Il y a aussi à penser que le péril du groupe salafiste est surfait et que les menaces islamistes pour Nouakchott sont surtout locales. Les services de sécurité mauritaniens ont interpellé plusieurs dizaines de membres présumés et de partisans du Gspc, qui préparaient des attentats, citent des sources proches des services de sécurité mauritaniens, lesquels insistent sur le fait que le groupe islamiste algérien est intimement lié à Al Qaîda. Ces arrestations sont intervenues lors d'une chasse à l'homme lancée pour retrouver trois membres présumés du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, basé en Algérie, qui s'étaient échappés d'une prison de Nouakchott, la capitale mauritanienne, le 27 avril. Au moins deux des personnes arrêtées sont soupçonnées d'avoir tué 15 soldats mauritaniens lors d'une attaque menée en juin 2005 contre un poste militaire isolé, tandis qu'un autre est accusé d'appartenance à une cellule d'Al Qaîda à Barcelone, ajoute-t-on de même source. Le journal mauritanien El Alam rapporte aussi que trois personnes arrêtées cette semaine ont avoué avoir collaboré avec le Gspc, et l'une d'elle a dit avoir participé aux attentats du 11 mars 2004 dans les gares madrilènes, ainsi qu'aux attentats de l'été 1998 contre les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie. «Les trois Mauritaniens ont avoué qu'ils étaient sous les ordres de Mokhtar Belmokhtar (un membre éminent du Gspc), et que l'un d'eux avait pris part aux attentats de Madrid et à l'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Nairobi», écrit El Alam. Il y a aussi à penser que le péril du groupe salifiste est surfait et que les menaces islamistes pour Nouakchott sont surtout locales. Le régime actuel du colonel Ould Mohamed Vall, qui dit «assurer la transition démocratique en Mauritanie» a essayé des gestes d'apaisement envers ces islamistes, mais sans faire de concessions politiques. Les vingt ans de règne sans partage du colonel Mouawiya Ould Sid-Ahmed Taya ont complètement bouleversé les donnes, créant de nouvelles hostilités, des animosités tribales et surtout une opposition armée farouche et déterminée, constituée d'une collusion contre-nature entre les officiers de l'armée mis out par l'état-major et les islamistes tentés par la radicalisation. Cette collusion se fait appeler «les Cavaliers du changement», et ses chefs emblématiques donnent de rares entretiens aux chaînes satellitaires arabes Al Jazeera et Al Arabiya. Certains d'entre eux croupissent encore dans les sombres prisons du désert mauritanien, mais la plupart des chefs des «Cavaliers» disent être pour la fin des hostilités contre l'Etat. Cette nébuleuse djihadiste commence à activer à partir de 2003 et l'affaire du putsch militaire manqué. Des rapports confidentiels de la Dgse française, très active dans la région, commencent à parler des «Cavaliers du changement» comme d'une organisation locale aux contours encore flous, mais qui prône l'opposition armée. La présence du Gspc algérien dans la bande sahélo-saharienne établit vite un nouveau contact. Cette alliance s'est vérifiée au lendemain de l'attaque, en juin 2005, contre la base militaire de Lemgheity, à 400 km de Zouérate, au nord-est de la Mauritanie. L'attaque lancée par les islamistes algériens, et revendiquée sur leur site Internet, s'est soldée par la mort de dix-huit militaires mauritaniens. Mais tout le monde aura compris que sans l'aide de militaires mauritaniens, l'attaque aurait été impossible à mener. Les complicités, les collusions et les affinités entre officiers de l'armée et islamistes s'affichent au grand jour, même si les autorités accourent pour condamner cet «acte ignoble» et «improvisent» une marche populaire dès le lendemain de l'attaque. La revendication faite par le Gspc sur son site Internet finit de convaincre les plus réticents sur l'existence de liens ténus entre les islamistes de la région et l'organisation Al Qaîda, pour le moins sur le plan de l'idéologie et des objectifs. D'ailleurs, coïncidence bizarre, le même jour de l'attaque lancée contre la base militaire de Lemgheity, débutait le «Plan Flintlock» («Verrouillage», ndlr), nom de code donné à un vaste programme militaire destiné à sécuriser la région du Sahel, considérée par les experts militaires américains comme éventuelle rampe de lancement des djihadistes sahélo-sahariens affiliés à Al Qaîda. Les islamistes mauritaniens sont encore plus forts qu'on ne le pense et peu flexibles, mais ce sont les officiers de l'armée qui dirigent les coups d'Etat. La tradition en Mauritanie veut que les islamistes soient en majorité réformistes non djihadistes, c'est-à-dire plus proches de l'école de la Nahda que de l'organisation Al Qaîda. Cependant, il semble bien que Nouakchott aura encore besoin de brandir avec tout le sérieux possible que la menace islamiste est une menace Al Qaîda et suggère l'urgence d'une aide américaine. Ce qui laisse penser que les enjeux étant ce qu'ils sont, la marge de manipulation ne peut être qu'importante. Simplement, il reste pour les terroristes du Gspc, plusieurs cas de figure sur lesquels il peut jouer : celui de la repentance, des redditions et de la fin des hostilités.