Les Ecossais ont voté non, jeudi, mais les indépendantistes ont pris acte, estimant que l'Ecosse n'a pas tranché pour l'indépendance, «pour le moment» Les Ecossais ont clairement dit non à l'indépendance, lors d'un référendum historique, mais le gouvernement de David Cameron, déstabilisé, s'est empressé hier de promettre des pouvoirs accrus aux quatre nations du Royaume-Uni. Après des semaines d'intense suspense et de débat parfois acrimonieux, le camp du non l'a emporté par 55,3% devant le oui à 44,7%. L'écart est important, et la participation record de 84,6% amplifie le verdict. Ce résultat constitue une amère déception pour le Premier ministre de l'Ecosse Alex Salmond - même s'il hérite d'une autonomie accrue en lot de consolation - et un immense soulagement pour le chef du gouvernement David Cameron, mis en grande difficulté, et qui jouait dans la partie de poker référendaire son avenir politique. Le ouf était aussi perceptible chez nombre de dirigeants européens inquiets d'une contagion nationaliste, à Bruxelles, Paris, Madrid et, au-delà, à Washington ou Pékin. Il était manifeste à la bourse de Londres, qui a ouvert en hausse de 0,75%, avec une livre sterling à son plus haut niveau face à l'euro depuis deux ans. Il était largement partagé à la City, tandis que la Scotch Whisky Association (SWA) levait son verre à la santé de «la stabilité». L'ampleur du séisme politique qui a ébranlé «l'establishment de Westminster» et la précipitation mise à organiser les secours laissait augurer de multiples répliques dans les mois à venir. David Cameron est apparu dès 7 heures du matin devant les caméras des chaînes d'information en continu, pour délivrer un triple message: le résultat sans appel règle la question de l'indépendance «pour une génération»; l'heure est au rassemblement «pour aller de l'avant»; les promesses de prérogatives supplémentaires faites aux Ecossais seront honorées, et même étendues aux Anglais, Gallois et Nord-Irlandais. A Edimbourg, Alex Salmond en embuscade a fait valoir qu'il veillerait à la bonne réception des nouvelles prérogatives en matière de politique fiscale et de dépenses de santé. Mais surtout, il a pris acte du fait que «l'Ecosse n'avait pas tranché en faveur de l'indépendance pour le moment», laissant la porte entr'ouverte à une autre consultation ultérieure, suivant en cela l'exemple des souverainistes québécois. Dans l'immédiat, David Cameron a évité le scénario cauchemar d'une désintégration du Royaume-Uni qui le «hantait». Mais dans les rangs de son parti conservateur, des députés lui reprochent sa gestion calamiteuse du référendum écossais, et l'ampleur des cadeaux post-électoraux. Ils seront détaillés dans un document de travail à l'horizon novembre, afin d'être soumis au parlement en janvier, dans le meilleur des cas. «Le référendum n'est pas parvenu à détruire l'Union, mais ses répercussions pourraient encore la déstabiliser jusque dans ses fondements», a mis en garde Michael Chandlers, du RUSI Institute. «Nous nous dirigeons vers un modèle plus fédéral du Royaume-Uni», a quant à lui prédit Tony Travers, de la prestigieuse London school of Economics. Le parcours d'obstacles est aggravé par le calendrier politique. Les trois partis traditionnels britanniques - conservateur, libéral-démocrate et travailliste d'opposition - ont constitué une union sacrée exceptionnelle pour faire rempart à l'indépendance. Leur solidarité risque de s'évaporer à l'approche des élections générales de mai prochain. Seuls les 4,2 millions d'électeurs résidant en Ecosse étaient habilités à voter. Le reste du Royaume-Uni, majoritairement unioniste, avait suivi avec fascination et inquiétude le débat sur l'avenir de cette région, qui a changé de statut une dizaine de fois en 1400 ans d'histoire mouvementée. L'intérêt a également été vif dans le monde. Le président américain Barack Obama a exprimé son soutien à un Royaume-Uni «fort, robuste, et uni». Le président français François Holande a mis en garde contre les «égoïsmes», les «populismes» et les «séparatismes».