Des livres qui renferment des aspects connus et d'autres moins connus sur la lutte algérienne contre l'occupation française du grand public, écrits sous formes de biographies, récits de vie et témoignages par des acteurs de la guerre de libération nationale, apportent une contribution à la connaissance de certains faits sans pour autant égaler les ouvrages conçus par des historiens, estiment des spécialistes. Eclairer le lecteur et le grand public, offrir des éléments de réflexion sur tel ou tel évènement historique et aider la recherche historique sans forcément servir de source documentaire, telle est la vision des chercheurs en histoire sur ce genre de livres écrits, majoritairement, cinquante années après l'indépendance de l'Algérie. Des livres parus récemment, comme "Pierre et Claudine Chaulet, Le choix de l'Algérie, deux voix, une mémoire" et "Juste Algérienne, comme une tissure" d'Eveline Safir Lavalette (éditions Barzakh), pour ne citer que ces titres, sont salués par des historiens qui affirment leur utilité pour le développement de l'esprit critique chez les étudiants en histoire. Ces écrits représentent, de l'avis du professeur au département histoire de l'Université d'Alger et directeur de la revue Naqd, Daho Djerbal, une "contribution plus au moins importante mais inégale à l'écriture de l'histoire" car écrire l'histoire est un "travail spécialisé avec de différentes modalités, réservé à des professionnels", a-t-il insisté. Une information n'est pas forcément un savoir Même s'il salue ce genre de livres qu'il considère plutôt comme des documents de travail pour initier les étudiants en histoire à faire une lecture critique de la source, Daho Djerbal, précise, toutefois, que l'écriture sur l'histoire ne doit pas être perçue comme un domaine réservé aux historiens, car "tout le monde a le droit d'écrire et de contribuer comme il l'entend à la connaissance d'un évènement", a-t-il fait savoir. Cependant, la contribution de ces livres témoignages, qui proposent, selon cet historien, au large public des informations dont "la véracité est à vérifier" car "une information n'est pas forcément un savoir", reste une contribution "relative" à l'esprit d'analyse et de critique qui forme un des principes fondamentaux du travail du chercheur en histoire. Dans le même contexte, l'historien et universitaire, Mohamed El-Korso, estime que ces livres "contribuent à apporter un éclairage sur l'histoire de la guerre de libération nationale sur un angle bien déterminé" et peuvent aider la recherche historique qui est "dirigée par une méthodologie bien claire et basée sur une approche critique de documents écrits et oraux", a-t-il rappelé. A ce propos, il a tenu à préciser que la recherche en histoire repose sur l'analyse et la critique de tous les évènements du fait historique, même ceux racontés dans des biographies, mémoires et récits de vie des personnes ayant occupé des responsabilités politiques ou militaires durant la Révolution algérienne, saluant ce genre d'écrits qu'il considère comme une "bonne initiative". Relevant une "manipulation" dans l'écriture de l'histoire sur certains faits ainsi que l'existence de "zones d'ombre" dans certains chapitres de l'histoire de la Guerre de libération nationale, M. El-Korso a estimé que les histoires personnelles vécues par des acteurs de la Révolution "peuvent représenter un outil de recherche pour les chercheurs en histoire même s'ils contiennent des éléments subjectifs". Les témoignages, importants mais ils doivent être vérifiés A cet égard Daho Djerbal dira : "l'historien ne s'arrête pas aux témoignages. Les faits racontés dans ce genre d'écrits, eux-mêmes doivent être vérifiés. L'historien doit recouper les évènements en fonction de la source", affirmant une "graduation" de l'importance du document dans la recherche. Il a, à ce sujet, indiqué que la première source documentaire sur laquelle l'historien s'appuie pour écrire sont les archives, même si l'accès à ces documents dont "une partie est dispersée et l'autre réunie par les Archives nationales", demeure "difficile", a-t-il déploré. Il a précisé que les témoignages, portraits, biographies et récits de vie, notamment, ceux écrits sans intermédiation, ni encadrement ou conseils d'historiens, viennent en seconde position et leur contenu doit faire l'objet d'analyse et de critique par rapport aux faits historiques. Quant aux mémoires dont certains sont faits avec l'aide d'historiens, ils "peuvent apporter des contribution complémentaires à ce qui a été déjà dit et écrit ou publié" parce que un historien est "informé de tout ce qui a été publié comme articles, ouvrages et thèses autour de telle ou telle question, donc il sait ce qui est inédit et ce qui est ancien", a-t-il estimé.