Les juges antiterroristes français Marc Trevidic et Nathalie Poux, après avoir dû y renoncer deux fois, doivent se rendre aujourd'hui en Algérie pour une autopsie des têtes des sept moines de Tibhirine, assassinés en 1996. Outre la présence d'impacts de balles, les analyses des têtes visent notamment à établir si la décapitation a été menée avant ou après la mort. S'il est peu probable qu'elles apportent une réponse définitive, elles pourraient néanmoins permettre d'écarter certains témoignages et d'en accréditer d'autres. Le juge antiterroriste français, Marc Trévidic, se rendra les 12 et 13 octobre en Algérie dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat des moines de Tibhirine, rapporte la radio France info. «Le juge et sa consoeur, Nathalie Poux, ont obtenu d'Alger l'accord de principe pour assister à l'exhumation et l'autopsie d'une partie des corps des sept moines enlevés en 1996», précise la même source qui ajoute: «L'autorisation algérienne aura mis près d'un an à se concrétiser.» Les deux magistrats avaient demandé à se rendre en Algérie il y a près de trois ans, dans une commission rogatoire internationale. Ils devraient y rester une semaine environ. Ce voyage a fait l'objet de longues tractations entre Paris et Alger, où une enquête est également en cours. Et les deux reports successifs, après l'accord de principe donné par Alger en novembre 2013, avaient suscité l'agacement du juge Trévidic. Finalement, en septembre dernier, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, a annoncé que les autorités judiciaires avaient donné le feu vert pour sa venue en Algérie. «C'est un soulagement pour moi et pour les familles qui avaient beaucoup de pression. Et c'est un moment unique de montrer que la France et l'Algérie peuvent coopérer judiciairement sur un dossier sensible. Je suis sûr que ça va bien se passer «, a déclaré Marc Trévidic. Les juges français avaient également demandé à entendre une vingtaine de témoins, dont des ravisseurs présumés, mais n'ont pas obtenu gain de cause sur ce point. Accompagnés d'un représentant de la section antiterroriste du parquet de Paris et d'experts français, ils pourront en revanche participer à une expertise des têtes des religieux, enterrées dans les jardins de leur ancien monastère isolé de Tibhirine, près de Médéa, dans le Nord-Ouest de l'Algérie. Christian de Cherge, Luc Dochier, Paul Favre Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996. Le rapt avait été revendiqué un mois plus tard par le Groupe islamique armé (GIA) via un communiqué signé de son «émir» Djamel Zitouni. Commanditaire d'attentats commis en 1995 en France, il proposait un échange avec un autre responsable du GIA. Mais le 21 mai, un second communiqué annonçait l'exécution des religieux, dont seules les têtes seront retrouvées neuf jours plus tard au bord d'une route de montagne. Trois moines, qui avaient échappé à l'enlèvement en se cachant dans le monastère, ainsi que des villageois, ont confirmé aux gendarmes l'implication d'un groupe islamique armé dans l'enlèvement survenu dans une des zones les plus troublées par la violence terroriste qui a fait environ 200.000 morts en une décennie. Avant la visite, l'avocat des proches des moines, Me Patrick Baudouin, a exprimé sa «satisfaction de voir» les deux magistrats «se rendre enfin en Algérie». «On espère que ce déplacement se déroulera dans de bonnes conditions et permettra d'obtenir des résultats tangibles», a poursuivi l'avocat. Enfin, cette affaire intervient dans un contexte spécial, suite à l'exécution du ressortissant français, Hervé Gourdel, par des terroristes de Jounoud El Khilafa affilié à l'Etat islamique.