Depuis les discours enflammés de Karim Younès, président de l'APN, et de Abdelkader Bensalah, président du Sénat, le ton est monté d'un cran entre le RND et les députés de Ali Benflis. À tel point que les hommes de Ouyahia menacent de recourir à l'arme de la dissolution de l'Assemblée, via le président de la Republique. Une véritable crise couve donc au plus haut sommet de l'Etat, l'incohérence de l'Executif éclatant au grand jour. Ainsi, s'est tenu un conseil de gouvernement “light”, en l'absence d'une quinzaine de ministres, occupés à leurs réunions organiques. De son côté, lors de son conseil consultatif, le MSP, lui, a tenu à rappeler à sa manière que sa participation au gouvernement doit rester “vigilante”. Le parti de Ouyahia semble avoir le pouvoir de dissoudre l'APN Les menaces du RND Le président du groupe parlementaire du RND confirme la dissolution s'il y a ce qu'il appelle crise. Comment ce parti, qui n'a que cinquante députés, peut-il avancer cela ? A-t-il des garanties du président de la république ? Le groupe parlementaire du Rassemblement national démocratique (RND) a donné, hier, une conférence de presse dans sa salle de conférence au sein de l'APN. Cette rencontre, préméditée avec la presse, semble être une première réponse au discours du président de l'APN, Karim Younès. Ce dernier, dans le discours d'ouverture de la cession de l'automne, qui a revêtu un caractère particulier, a proclamé, haut et fort, pour la première fois, l'indépendance et la souveraineté de son institution. Le président de l'assemblée, élu du FLN, s'est prononcé et positionné sur le dépassements et agressions contre son parti. “L'usage de la violence et la récupération par l'idéologie des difficultés socioéconomiques propres à tout processus démocratique naissant sont les premières sources de menaces pour la démocratie d'abord et pour la République.” Dans son intervention, M. Karim Younès s'est clairement déterminé et a condamné les harcèlements que subit la presse. “Il ne peut échapper à personne que les professionnels de l'information ont aussi vocation à être les vigiles de la société et il en est ainsi dans toutes les sociétés dites démocratiques et il ne peut être autrement dans notre pays dont la constitution se réclame des valeurs démocratiques.” En effet, le groupe du RND, dans sa déclaration préliminaire devant les journalistes, a rappelé l'importance de cette cession qui intervient dans un moment où la scène politique connaît une ébullition et une entrée sociale qui préconise à tous les acteurs de la vie politique et économique de dépasser les divergences induites par la prochaine élection présidentielle qui n'est pas une priorité pour le moment. Néanmoins, on relève dans cette déclaration une opposition tranchée et claire contre le discours du président de l'APN. On lui reproche d'avoir introduit en son sein des divergences et conflits politiques, faisant allusion à la crise qui secoue actuellement le FLN. Les députés du RND ne se sont pas reconnus et se sont sentis marginalisés par le discours d'ouverture de cette cession, a précisé Miloud chorfi, président du groupe parlementaire du RND, lors de la conférence de presse. Interrogé sur l'opportunité de cette rencontre avec les journalistes, qui semble être improvisée juste pour répondre à M. Karim Younès, le député du RND le confirme et considère que c'est une première réaction contre le président de l'APN : “Je me croyais dans une université d'été en écoutant toutes les leçons qu'il nous donnait sur la démocratie et les fondements d'une république. En plus, en rendant hommage Rabah Radja, député du FLN, il n'a pas osé dire que ce sont les terroristes qui l'ont assassiné.” À la question relative à l'éventuelle dissolution de l'APN par le président de la république, M. chorfi précise d'abord que les députés du RND feront normalement leur devoir de députés. Ils discuteront les projets de lois programmés en plénière et exprimeront leurs suffrages. Par ailleurs, dans un ton peu voilé, il déclare que l'assemblée pourrait être dissoute s'il y a crise. Interrogé sur la signification du mot crise. Il répond : “Dieu le sait.” Il souligne que le Président est constitutionnellement habilité à le faire. Un journaliste, revenu à la charge, lui demandant d'expliquer clairement la signification du mot crise, M. chorfi crache le morceau : “Si les députés du FLN bloquent des projets de loi qui nous semblent importants, l'APN serra dissoute.” En réponse à une question d'un confrère qui a attiré son attention sur le fait que le FLN est majoritaire au sein de l'assemblée et que démocratiquement le vote est le facteur déterminant pour l'adoption d'un projet de lois, le président du groupe parlementaire du RND a affirmé avec certitude que le FLN n'a plus la majorité absolue au sein de l'APN. Toutefois, il n'a pu donner de chiffres, même avec l'insistance des journalistes Mourad Belaïdi Le leader du MSP définit son programme politique à Blida Bouguerra Soltani : “Nage et surveille ton linge !” Les travaux du madjlis echoura du Mouvement de la société pour la paix (MSP) se sont ouverts, hier, à Blida, en présence de MM. Megharia Mohamed et Bouguerra Soltani, respectivement président du madjliss et du parti. Le règlement intérieur, le programme politique quinquennal et l'élection des membres du bureau national sont les principaux points inscrits à l'ordre du jour de cette première séance de travail officielle suite au IIIe congrès du parti. “L'élection présidentielle de 2004 qui ne figure pas au menu peut être évoquée si les membres jugent opportun qu'elle soit soulevée”, nous dira un membre du MSP. Dans son discours-programme, M. Bouguerra Soltani, nouveau président du parti, dira : “Nous restons fidèles à la voie tracée par Mahfoud Nahnah et c'est ainsi que nous prônons la politique de nage et surveille ton linge !” L'orateur ajoute : “Une querelle partisane a pris des proportions alarmantes, qui ont ébranlé les fondements de la République.” Il poursuit : “Nous devons lutter contre la pauvreté, le sous-développement, la marginalisation et non contre nos adversaires politiques.” C'est ainsi que, devant les bouleversements que connaît la scène politique, le successeur de Nahnah invite ses militants à ne pas s'impliquer et à rester vigilants. Pour lui, “il y a lieu de moraliser la vie politique pour éviter toute déviation”. Prenant position contre le harcèlement dont sont victimes les journaux qui ont dénoncé des détournements, M. Bouguerra Soltani s'interroge : quelle est la valeur de la liberté d'expression si les professionnels ne peuvent pas s'exprimer. Par ailleurs, il souhaite que tous les partenaires respectent les règles du jeu et séparent la politique de l'école, de la mosquée, des casernes et de l'administration. À aucun moment, le président du MSP n'a parlé d'un quelconque soutien à la candidature du président Abdelaziz Bouteflika. Au contraire, M. Bouguerra Soltani considère que l'élection présidentielle est l'arbre qui cache la forêt de la paupérisation de la société algérienne. Selon des observateurs avertis, il semble que la direction actuelle du MSP se démarque complètement du locataire du palais d'El-Mouradia. Pour ce qui est du choix de la ville de blida pour abriter cette réunion officielle qui intervient un mois après la tenue du IIIe congrès, nos sources estiment que c'est une “opération de charme” pour contenir la grogne des gens de Blida et colmater les brèches apparues au lendemain de l'élection de Bouguerra Soltani. Toujours selon nos sources, Abderahmane Saïdi, enfant et député de Blida, était potentiellement l'héritier du trône, comme il incarne la voie tracée par le regretté Mahfoud Nahnah. L'élection de “Abou Djerra” a ébranlé la cohésion du parti et risqué de prendre de l'ampleur. Cette situation exige une nouvelle stratégie pour reconquérir Blida qui est réputée “fief du MSP” et explique l'attention particulière dont elle fait l'objet de la part des responsables de ce parti. M. ACHOURI Bensalah et la liberté de la presse La suspension des six titres de la presse indépendante est, aux yeux du président du Sénat, Abdelkader Bensalah, amplement justifiée. C'est du moins ce qu'il a suggéré en filigrane, lors de son discours d'ouverture, avant-hier, de la session d'automne du Sénat. “Ce que publient de temps à autre certains titres, a-t-il dit, justifie nos craintes et nous laisse réellement craindre pour la presse par la presse et pour la liberté de parole par l'abus de l'utilisation de la parole (…).” “Est-il concevable que la liberté d'expression ne puisse exister que par l'insulte et la suspicion systématique ?”, s'est-il interrogé. La presse, dont la liberté est consacrée par l'ensemble des lois fondamentales du pays, ne doit pas s'orienter, selon Bensalah, “vers des dérives inacceptables, sur le plan légal ou déontologique, ni porter atteinte à la dignité des personnes, à l'autorité des institutions ou aux symboles de l'Etat”. Le président du Sénat n'a pas jugé utile d'expliquer “les dérives” auxquelles il faisait allusion. Encore moins d'évoquer les scandales révélés par la presse. Karim K. Ouverture, hier, de la deuxième session du Comité Central du FLN Benflis s'échauffe pour la présidentielle Le secrétaire général du parti, qui annonce la tenue du congrès extraordinaire très prochainement, renouvelle son soutien à la presse et prône la concrétisation de la plate-forme d'El-Kseur. Les travaux de la deuxième session ordinaire du comité central du FLN ont commencé, hier, à l'hôtel Riadh de Sidi Fredj. 250 membres de cette instance du parti de Ali Benflis ont été présents aux côtés des ministres et du président de l'APN, Karim Younès. Cette rencontre qui va durer trois jours est, de l'avis de tous les militants, très décisive pour le parti. Les deux points inscrits à l'ordre du jour de cette rencontre et adoptés à l'unanimité par les membres du CC portent sur le bilan de la direction nationale depuis six mois et le programme des activités du parti durant les six mois à venir. Mais il est surtout question, lors de ce rendez-vous, de la candidature du secrétaire général du parti à la prochaine élection présidentielle et de la tenue du congrès extraordinaire qui devrait entériner le souhait insistant de la base qui demande à Ali Benflis de se porter candidat à la magistrature suprême. Des sources dignes de foi indiquent qu'il est possible que le comité central laisse le choix de la date du congrès au bureau politique et à sa tête le secrétaire général. Ali Benflis qui a eu à s'exprimer, hier, sur plusieurs questions de l'actualité nationale, dans son discours d'ouverture, a estimé qu'il était de son devoir d'entamer son intervention par “un vibrant et sincère hommage à l'adresse de la corporation de la presse nationale qui a fait l'objet, ces dernières semaines, et qui continue de subir des pressions et des intimidations dans l'accomplissement de sa mission dans le domaine de l'information du citoyen”. Le secrétaire général du FLN, qui salue le combat de la presse, se félicite de “l'élan de solidarité salvatrice à travers lequel le peuple algérien a exprimé son refus de toute forme d'atteinte aux libertés publiques”. Ali Benflis souligne que si son parti a adopté une telle position, il ne recherche “aucune exploitation ni profit conjoncturels, mais parce qu'il tient à mettre en exergue son profond attachement à l'enracinement des libertés collectives qui constituent le socle de la société démocratique”. L'ancien Chef du gouvernement considère, en effet, que “les péripéties que connaît la presse dans notre pays viennent nous rappeler, si besoin est, que le combat pour la démocratie et la liberté est un combat permanent qui appelle une vigilance et une mobilisation de tous les instants de la part de la société”. “Le FLN, dira-t-il, est déterminé à se placer résolument à l'avant-garde de ce combat qui s'inscrit en droite ligne des idéaux de la Glorieuse Révolution du 1er Novembre.” Ali Benflis, qui enchaînera par la suite sur les agressions dont a fait l'objet son parti, soulignera que, “malgré les dangers que fait encourir ce type d'agissements non seulement au FLN mais aussi au processus démocratique et au pluralisme politique dans notre pays, nous avons veillé à appréhender cette situation avec l'esprit de responsabilité qu'impose le caractère particulièrement sensible de la phase que traverse notre pays”. “Est-il concevable que certaines sphères de l'administration s'échinent à porter atteinte à la stabilité d'un parti politique fort de sa légitimité démocratique, usant et abusant en cela des moyens de l'Etat et des deniers publics au vu et au su de tout le peuple algérien ?”, s'interroge l'ancien chef de l'exécutif limogé par Bouteflika parce qu'il a refusé de mettre le FLN au service de sa candidature pour un second mandat présidentiel. Dans la gestion de cette situation, avouera Benflis, “nous étions confrontés à deux options. La première, selon lui, consistait à ne prendre en considération que le seul principe de la légalité dans son acception absolue, avec le risque de voir l'Algérie plonger dans les incertitudes d'une crise institutionnelle. La seconde était de préconiser la sagesse pour préserver l'unité du peuple et sa cohésion”. Son parti, indiquera-t-il, a fait “le choix de préserver l'Algérie de l'aventurisme politique. C'est dans cette optique que la marche programmée par les militants pour le 14 août dernier a été annulée”, soulignera Ali Benflis qui s'exprime, encore une fois, sur la crise de Kabylie, en disant : “Cette région continue de subir les effets d'une crise qui n'a que trop duré.” Pour en sortir, le secrétaire général du FLN renouvelle son appel “pour un dialogue franc et sincère pour la concrétisation de la plate-forme d'El-Kseur”. Il estime, en effet, qu'“un grand nombre des revendications exprimées dans la plate-forme revêtent une portée nationale et doivent, par conséquent, être satisfaites du fait qu'elles concernent les règles de bonne gouvernance et de bonne gestion”. “Pour ce qui est, affirmera-t-il, des revendications spécifiques à la région, il y a lieu de les appréhender avec un esprit d'ouverture et avec une réelle volonté de trouver une solution adéquate à des situations complexes et douloureuses”. Une solution, selon lui, qui “consolidera les attributs de l'Etat algérien démocratique et républicain”. Ali Benflis affirme que “toutes ces préoccupations, le FLN et le mouvement citoyen les en ont partagées”. Saïd Rabia Pas moins de 16 ministres ont été autorisés à s'absenter Un Conseil de gouvernement sans le FLN et le MSP Fait insolite, le Conseil de gouvernement s'est réuni, hier, sous la présidence d'Ahmed Ouyahia en l'absence de pas moins de 16 ministres. C'est le Chef du gouvernement lui-même qui a autorisé ces ministres à s'absenter du Conseil de gouvernement et de n'assister qu'à sa séance d'ouverture, apprend-on de sources sûres. Ainsi, les ministres du Front de libération nationale (FLN), fidèles à leur secrétaire général, Ali Benflis, ont assisté au comité central (CC) qui se tient depuis hier à l'hôtel Riadh de Sidi Fredj. Les ministres du Président, qui se battent pour une invalidation du VIIIe congrès du parti majoritaire, à l'image de Rachid Harraoubia et Tayeb Louh, ont accompagné Abdelkader Hadjar, l'ambassadeur de l'Algérie à Téhéran, à Djelfa où il doit tenir, aujourd'hui, une rencontre sur le mouvement de redressement national. Les ministres du MSP, quant à eux, étaient à Blida pour assister à la première session du conseil consultatif de leur parti depuis la désignation de Aboudjarra Soltani à sa tête. L'Agence presse service (APS) a fait l'impasse, dans son compte-rendu, sur ces absences des membres du gouvernement. Elle s'est suffi de diffuser un communiqué du Conseil de gouvernement comme d'habitude. Dans ce communiqué, l'APS nous apprend que le Conseil de gouvernement a examiné, puis adopté un projet de décret exécutif définissant les règles de sécurité applicables aux activités portant sur les matières et produits chimiques dangereux ainsi que les récipients sous pression. Le Conseil a également adopté un projet de décret exécutif modifiant et complétant le décret exécutif n°89/147 du 8 août 1989 portant création, organisation et fonctionnement du Centre algérien du contrôle de la qualité et de l'emballage. Le Conseil de gouvernement a aussi examiné un projet de décret exécutif fixant les seuils limites des émissions des fumées, des gaz toxiques et des bruits par les véhicules automobiles. Cette largesse d'Ahmed Ouyahia rompt complètement avec son attitude habituelle à l'égard des ministres du FLN auxquels il a intimé l'ordre, via une instruction écrite, de rester disponibles toute la semaine et de n'exercer leurs activités partisanes que pendant les week-ends. Selon certaines sources, Ouyahia n'a fait, à travers cette attitude inédite, que lâcher du lest pour prévenir une implosion gouvernementale. Nadia Mellal