Le pouvoir semble, cette fois-ci, déterminé à mettre les «fondements» nécessaires pour la construction de nouvelles relations avec la presse écrite privée. «Les temps à venir seront consacrés à la communication.» Voeu pieux ou volonté réelle? La déclaration de M.Boudjemaâ Haïchour à l'APN, lors de la clôture de la session d'automne, annonçant au passage l'existence d'un fonds d'aide à la presse de près de 80 milliards de centimes semble créer un certain «emballement» au sein de la corporation journalistique, puisque des titres, qui ont toujours observé une certaine «méfiance» quand il s'agit de ce genre d'initiative, ont décidé d'accompagner le ministre de la Communication dans sa «démarche» de mettre des «ponts» entre d'un côté le pouvoir, et la presse...indépendante dite «privée». A cet effet, réunis mardi dernier à la Maison de la presse Tahar-Djaout, seize éditeurs ont décidé de parapher conjointement un appel exhortant les responsables de tous les titres à prendre part à une «assemblée générale constitutive d'une association de défense de leurs intérêts moraux et matériels». Un comité a même été désigné pour préparer les modalités de préparation de l'assemblée générale, qui devra avoir lieu mardi prochain. Reste à savoir maintenant si cette démarche trouvera l'adhésion de toute la «corporation» traversée depuis sa naissance par des «tiraillements» qui l'ont rendue vulnérable face à des problèmes de taille et qui menaçaient parfois jusqu'à son existence. Contactée hier, Ghania Khelifi du Matin, dont le directeur M.Mohamed Benchicou est en détention depuis plus d'un mois à la prison d'El Harrach, nous a déclaré que son journal n'a pas été invité à la réunion des seize éditeurs. «J'ai appris la nouvelle dans les journaux», a-t-elle déclaré. Concernant les deux avant-projets de loi relatifs à la presse, proposés par le ministre de la Communication, la rédactrice en chef du Matin a été très claire: «Il y a eu tellement d'avant-projets de loi sur la presse.» «Nous préférons d'abord voir les avant-projets de loi et nous nous prononcerons après», a-t-elle tenu à indiquer. Pour le rédacteur en chef de la Nouvelle République, M.Mohamed Chermat, notre interlocuteur propose carrément de revenir à l'ancien code de l'information, du temps de Hamrouche, et a insisté sur le fait d'associer impérativement dans la commission qui se chargera de l'étude des principes généraux de l'avant-projet sur l'information, non seulement les éditeurs et les gens de la profession, mais aussi les magistrats et les avocats face aux représentants du ministère de la Communication. Tout en excluant «l'idée de l'ouverture du champ audiovisuel au secteur privé», M.Boudjemaâ Haïchour a prôné, lors du forum hebdomadaire du quotidien Djazaïr News, une «approche fondamentalement systémique», selon ses propres termes. Autrement dit, et toujours d'après les déclarations du ministre, ce dernier espère «rassembler tous les professionnels des médias autour d'une vision globale, à savoir une dépendance réciproque, notamment avec les responsables de la tutelle de la communication». Le ministre a déclaré également que «les résultats des ateliers de réflexion, installés au préalable, seront soumis à un débat général où la corporation des journalistes sera sollicitée pour donner son appréciation». Pour Chafik Abdi, directeur de publication du Jeune Indépendant: «La vision exacte du ministère de la Communication n'est pas encore assez claire du moment que nous, a-t-il dit, en tant qu'éditeurs, nous n'avons reçu aucun texte pour prouver quoi que ce soit d'écrit.» Dans une déclaration rendue publique, le Quotidien d'Oran, quant à lui, se dit prêt à «tenter, encore une fois, de mettre en place une association susceptible de rassembler l'ensemble de la presse écrite et de lui permettre de débattre, de manière saine et objective, de l'ensemble des préoccupations qui la concernent». Bref, la corporation journalistique, ou du moins les journalistes avec qui nous avons longuement discuté, semblent adhérer à cette idée de prendre part à l'élaboration de sa «charte», mais aussi un grand nombre d'entre eux s'interroge sur cet intérêt soudain des autorités, au moment où deux journalistes, Mohamed Benchicou et Hafnaoui Ghoul, sont incarcérés comme de vulgaires criminels.