Hallal ou haram? Voilà à quoi se résume le débat au sein de la société à l'heure du numérique, des défis alimentaires, de la chute des prix du baril et des menaces géostratégiques qui guettent le pays. La polygamie, le port du voile chez les douanières, le film El Wahrani,... sont des «débats» qui font rage ces jours-ci en Algérie. Que ce soit les citoyens, les prédicateurs ou même la classe politique, ils palabrent stérilement de la chose dans la rue, la presse et les plateaux de télévision. Créant ainsi des polémiques d'un autre âge! Comme si c'était les seuls problèmes qui entravent l'épanouissement des citoyens et de l'économie nationale. L'Algérie a pourtant d'autres priorités. Ces fausses polémiques réveillent un triste souvenir vécu il y a 24 ans. En 1990, l'Algérie avait importé des moutons d'Australie en prévision de l'Aïd El Kebir. Cédés à des prix très raisonnables, ces moutons avaient, probablement, pour des raisons d'hygiène, la queue coupée. Il s'en était suivi une terrible polémique qui alimentait à l'époque les plateaux de télévision. L'islamisme rampant de l'époque aidant, toute l'Algérie était braquée sur la longueur de la queue du mouton. Que de fetwas, que de débats, que de polémiques! Pourtant, l'Algérie avait d'autres problèmes plus graves: le passage à l'économie libérale, l'islamisme, le chômage, etc. C'était la sombre époque de Yadjouz ou layadjouze... Et voilà que 24 ans plus tard, au moment où le pays prépare une nouvelle Constitution, on retombe exactement dans le même genre de polémiques! Naïma Salhi, la présidente du Parti de l'équité et de la proclamation (PEP), a récemment relancé le «débat» sur la polygamie en Algérie. Elle estime que l'homme a besoin de plusieurs femmes. «Dieu a permis à l'homme d'épouser plusieurs femmes. Qui suis-je moi pour m'opposer à ce que notre religion dicte comme droit? Dieu a autorisé l'homme à avoir plusieurs femmes car il sait que l'homme a besoin de plusieurs femmes pour purifier la société», a déclaré cette «politicienne» dans les colonnes de la presse nationale et sur les plateaux des chaînes de télévision privées. «Je défends la polygamie et j'accepte que mon époux se remarie», a-t-elle insisté avant de défendre les bienfaits de la polygamie. «Grâce à la polygamie, les divorcées, les veuves et même les vieilles filles peuvent fonder un foyer et être à l'abri du besoin», a-t-elle estimé avant d'inviter les Algériens à se remarier pour résoudre ces problèmes sociaux qui gangrènent notre pays. Elle vient même de lancer dans ce sens, une campagne sur Facebook de soutien à la polygamie. Ce n'est pas la seule «cause nationale» que notre polémiste en herbe a pris sous ses ailes. L'uniforme réglementaire des douanières et l'interdiction de porter le voile (hidjeb) ont également fait réagir Madame Salhi. «Cette interdiction de porter le voile est une dangereuse provocation qui met en danger la stabilité de la société», a t-elle pesté sur un plateau télé allant jusqu'à considérer cette instruction comme «un extrémisme laïque qui risque de mener le pays vers le terrorisme en alimentant l'extrémisme religieux». Ces quelques mots ont suffi pour créer une vive polémique que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans la rue. La présidente du PEP s'est fait relayer sur les plateaux TV par d'autres conservateurs. Le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, s'est vu contraint de se mêler à ce faux débat en jugeant cette interdiction d'illégale. Lui qui pourtant jusque-là n'était pas tombé dans ce genre de polémiques rétrogrades en ayant des positions très progressistes! Le film El Wahrani (l'Oranais) de Lyes Salem a également provoqué un tollé! Il est accusé de porter atteinte à l'islam et à l'honneur des héros de l'indépendance. Á l'origine de cette controverse, une fetwa de cheikh Chamseddine qui anime une émission sur la chaîne de télévision privée Ennahar TV. Le prédicateur avait appelé les habitants d'Oran à faire appel à un avocat pour attaquer en justice ce film. «Ce film satanique met en scène des moudjahidine combattant la France le matin et le soir au cabaret. Les moudjahidine avaient des armes entre les mains et non des bouteilles de whisky», a-t-il lancé avant d'interpeller: «Où est l'organisation nationale des moudjahidine? Où est le ministre des Moudjahidine? Où est la famille révolutionnaire? Les enfants des martyrs?». Il n'en fallait pas plus pour provoquer un débat national dans une société qui replonge peu à peu dans son extrémisme religieux. Des professeurs d'université, des chefs de parti, des citoyens... se sont ainsi déchiré dans de sempiternels débats passionnés. Mais où sont tous ces «débatteurs» quand il s'agit de discuter de l'avenir de l'Algérie? On se prépare à adopter une nouvelle Constitution qui représente l'épine dorsale du pays, mais point de débat! L'avenir économique de l'Algérie et son orientation future, cela n'intéresse personne. Ils ne se sentent également pas concernés par les problèmes des jeunes, le chômage, la drogue,... Non, non. Il y a plus important: Yadjouz ou layadjouze? L'Algérie avance-t-elle à reculons...?