Le vote s'est déroulé dans de bonnes conditions Près de 5,3 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes un mois après des législatives dont le caractère démocratique a été salué par la communauté internationale. Au-delà des apparences, l'élection présidentielle qui vient de se dérouler en Tunisie constitue une indéniable surprise. Une surprise agréable, qui plus est, dans la mesure où le pays qui a inauguré les révolutions baptisées «Printemps arabe» démontre qu'il progresse dans un climat serein et apaisé dans la voie de la démocratie, a contrario des événements dramatiques qui secouent d'autres nations comme la Syrie et la Libye ou, à un degré moindre, l'Egypte. Au regard des résultats estimés créditant de plus de 31% le leader de Nidaa Tounès et de 26% son rival, la bataille pour le second tour de la présidentielle est déjà engagée entre le président sortant Moncef Marzouki et le vainqueur des législatives Béji Caïd Essebsi. L'ex-Premier ministre, favori de cette première élection présidentielle libre de l'histoire de la Tunisie, a donc confirmé son assise au sein d'un électorat tunisien dont on a mesuré la dimension citoyenne tant le scrutin s'est déroulé dans les meilleures conditions, tout comme ce fut le cas de la campagne électorale un mois durant. La main de fer de Mehdi Jomaa, Premier ministre, a visiblement pesé de sorte qu'une neutralité irréprochable de l'administration a pu être observée du début à la fin de ce premier tour qui consacre l'enracinement effectif de la démocratie en terre arabe, contrairement aux allégations de certains milieux occidentaux convaincus de l'inaptitude atavique des peuples arabes et musulmans à y souscrire. Prenons le parti de Ghannouchi, qui a tiré les leçons des expériences vécues ici et là par les formations islamistes de diverses latitudes. Ennahda a visiblement observé les évènements en Egypte, avec la chute brutale des Frères musulmans au pouvoir et elle a également étudié les différents scénarii que son triomphe entraînerait immanquablement pour l'économie tunisienne. Sans oublier l'impact sur les relations avec les pays voisins, sachant combien l'Algérie demeure sensible aux risques qu'engendrerait le retour de la menace intégriste sur ses frontières. Apparemment, Ennahda a délibérément choisi d'ignorer l'élection présidentielle, se contentant d'être le second parti à l'Assemblée des représentants du peuple et d'apporter son soutien au mieux-disant des concurrents en course pour le palais de Carthage. Ennahda assure et rassure Ainsi, elle assure et rassure les Tunisiens, se contentant d'exister et de travailler méthodiquement pour un lendemain prometteur lorsque son image n'aurait plus rien de menaçant aux yeux de quiconque. Mais ceci n'empêche pas cela, le parti de Ghannouchi n'est nullement absent des joutes présidentielles et, tout en se défendant d'avoir son propre candidat, il n'en sponsorise pas moins son plus proche partenaire, Moncef Marzouki, passé de 5% des intentions de vote à la veille du scrutin à plus de 26% au soir du premier tour, voire plus si les résultats officiels confirment ses prétentions. En tout état de cause, la Tunisie vient de délivrer un message prometteur quant à son aptitude à transcender les épreuves de la démocratie et ce message peut et doit légitimement faire la fierté des peuples arabes et africains, comme il fait d'ailleurs la fierté du peuple algérien qui mesure pleinement la solidarité et la fraternité constantes et indéfectibles du peuple et des dirigeants tunisiens avec notre pays, jamais démenties en toutes circonstances. Plus vite, en effet, la Tunisie sortira de la tourmente qui a emporté les autres pays victimes du Printemps arabe, plus vite l'Algérie retrouvera une relation de voisinage sereine et prospère, à même d'impulser l'idéal maghrébin tant espéré et sans cesse révolu. Le dilemme Si le résultat du 1er tour est confirmé d'ici un mois, à la faveur d'un second tour dont on ne peut présager l'issue, tant les votes peuvent générer un bouleversement de la donne pour peu qu'une coalition transcendantale se mobilise au profit de Moncef Marzouki et d'Ennahda, le triomphe attendu de Beji Caïd Essebsi sera, lui aussi, une leçon particulière. Car il signifiera que la Tunisie demeure profondément ancrée dans les valeurs du bourguibisme et qu'elle ne renie pas certains bienfaits de la gestion qui a prévalu avant la révolution, même si certains aspects en étaient blâmables. Tel est en somme le dilemme de décembre prochain. Un choix, sans doute cornélien, entre l'ancien régime incarné par Caïd Essebsi et les «démocrates» que conduit Marzouki. Le trublion existe qui est personnifié par Hamma Hammami, figure de proue de la gauche arrivé en 3ème position. Il a estimé que son score - environ 5% - était «un message positif», et que sa formation, le Front populaire, se réunirait pour une consigne de vote au second tour. En attendant le rendez-vous de décembre, la Tunisie retient son souffle tandis que les partisans de l'un et l'autre candidats au second tour vont se mobiliser, toutes affaires cessantes, afin de l'emporter... Selon les sondages, le troisième homme de la présidentielle est une Près de 5,3 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes un mois après des législatives dont le caractère démocratique a été salué par la communauté internationale. La Tunisie fait figure d'exception dans la région, l'essentiel des pays du «Printemps arabe» ayant basculé dans la répression ou le chaos. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a salué la présidentielle de dimanche comme «un moment historique», promettant que son pays travaillerait avec le futur gouvernement.