Ce n'est pas noir ou blanc! C'est un faux raccourci de dire que la chute du prix du pétrole est catastrophique pour les pays exportateurs et bénéfique pour les pays importateurs. Pourquoi? L'analyse, pour être sérieuse, doit comporter deux volets distincts. D'un côté, les facteurs qui sont à l'origine de la fluctuation du prix de l'or noir et de l'autre, les impacts sur les économies nationales. On a souvent entendu dire que c'est l'offre et la demande qui font le marché. C'est vrai, mais en partie seulement. En réalité d'autres facteurs sont aussi déterminants. Il y a la monnaie. C'est en dollar qu'est fixé le prix des hydrocarbures. La reprise de la croissance et la réduction du chômage aux Etats-Unis ont poussé les autorités de ce pays à stopper la planche à billets. Sans faire compliqué, cette machine tournait à plein régime depuis six ans. Depuis la crise des «subprimes». Histoire de faire baisser les taux d'intérêts à long terme tout en disposant de liquidités suffisantes. L'impact dépressif sur le marché des matières premières, et notamment le pétrole, est un effet mécanique de l'arrêt, en octobre dernier, de cette production de billets. Il y a aussi les avancées techniques favorisées par les grasses recettes du pétrole depuis le début des années 2000. Grâce à quoi des investissements conséquents ont permis l'exploration puis l'exploitation des énergies non conventionnelles (huile et gaz de schiste). En troisième lieu vient la demande mondiale caractérisée par une croissance presque nulle en Europe, la crise au Japon, le ralentissement de l'économie chinoise et le développement des énergies renouvelables. Ce qui a forcément entraîné une baisse de la consommation. Il y a enfin le contexte géopolitique. Dans la crise ukrainienne il y a la Russie qui est le deuxième producteur mondial de pétrole après l'Arabie saoudite et que l'Occident sanctionne chaque jour un peu plus. Il y a le nucléaire iranien (autre gros producteur) et les sanctions occidentales qu'il subit. Sans oublier la Libye et sa production instable. Ceci pour dire que la chute actuelle du prix du pétrole n'a rien d'une surprise pour les initiés. Maintenant voyons l'impact sur les économies des pays producteurs dont nous faisons partie. Il diffère d'un pays à l'autre. Si pour le Venezuela et la Russie le choc est rude car les recettes pétrolières représentent le gros de leurs budgets, pour le Nigeria et l'Irak qui font face à l'instabilité cette baisse n'est pas pour les aider au retour à la normale. Pour l'Algérie, il faut d'abord rappeler que notre budget a été élaboré sur la base d'un baril à 37 dollars. Soit presque la moitié de son prix actuel. Djellab, notre ministre des Finances a évoqué, lundi soir au JT de 20h, «la politique prudente» menée par notre pays depuis une décennie. Il a rappelé le remboursement de la dette extérieure et les «importantes réserves de change» accumulées. Ce qui permet, contrairement à la crise de 1986, d'amortir le choc en attendant le retour à la stabilité du marché. C'est d'ailleurs le sens de la décision de l'Opep de ne pas réduire sa production. En ligne de mire le schiste américain qui sous la barre des 80 dollars n'est plus rentable. Ce qui devrait susciter des réactions de l'Oncle Sam. Il est plus touché dans sa sécurité énergétique par cette baisse que nous le sommes dans notre programme de développement. Ceci dit, cette baisse perturbe même le marché des matières premières comme le café, le sucre et les céréales que nous importons en grandes quantités. Ce n'est pas parce que nous avons des réserves qu'il ne faille pas mieux réguler ces importations. D'ailleurs, c'est le moment de mettre en place un véritable plan de communication de crise pour agir sur le mental des Algériens. Les convaincre de ne plus compter sur le pétrole. Et rehausser la valeur du travail. L'occasion est idéale. Même s'il n'y a pas le feu. L'odeur du roussi suffit!