîneur Philippe Dupont. Il me scotche.» Ce dernier, ancien coureur de 800m au haut niveau et désormais coach national, pour qui il a quitté son ancien technicien Farouk Madaci après les JO de Londres. Il lui disait avant la course qu'il le sentait au niveau des meilleurs, au vu de son finish. Visiblement, il ne s'attendait pas à ce que ce soit d'une telle ampleur... Lui répondait dans le vague, toujours en donnant cette impression d'être ailleurs. Mais oui, Mekhissi est ailleurs.