Un colloque lui est consacré. Massinissa revisité! A la bonne heure serions-nous tentés de dire. Mais en était-il seulement temps? Que connaît-on concrètement de Massinissa et, plus généralement, de l'histoire de l'Algérie antique, connue à l'époque sous le nom de «Numidie»? En fait, rien ou si peu. Les rares faits qui ont subsisté de cette période se sont dilués dans le temps. Outre d'avoir été fort restreintes et peu satisfaisantes, les connaissances de cette période sont dues pour l'essentiel, à des voyageurs grecs ou romains qui ont eu le mérite de laisser pour la postérité des traces de «notre» histoire qui serait restée dans les brumes. Le peu que l'on sache donc de cette époque numide est du fait de Polybe qui accompagna Scipion Emilien en Afrique qui rencontra à Cirta (Constantine) Massinissa et son fils Gulussa. Il écrivit un livre sur ce qu'il vit dans cette région. Mais ses récits consacrés à l'Afrique sont perdus, dont Tite-Live et Appien empruntèrent - imparfaitement - des passages sans doute de seconde, voire de troisième main, qui ne restituent pas la réalité du règne de Massinissa et des rois numides. Ce sont pourtant ces peu probants et peu documentés témoignages qui font curieusement autorité et sont la source principale de l'«Histoire» ancienne de l'Algérie. Dès lors, c'est une excellente initiative, qu'a eu le Haut Commissariat à l'amazighité (HCA, avec le soutien de la wilaya de Constantine) d'organiser un tel colloque sur Massinissa (ouvert hier, au Centre culturel M'hamed Yazid d'El Khroub) qui, peu ou prou, tentera de restituer ces périodes méconnues de la Numidie, d'instaurer une dynamique propre à rendre à l'Histoire nationale une époque de formation de notre historicité demeurée occultée, voire taboue. En effet, si l'on connaît mal Massinissa, le plus «médiatisé» des rois numides, que savons-nous de Syphax, de Jugurtha, de Gulussa (second fils de Massinissa qui lui succéda au trône de Numidie) et autres Micipsa, Abdherbal, Hiampsal I et Hiampsal II (père de Juba I)...Que savons-nous de Gaïa, père de Massinissa ou de Zelalsen son grand-père? Pas grand-chose en vérité! Or, Massinissa participa aux côtés de Scipion l'Africain à la fameuse bataille de Zama, en 202 avant J.-C., qui consomma la défaite de Carthage et mit fin à la deuxième guerre punique. C'est important de souligner, il n'existe toujours pas de «version» algérienne de cette partie de l'histoire ancienne de notre pays. Cette page de notre histoire est restée blanche. Les manuels scolaires algériens, tous paliers confondus, ne font aucune mention ou référence à cette période historique de la Numidie-Algérie, ni état de la nomenclature des rois numides qui s'y sont succédés durant quatre siècles. Ce qui est regrettable, ce n'est pas seulement la méconnaissance de cette période, certes lointaine, de l'Algérie - qui a été soustraite à la connaissance publique - mais bien l'Histoire de l'Algérie qui ne convenait pas avec l'idée que l'on a voulu imposer de l'historicité de ce pays. Ce qui explique que les faits en rapport avec notre passé historique sont restés anecdotiques. On a ainsi accepté cette idée farfelue comme quoi, nos voisins, le Maroc et la Tunisie, auraient existé en tant qu'Etats depuis «la nuit des temps» quand l'Algérie n'aurait apparu comme tel que depuis...l'arrivée des Français. Si la période numide est méconnue, que dire d'une époque pourtant proche, qui a vu des Algériens contribuer à asseoir l'Islam au Maghreb et en Ibérie. Qui connaît Ibn Toumert, Tarek Ibn Ziad, (qui donna son nom à un Etat, Gibraltar - acronyme de Djebel Tarek) pour ne citer que ces deux noms. En réalité, c'est toute l'histoire ancienne de l'Algérie qui reste à écrire et à classer. Aussi, un colloque, à portée régionale, qui plus est, peut-il rectifier le tir et placer la réappropriation des antécédents historiques de l'Algérie comme une priorité? La question se pose, mais ne semble pas devoir avoir - en l'état actuel des choses et des «priorités» - de réponse. Chaque peuple est jaloux de son histoire, de ses traditions, des faits ayant marqué la formation de son moi identitaire. De quoi est jaloux l'enfant algérien? Répondre à ce questionnement c'est déjà entrevoir et comprendre les tenants de la crise identitaire à laquelle fait face l'Algérie. Dès lors, la mémoire collective nationale est demeurée orpheline de faits d'armes et intellectuels de nos aïeuls L'enseignement, notamment de l'histoire et de la sociologie, n'a pas su prendre en charge - sans doute surtout n'a pas été mis en condition - cet aspect fondateur de l'identité nationale et de la formation de la jeunesse algérienne peu au fait du passé historique de sa patrie.