Ceux qui, dans leur vie, ont éprouvé de longues souffrances et consenti le plus lourd des sacrifices, méritent le repos éternel des chouhadâ. L'éducation de la jeune conscience forme l'esprit du futur adulte, - particulièrement l'éducation par la vie active, c'est-à-dire celle qui se nourrit de besoins de dignité et de fraternité humaine. À bien des égards, cette pensée que je forme, j'en relève les éléments ici et là dans le court et dense récit intitulé P'tit Omar, La Révolution dans le cartable (*) de Souhila Amirat. Quel juste titre: il nous renvoie en nos lointains souvenirs, autant de situations de rêveries d'idéaux de liberté et d'indépendance. C'est presque un conte merveilleux, - mais oui, c'est un conte merveilleux d'histoire nationale algérienne contemporaine! Les faits sont authentiques, les personnages aussi, les héros ont existé, le P'tit Omar naturellement, - même les documents secrets codés ou non dans le cartable de l'enfant écolier animé de vertueux élans de prouesses multiples! L'éducation familiale y transparaît; la vitalité du caractère permet des audaces à la raison et à la saine imagination; l'appel de l'Aîné et surtout l'enthousiasme juvénile, la passion valorisante d'être soi-même et d'assumer une conscience qui dicte le devoir qu'exige la Révolution commencée par ses parents, ses amis,... tout son peuple. Tout est dans le cartable de l'écolier P'tit Omar. Qui veut s'instruire, cette source l'instruira en ce glorieux Centenaire du 1er Novembre 1954... La Révolution dans le cartable Il s'agit ici de l'enfant Omar Yacef (dit P'tit Omar) qui, né dans la Casbah d'Alger, le 7 janvier 1944, au 3, rue des Abderames, est mort assassiné, le 8 octobre 1957 au 5, rue des Abderames, dans une explosion préparée et déclenchée par les artificiers et «féroces soldats» de l'armée française d'occupation et de colonisation. Lors du renforcement du bouclage de la Casbah, en 1957, par l'ennemi du peuple algérien et de l'assaut contre les habitants du 5, rue des Abderames, P'tit Omar a résolument rejoint dans leur cache convenue ses amis du groupe de résistants nationalistes de la Zone Autonome d'Alger: Hassiba Ben Bouali, Ali la Pointe et son agent de liaison Mahmoud Bouhamidi. P'tit Omar est enterré au cimetière d'El-Kettar. Il avait 13 ans. Femme auteur de l'émouvant récit P'tit Omar, la Révolution dans le cartable, Souhila Amirat, née en 1968 à Alger, n'est donc pas de la génération du jeune héros de la Révolution algérien, n'est pas non plus psychologue, ni historienne, ni même femme écrivain professionnelle mais, j'ose dire - seulement - une spécialiste de l'informatique. Pourtant, de même qu'elle a été touchée par la vie tragique du P'tit Omar et par la douleur de sa mère Dahbia, décédée, il y a quelque temps, le lecteur qui sait lire, découvrira de l'enfant P'tit Omar, à la fois, l'étape éducative génétique et la juste perfection de maturité qui lui sied. Sans doute, l'Ecole algérienne y trouverait-elle quelque intérêt pour illustrer ses programmes d'apprentissage de l'éveil des consciences de nos enfants et les pédagogues fort conscientisés contribueraient-ils sans relâche à la réussite de cette perfection qui définit le succès de l'éducation tout entière. Former l'esprit, c'est avant tout former la conscience; l'âge écolier, celui du P'tit Omar, transpose parfaitement le sens du dicton «Atîhoulî fâham, wa Allah lâ aqrâ, que j'aie plutôt affaire à quelqu'un d'intelligent qu'à quelqu'un de super instruit». Non qu'il faille alléger les programmes et les leçons d'instruction générale, mais renforcer les leçons d'instruction civique et de morale, en somme, renforcer le concept algérien «éduquer et instruire» L'ouvrage de Souhila Amirat est construit. Il se veut agréable pour être lu par tous les publics. Il se veut suffisamment documenté pour remporter l'adhésion du lecteur curieux de l'histoire de la phase décisive abordée de «La Bataille d'Alger», aujourd'hui connue dans le monde entier. Le récit se développe naturellement et développe les titres éclairants suivants: 1- L'homme du mouchoir. 2- La prise de conscience. 3- La sagesse du grand-père. 4- La pertinence et l'assiduité d'Omar. 5- La rencontre avec Ali la Pointe. 6- La rencontre avec Larbi Ben M'hidi. 7- Les ambitions du P'tit Omar. 8- Les enfants de la Casbah. 9- La bombe de la rue de Thèbes. 10- Les poseurs de bombes. 11- P'tit Omar et la grève des huit jours. 12- La voix d'Omar. 13- Omar Kaced, un autre P'tit Omar. 14- Les autres. 15- La capture du «grand frère». 16- Et l'ange s'envola à la rue des Abderames. La maison natale d'Omar De nombreuses illustrations accompagnent le texte ou sont placées dans les dernières pages, complétant ainsi l'intention de Souhila Amirat de présenter avec respect et coeur l'un des plus grands héros de la Révolution du 1er Novembre 1954. Nous y découvrons un talent de conduite du récit sans fioritures ni excès de grandiloquence dans l'expression, seul l'héroïsme du jeune résistant évolue de page en page, et l'on suit avec émotion cette histoire qui se développe dans les dédales des ruelles de la Casbah (zenkat bab-Djedid, zenkat djama Safir, zenkat Bouakacha), gravissant leurs marches décalées, se fondant dans les foules des placettes bruyantes des marchés, des petits cafés de quartiers et des mosquées, montant sur les terrasses,... Et puis, au mépris de l'intimité des familles de la Casbah, l'envahissement par les soldats français surarmés des habitations privées et des hautes terrasses, achève l'horreur de l'indignité des troupes militaires et leurs horribles massacres et d'arrestations d'hommes, de femmes, de personnes âgées et d'enfants, tous évidemment épris de liberté et d'indépendance. Souhila Amirat note: «La Casbah survit en dépit des rigueurs du temps et de l'implacable dureté du colonialisme. Malgré le manque de moyens, ses habitants essayent, tant bien que mal, de garder leurs maisons propres. Ils peignent leurs façades chaque saison au lait de chaux. Ils ornent leur terrasse de bégonias pour leurs feuilles décoratives, ses fleurs vivement colorées. Pour ses odeurs si appréciables, le jasmin est aussi dans les patios.» Présentant la maison du P'tit Omar, elle écrit: «Il vit dans la grande maison de ses grands-parents, au 3, rue des Abderames. Le rez-de-chaussée est occupé par des familles que le grand-père accueille chez lui, chassées de leur village par la misère et l'oppression coloniale. Les premier et deuxième étages sont occupés par les grands-parents, les tantes et les oncles. La grande terrasse offre une vue panoramique et sublime de la baie d'Alger. On y voit la haute Casbah d'un côté, le port d'Alger, la grande mosquée et la cité européenne de l'autre. La maison est le type même de la demeure algéroise, somptueuse et surtout spacieuse. L'une des plus belles de la citadelle. Le marbre recouvre tout le sol. La porte d'entrée, faite en cèdre chromé, est d'une grand solidité, assez pour résister aux coups de pied donnés par les militaires. Elle donne sur le corridor, un endroit faïencé, qui permet aux hôtes de se reposer. Des escaliers mènent au premier étage où vit Omar avec ses parents, ses frères et soeurs. Ils occupent une grande pièce. Omar est le troisième d'une fratrie de neuf enfants. Ses parents sont cousins germains et portent le même nom. Son père Ahmed est artiste tapissier et entraîneur de boxe. Comme tous les Casbadji, son passe-temps favori est la pêche. Dahbia, sa mère, s'occupe de ses petits frères et soeurs. Elle vient de mettre au monde Boubekker, le dernier de la famille. Omar est né le 7janvier 1944 à la Casbah, au 3, rue des Abderames, dans la maison de ses grands-parents. Omar rentre au moment où le doute prenait possession de sa mère. Il ne lui donnera aucune explication. Elle le harcelle quand même de questions: - Tes amis t'ont cherché partout, où étais-tu passé? Et qui était l'homme de tout à l'heure? Point perturbé, Omar lui répond: «J'ai remis le colis à l'adresse qu'il fallait.» Reprenez le récit à son début «L'homme au mouchoir», et continuez la lecture, vous irez jusqu'au bout. J'informe qu'une magnifique représentation théâtrale sur le sujet «P'tit Omar» a été réalisée sur la scène du Théâtre National d'Alger, le 31 octobre 2014. (*) P'tit Omar, La Révolution dans le cartable de Souhila Amirat, Edition À Compte d'Auteur, Alger, 2014, 162 pages.