Afin de pouvoir prétendre à une écriture objective de l'histoire de la révolution algérienne, il est indispensable pour les chercheurs universitaires et les historiens en général de disposer de sources documentaires fiables et d'archives dûment répertoriées. Malheureusement, on sait que la masse la plus importante de ces archives et autres documents de référence reste détenue par l'ancienne puissance coloniale qui délivre parcimonieusement les sources qu'elle veut bien. Pour les chercheurs, le travail d'investigation est non seulement fastidieux mais la part subjective s'impose bon gré mal gré à leur travail car les témoignages et les récits sont auréolés, la plupart du temps, par un regard ou une narration subjectifs, occultant des pans entiers de la vérité pour aboutir à un travail qui relève davantage du récit imaginaire que de la contribution historique avérée. Cependant, dans les universités les plus importantes du pays, un certain nombre d'universitaires s'efforcent, bon an mal an, de produire des publications ou des études méritoires compte tenu de l'ampleur des obstacles qu'ils rencontrent. Cet effort est d'autant plus louable que le nombre de candidats chercheurs en la matière n'a cessé de régresser au cours des dernières années, la culture des archives n'étant pas forcément la priorité majeure des institutions et des organismes en Algérie. Il suffit pour s'en rendre compte de solliciter un quelconque document datant de plus d'une décennie à n'importe laquelle de ces institutions, mis à part les exceptions qui sont là juste pour confirmer la règle. Les travaux menés dans le cadre de magistères et doctorats consacrés à la révolution sont hélas isolés et ô combien ardus, la collaboration de certaines instances ou de personnalités militantes connues n'étant pas aisément acquise. En plus du nombre extrêmement réduit des sources historiques, l'accès aux archives relève, pour la plupart des chercheurs et autres universitaires, du parcours du combattant. L'absence de moyens financiers rend encore plus pathétique l'effort de ces chercheurs qui ne peuvent accéder aux documents détenus à Aix en Provence et doivent par-là même se contenter d'un travail incomplet ou insuffisant, selon les points de vue, se condamnant, à leur corps défendant, aux critiques les plus acerbes quant à la méthodologie et à l'exploitation des ressources documentaires disponibles. C'est dire si la question des archives, posée depuis de nombreuses années, demeure toujours pendante, rendant les efforts des uns et des autres sujets à caution au point qu'on ne saurait affirmer qu'une seule recherche digne de ce nom sur la révolution ait été réalisée en Algérie depuis l'avènement de l'indépendance du pays. Bien sûr, il y a eu de nombreux témoignages et récits, au cours des deux dernières décennies notamment, mais l'historien a besoin pour les exploiter d'un cadre référentiel à toute épreuve. Aussi, faut-il convenir, ne serait-ce qu'au niveau des secteurs concernés par la recherche, de l'exigence urgente et effective des moyens nécessaires pour donner à l'ensemble des universitaires et des chercheurs penchés sur l'histoire de la révolution algérienne une formation véritable et des atouts conformes aux exigences de leur mission. 60 ans après le recouvrement de l'indépendance, ne serait-il pas temps en effet de prendre acte de cette importante condition?