C'est à une guerre sans nom, sans visage, sans frontières et sans objectifs politiques clairs que nous assistons. Depuis la fin du bloc communiste et la chute de l'idéologie marxiste, un nouveau péril menace l'intégrité des Etats-Unis : l'islamisme. Vaste nébuleuse aux contours flous, aux objectifs politiques indéfinis, les groupes islamistes radicaux, dans les pays du monde arabo-musulman, affichent résolument leur haine de Washington et font de la guerre anti-américaine leur nouvelle croisade. Les événements du 11 septembre 2001 constituent le pic de cette guerre aux nouvelles formes et sont pour les islamistes la preuve concrète que les Etats-Unis sont fragiles. Les deux miniguerres ratées en Afghanistan et en Irak dessinent insidieusement un avenir qui sera encore émaillé par le duopole USA-islamisme radical. Dans cette guerre, inégale à première vue, les islamistes jouent la carte-maîtresse de leur djihad : l'usure. Ils ont le temps pour eux, ils ont l'espace et le choix des armes de la guerre. Les groupes radicaux, dont Al Qaîda constitue le fer de lance, ont le temps et réagissent en temps opportun. Les attaques lancées contre le destroyer USS Cole, les deux ambassades américaines à Nairobi et Dar Essalam et surtout contre les deux tours jumelles de New York le prouvent. Ils ont aussi l'espace qui joue en leur faveur. Les Américains ont été attaqués à Mogadishu, à Riyad, à Bagdad et à New York même. Quant au choix des armes, et ce point constitue la hantise des services de renseignement américains, les islamistes peuvent utiliser une vaste gamme d'armes non conventionnelles et personne ne trouvera à redire, car ces groupes ne sont ni un Etat, ni n'occupent des espaces identifiables, ni ne possèdent des interlocuteurs politiques définis. En fait, c'est à une guerre sans nom, sans visage, sans frontières et sans objectifs politiques clairs que nous assistons. Les groupes-Etats, tels Al Qaîda, le Djihad, Tawhid wal djihad, etc., se sont substitués aux Etats et mènent, à leur manière, la guerre contre les Etats-Unis. Les pertes subies par les marines en Irak sont très importantes, avec des résultats très médiocres. Le patron de la CIA, George Tenet, a été éclaboussé par les répercussions des assauts d'Al Qaîda contre New York. G.W.Bush est en train de perdre les présidentielles contre son adversaire John Kerry, alors que de l'autre côté, le cheikh Oussama Ben Laden et son adjoint Ayman Az-Zawahiri demeurent introuvables. Les poussées terroristes en Arabie et en Irak ont déjà obtenu des résultats jugés «encourageants» par les radicaux du djihad. Les Américains ont fini par quitter l'Arabie et les rares civils qui y sont restés vivent sur un sol d'insécurité. En Irak, les groupes radicaux qui ont fait de l'enlèvement d'étrangers un commerce sacré ont déjà gagné la partie: plusieurs pays ont déjà rapatrié leurs troupes basées en Irak et d'autres souhaitent le faire, au grand dam de Bush. Le communiqué du groupe Tawhid wal Djihad, avant même l'envoi de troupes militaires arabes, a obtenu gain de cause et il est fort à parier qu'aucun pays arabe n'enverra d'hommes à Baghdad, même pour le simple travail de maintien de l'ordre. Le groupe d'Abou Mossaâb ex-Zerkaoui, qui a libéré plusieurs otages étrangers après leur enlèvement, a fait courber l'échine des diplomates pour, enfin, faire libérer les otages. La simple présence du Groupe salafiste algérien (Gspc) sur la bande du Sahel a motivé la coopération de cinq pays limitrophes (Algérie, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), l'intercession de la Libye et du Soudan, en plus de l'aide d'experts militaires américains. Sous nos yeux, se déroule déjà la nouvelle reconfiguration des guerres politiques à venir: groupes-Etats contre superpuissance. Il est inutile de vous dire que personne ne saura jamais vous dire combien va durer ce genre de guerres, ni quand elles finiront ni qui se profile derrière.