Deux leaders charismatiques Béji Caïd Essebsi (à gauche) et Moncef Marzouki luttent pour le palais de Carthage Faute de l'emporter dés le premier tour, deux candidats sont d'ores et déjà assurés de s'inscrire en pole position au lendemain du scrutin présidentiel qui aura lieu demain en Tunisie, Beji Caïd Essebsi, candidat de Nidaa Tounès, et Moncef Marzouki, soutenu par le parti islamiste Ennahda. Ce parti, après avoir affirmé son absence de candidature à cette élection tout en indiquant qu'il soutiendrait la personnalité la plus à même de «sauvegarder les acquis de la révolution» qui a précipité la chute de Benali, a donc opté pour un nouveau soutien à Moncef Marzouki avec lequel des divergences étaient pourtant apparues au fil des mois précédents les législatives. Durant sa campagne, lors d'un meeting à Nabeul, Marzouki a appelé les Tunisiens à «ne pas mettre le pouvoir entre les mains de ceux qui ont poussé le peuple à se révolter», allusion on ne pleut plus limpide à son rival de Nidaa Tounès qui a clairement assumé sa candidature en qualité d'héritier du bourguibisme. «Ceux qui ont des réflexes hérités de l'ancien système constituent le plus grand danger pour la Tunisie car, s'ils refont surface, les prochaines élections seront les dernières élections démocratiques» a-t-il martelé, exploitant une peur qui n'existe pas en réalité et dont lui-même fait son credo tout en faisant semblant de la dénoncer. Craignant cette bipolarisation «née des élections législatives» qui, à leurs yeux, n'augure rien de bon et même «représente une menace pour le processus démocratique et pour l'unité de la société et de l'Etat», 17 partis politiques aux dimensions modestes ont choisi, pour leur part, d'apporter leur soutien au candidat Slim Riahi. Cependant, cet alignement risque fort de n'avoir aucune incidence sur les résultats au soir du scrutin puisqu' aucune de ces formations n'a obtenu de siège aux dernières législatives. Quant au candidat de Nidaa Tounès, Caîd Beji Essebsi, lors de son dernier meeting à Sfax, promesse a été faite de «protéger le pays contre l'autocratie et l'hégémonie d'un parti», ajoutant qu'il veillera à ce que sa formation choisisse «la voie du dialogue et de la concertation avec Ennahda, la deuxième force politique à l'Assemblée des représentants du peuple». En homme avisé, rompu à la longue expérience d'un sérail dont il maîtrise tous les tenants et aboutissants, Essebsi rejette «la campagne diffamatoire» qui a ciblé crescendo son parti tout au long de la campagne et refuse toute velléité d'affrontement. L'homme qui incarne, bon an mal an, tout un pan de l'histoire de la Tunisie, pour avoir exercé dans les différentes arcanes du pouvoir, depuis le dernier bey à Benali, entend symboliser la «concertation et la coordination» pour le plus grand bien du pays, faisant montre à qui peut en douter de son «esprit des responsabilité». «Nous ne ferons partie d'aucune alliance, a-t-il constamment martelé, car toute alliance signifie être l'adversaire de quelqu'un». Conscient de l'impact de ce discours, les adversaires et, à leur tête, Marzouki porté par Ennahda ont tenté de discréditer Essebsi, en distillant des rumeurs selon lesquelles il aurait été conspué à Gafsa, Kasserine et Sidi Bouzid. En vain, tant les tunisiens sont avertis sur les dangers qui guettent réellement le pays et souhaitent ardemment un retour à la stabilité, sinon à la prospérité, qu'ils connaissaient avant la chute de Benali, même si le régime de ce dernier avait pêché par manque de respect des droits de l'homme et par une absence de liberté d'expression. La vraie peur existe, bel et bien, au sein des adversaires de Nidaa Tounès et d'une résurgence, de plus en plus probable, du courant bourguibien incarné par Essebsi. En effet, même si la Constitution du 27 janvier 2014 a clairement posé les attributs et les prérogatives du futur président de la République, grande est cette peur de voir ces limités se liquéfier dés lors que le chef de l'Etat et le chef du gouvernement appartiendraient à la même famille politique. Or le succès de Beji Caid Essebsi, demain soir, signifierait, à les entendre, ce type de scénario. Et pourtant! Si les articles 72 et 77 de la Constitution stipulent que le président représente l'Etat et fixe la politique générale en matière de défense, de relations extérieures et de sécurité nationale, le temps est loin où il détenait à lui seul tous les pouvoirs. L'article 92 a conféré au chef du gouvernement l'exercice du pouvoir réglementaire, statuant sur les accords techniques internationaux et dirigeant l'administration et l'économie à sa guise, n'ayant de comptes à rendre qu'à la seule Assemblée des représentants du peuple qui peut lui retirer sa confiance le cas échéant. Ainsi, la victoire d'Essebsi n'implique nullement la menace dont parlent Ennahda et ses chevaux de Troie et c'est insulter le bon sens du peuple tunisien que de faire accroire une hypothèque qui n'existe que dans les officines des partisans du Printemps arabe, revu et corrigé...