Dernière ligne droite pour l'élection présidentielle en Tunisie, prévue dimanche prochain et qui s'annonce particulièrement serrée. À quelques jours de l'échéance, la scène politique tunisienne est en effervescence et les tractations se multiplient. Au total, 25 candidats sont en lice pour briguer le choix des quelque 5 millions d'électeurs. La campagne électorale, qui a démarré début novembre, est un exercice fondateur dans le processus de construction démocratique de la Tunisie post-Ben Ali. Les candidats se prêtent au jeu en sillonnant le pays, enchaînant plateaux de télévisions et conférences de presse pour présenter leur programme. Rien n'est laissé au hasard pour séduire un électorat tunisien dont les tendances demeurent encore un mystère. La campagne électorale pour cette présidentielle est marquée par de la tactique, notamment de la part des partis les plus en vue du nouveau paysage politique tunisien. Pour l'heure Nidaa Tounès et le Front Populaire, victorieux lors des élections législatives, campent sur leurs positions mettant en avant leurs leaders respectifs. Le mouvement Ennahda, inévitable dans le jeu politique en cours, a surpris son monde en déclarant ne soutenir aucun candidat pour le fauteuil de chef d'Etat. Nidaa Tounès en propulsant son leader octogénaire Béji Caïd Essebsi réitère sa stratégie des législatives en prêchant le «vote utile». Une carte que le parti joue pour augmenter les chances d'Essebsi, devenu personnalité politique de premier ordre notamment après les résultats des législatives. Le temps des grandes manœuvres Le scrutin pour la présidentielle est engagé alors que les conséquences des résultats des législatives ne sont pas encore assimilées. D'ailleurs Nidaa Tounès aurait mis officiellement en veille les tractations pour la formation du futur gouvernement, préférant se concentrer sur le vote présidentiel. Les résultats de ce dernier pourraient fortement avoir de l'influence sur la suite. Aucune décision n'a été prise sur le schéma final à adopter. Une alliance gouvernementale ou une cohabitation avec l'inévitable Ennahda. Tous les scénarios demeurent possibles. Pour sa part, le Front populaire, la grande surprise des législatives, propose comme candidat pour la présidentielle Hamma Hammami, personnalité politique au long cours dans les milieux de gauche. Et élément qui pourrait avoir son pesant : en cas de défaite lors du premier tour, le Front populaire pourrait fort probablement appeler à soutenir Essebsi lors du second. En attendant le temps est aux grandes manœuvres. Abandonnant l'idée d'un «candidat consensuel», le mouvement Ennahda a décidé de laisser à ses adeptes la liberté de choisir le futur président de la République. Une annonce qui est venue quelque peu chambouler un paysage politique tunisien déjà assez alambiqué. Le parti Ennahdha de par son poids direct et indirecte dans le jeu politique en cours en Tunisie garde une capacité d'influence avérée. Ainsi les chances, -difficile à évaluer à la veille du scrutin-, de certains candidats considérés comme proches du parti de Ghannouchi pourraient en pâtir. Le président provisoire Moncef Marzouki du Congrès pour la République ou Mostafa Ben Jaâfar d'Ettakatol sont les deux outsiders pouvant sérieusement créer la surprise. Les deux partis CPR et Ettakatol ont essuyé un sérieux revers lors des dernières législatives, 4 sièges pour le premier et aucun pour le second. Un échec qui ne permet pas une grosse marge de manoeuvre malgré le rôle non négligeable joué par Marzouki et Ben Jaâfar dans la fameuse phase de transition. De son côté le mouvement Ennahdha semble porter tout son intérêt sur des sujets plus «prioritaires» comme la formation du prochain gouvernement qui fait déjà controverse. Le parti islamiste serait en train d'étudier toutes les possibilités : opter pour une cohabitation forcée ou se placer dans les rangs de l'opposition. En attendant d'autres évolutions de dernière minute la trame actuelle arrange un seul candidat : Béji Caïd Essebsi. La décision d'Ennahdha risque fort de produire une dispersion des voix au profit du leader de Nidaa Tounès. Au grand dam de ceux qui voient en Essebsi un symbole de la perpétuation de l'ancien système. Ce qui est néanmoins certain c'est qu'avec cette présidentielle, qui s'annonce disputée, la Tunisie poursuit, imperturbablement, le processus de construction démocratique engagé depuis la révolution. Seul pays du «printemps arabe» à s'installer dans une posture politiquement vertueuse, la Tunisie continue malgré les difficultés, somme toute naturelles dans tout mouvement transitionnel, à constituer un exemple qui ne laisse pas insensible dans le monde arabe. Véritable pied de nez à l'histoire d'une Tunisie qui n'a connu depuis l'indépendance que le pouvoir personnel. M. B.