Partout, des fêtes hautes en couleur Les rituels et événements festifs sont indissociables des pratiques sociales. Le mariage, élément-clé des pratiques sociales, est marqué par des rites qui ponctuent chaque cérémonie. Apanage de plusieurs siècles, les traditions du mariage, transmises d'une génération à l'autre, connaissent une très grande diversité. Ces coutumes se démarquent d'une région à une autre, mais toutes ont des rituels qui datent de la nuit des temps. Tour d'horizon de ces pratiques à l'est, au centre, à l'ouest et au sud du pays. Le repas est l'élément phare de la cérémonie de mariage. Les repas devrions-nous dire, car le mariage dure le temps de sa préparation et des différents usages qui s'y rapportent. La cuisine algérienne est ancienne. Ses racines plongent dans l'histoire de la Numidie. C'est ce qui lui donne un fonds culturel immense. Il ne fait aucun doute qu'elle a été influencée par toutes les civilisations qui, à un moment ou un autre de son histoire, ont laissé des marques indélébiles sur ses populations. Ces influences, phéniciennes, romaines, arabes, ottomanes, espagnoles et françaises, en font un riche mélange de saveurs et de senteurs. Elle se caractérise avant tout par l'usage de la semoule, des herbes et des épices qui viennent à la fois parfumer et relever le goût de la soupe, de la sauce ou de la viande. Elles permettent d'offrir une belle table haute en couleur et en goûts. Les tables de fête, en sont le reflet le plus généreux. Le mariage annabi A Annaba ou l'antique Bouna, le mariage dure environ une semaine. Les youyous commencent à se faire entendre dès la préparation des gâteaux. Une journée qui réunit proches parents et voisins. La confection des gâteaux signifie que le compte à rebours a commencé et chaque jour est dévolu à une tâche. Le nombre de gâteaux préparés est important, c'est un signe de la grandeur que l'on veut donner à la fête. Si la plupart sont préparés à base de fruits secs (amandes et noix), le traditionnel makroud, fait de pâte de dattes, est incontournable, tout autant que la baklawa, reine des tables des mariages à Annaba. Les gâteaux sont servis par étape. Il y a ceux qui sont préparés pour le café et ceux que l'on met dans des boîtes et que les convives emportent avec eux. La mise en boîte des gâteaux est une autre occasion pour se réunir en famille et de faire la fête avant le grand jour. L'étape suivante est la préparation du frech. Une cérémonie qui se tient un jour ou deux avant le départ de la mariée, et qui consiste pour les parents de l'époux de venir chercher le trousseau de la future épouse. Tout un cortège est organisé pour l'occasion. Les effets de la mariée sont transférés de la maison paternelle à celle de sa belle-famille, sous les chants d'une troupe de Issawa. Et c'est là aussi une occasion pour la famille et les amis proches de se réunir autour d'un repas, fait principalement d'abats de mouton et de haricots secs, appelé par les Annabis «chkanba». Pour les familles bônoises, le trousseau se prépare depuis le plus jeune âge de la fille et jusqu'au moment où elle quittera la maison familiale. Il est compsé d'habits traditionnels, gandouras faites de fil d'or la fétla, de paillettes et de strass et autres ornements de décoration, qui font la fierté de la gandoura annabia. On compte aussi parmi les effets de la mariée une literie luxueuse faite de dentelle et de broderie, entre autres; sans pour autant oublier le fameux coffre à bijoux composé de la ceinture «mhazma», les bracelets «mkaïs» de différents modèles et calibres, chacun selon ses moyens et son rang social et bien sûr des vêtements, des produits de maquillage et autres objets. Cérémonie de la d'biha C'est le jour où l'on égorge le mouton ou le veau, selon le rang social des membres du couple et du marié. Un autre prétexte à un repas préparé cette fois avec les abats de la bête, la «chkanba». Quant à la fête, les pattes et les poumons servent à préparer d'autres plats spécifiques à la ville de Lalla Bouna. Le menu du jour de la fête est prédéfini bien avant. Il se compose généralement de chorba, couscous ou «chakhchoukha», salade variée, tadjine lahlou et les fruits de saison. Tard dans la soirée, les convives sont invités à une collation. Un encas fait de rfis et de petit-lait. Une saveur qui revient par excellence aux régions est du pays. Qu'il s'agisse de cérémonie de mariage avec lecture de la Fatiha, de circoncision ou autres cérémonies, la présence du rfis sur les tables des invités est primordiale, voire obligatoire. Préparées à base de semoule et de beurre, ces galettes cuites sur le tadjine, sont passées au tamis pour être réduites en grains, que l'on arrose d'eau de fleurs d'oranger, de beurre fondu et de miel, que l'on dresse dans des plats décorés aux noix. Si le rfis est une spécialité typique et spécifique à l'est du pays, elle a su trouver sa place au sein d'autres régions comme la Kabylie. Le féerique mariage kabyle En Kabylie, c'est une autre tradition du mariage. En effet, quelques jours avant la fête, la mère du futur marié regroupe quelques femmes pour trier le blé, qui sera envoyé à la maison de la mariée, cela commencera plusieurs jours avant le cérémonial de la fête du mariage. Le Taâmmamet est le premier repas de cette fête qui se déroule chez les parents de la mariée. Les frais «tucc'it» de ce repas sont pris symboliquement en charge par la famille du marié. Les parents de ce dernier, offriront ensuite le «curut». Il s'agit d'un quintal de semoule, une cuisse de boeuf, du blé, de l'huile d'olive et du beurre. A l'approche de la date du mariage, les deux familles réuniront, chacune de son côté, les femmes de leur village, pour rouler le couscous «yaftlou», qui servira de repas aux invités et aux gens du village, le jour de la grande féte. Pendant les préparatifs, la mariée, quant à elle, est dispensée de tous les travaux ménagers pendant les sept jours, avant son départ à la maison de son futur époux. La tradition dans la région kabyle, veut que le septième jour, la mariée se fait enrouler une ceinture en laine «asaru», autour de la taille, synonyme de la femme forte et capable de tout faire. C'est pourquoi, ce jour-là, elle prépare le pain et les beignets. Comme à l'est du pays, les fêtes durent dans le temps, le centre de l'Algérie perpètue aussi cette tradition où les mariages algérois amorcent les festivités du mariage une semaine à dix jours, avant le jour de la grande fête. Le mariage algérois Dans l'Algérois, la fête commence en début de semaine et dure dans le temps. En cette période, les femmes de la famille s'attèllent à préparer les boissons fraîches et les gâteaux, (el halwa), des petits fours, des gâteaux à base d'amandes et de noix, la spécialité par excellence de la région de l'Algérois. Ces préparations traditionnelles sont servies avec du thé tout le long de la cérémonie. Des dragées sont distribuées à tour de bras à l' intention des convives. La cérémonie du henné, est aussi l'occasion d'un repas familial. Ce repas, placé sous les auspices du père. comporte divers mets, tels la chorba, «el rechta, «chtetha l'ham» ou encore «l'ham lahlou», les salades et les corbeilles de fruits. Au lendemain de la fête, comme à travers toutes les wilayas du pays, la tradition fait en sorte que le déjeuner de la mariée «sbah Laâroussa», soit bien préparé à l'intention des parents de la mariée. Cette dernière s'installera, autour de la maïda avec les membres de sa famille, sa mère, ses soeurs, ses tantes, cousines. C'est une cérémonie en signe de reconnaissance de la part des parents de l'époux, envers ceux de la mariée pour les avoir honorés par ce lien du mariage, mais surtout de les avoir honorés lors de la fête y afférente. De l'est du pays au sud, en passant par le centre et l'ouest, le commun de la tradition des mariages algériens est le prolongement dans le temps des cérémonies, comme c'est le cas dans la wilaya de Tlemcen. Le mariage tlémcénien A Tlemcen, le mariage dure trois jours, le premier jour, c'est celui de louchi, le mari et la mariée fêtent leur dernier jour de célibataires avec la famille et les proches. En général, cette fête est célébrée à la maison où un repas est offert aux invités ainsi que des gâteaux et du thé. Traditionnellement, les amis du mari constituent un cortège de voitures pour aller chercher la mariée de chez-elle. Cette dernière, les attend habillée de la «chedda», enveloppée d'un haïk, avec les femmes de la famille du futur époux. Lorsque la mariée entre en soirée, les femmes de la belle-famille l'attendent toutes vêtues d'une «chedda», l'accueillent; une dame âgée de la famille vient lui mettre du rouge à lèvres, sur les deux joues avec des points blancs (signe de virginité), et cela à l'abri des regards, sous un haïk que les femmes tiendront de part et d'autre. Le mari, quant à lui, mettra un burnous sur son costume et montera sur un cheval blanc. Il se rendra ainsi jusqu'au lieu du mariage entouré de ses amis et «shab el baroud», qui tirent des coups de feu». Au son des tambours, le cortège avance pour la circonstance, une fois arrivé, le bruit des tambours et des coups de feu se fait de plus en plus sentir, signe de l'arrivée du cortège. Les femmes sortent l'accueillir et disposent une chaise à côté du cheval pour que celles habillées de la «chedda» puissent saluer le marié (sa mère, ses soeurs et belles-soeurs), en montant sur la chaise. Aussi, lorsque le marié entre dans la salle, il se dirige vers son épouse, lui enlève son voile, lui efface tous les points blancs marqués sur ses joues et l'ambrasse. Dans cette région de l'ouest du pays, la tradition veut que la mariée porte plusieurs tenues dont, le, «kakakou», la «blouza» et la «foiya», comme «elleffa» pour Alger. Enfin, elle portera une robe du soir, genre robe princesse et repart au bras de son mari à son nid de cocon. Toutes les cérémonies finissent par atterrir dans un nid conçu pour des tourtereaux, qu'ils soient du Nord ou du Sud, la règle est la même, les traditions passent avant tout. Tel est le cas du mariage sahraoui qui, contrairement aux usages du Nord, la fête de mariage est prise en charge par, l'ensemble de la tribu. Le mariage touareg et l'esprit communautaire En effet, il est même fréquent de célébrer plusieurs mariages le même jour pour limiter les dépenses et les frais, tout en donnant plus de faste à la fête. Les rituels du mariage touareg dans l'Ahaggar, comportent des chants: les àlèwen. Ces chants accompagnent chaque phase des préparatifs de la fête: cortège de la mariée, préparation collective du repas, montage de la tente nuptiale et du lit de sable. Le cérémonial débute quinze jours avant le mariage pour permettre à la famille de la future mariée de distribuer des parts de semoule aux voisins censés s'occuper de la préparation du couscous. Traditionnellement, le mariage débute un premier jour du week-end, le jeudi, pour s'étaler une semaine durant. Les hommes sacrifient un chameau et préparent «talebdjat». Un plat composé de viande de chameau, coupée en morceaux, mélangée et cuite avec du smen. C'est dans cette ambiance de joie et de liesse que sont sacrifiés également de nombreux caprins que l'on propose en divers plats aux familles et tribus de la communauté, durant les jours de la fête. Les femmes, de leur côté, préparent du jus de dattes mélangé au lait pour éviter, toute indigestion aux invités. La mariée ou les mariées quant à elles, s'ornent de bijoux en argent et n'ont pour maquillage que du «khol» et «swak». Le henné est toujours ce principal ornement naturel des mariages, fiançailles et circoncisions. C'est dire que tous ces rituels ancestraux, même s'ils sont désormais remis au goût du jour, ont tout de même une grande charge émotive et sont encore et toujours largement pratiqués. Le rituel d'adieu à la vie de célibataire constitue la séquence préliminaire du rituel de mariage. Autant de festivités qui s'accompagnent de festins autour desquels l'on se réunit.