L'album, enregistré en 1982, n'est sorti dans le marché qu'après le décès de cheikh Zargui. «Tous les chanteurs puisent leurs chansons de mon large répertoire, à commencer par cheb Khaled. Une telle phrase revient comme un leitmotiv sur les lèvres du représentant exclusif d'un autre raï où le verbe a son pesant d'or tandis que la composition musicale nécessite des années de recherche. L'homme n'est plus à présenter, il se nomme Cheikh Yacine. Il est né et a grandi dans la capitale de la Mekerra, Sidi Bel Abbès. Il a commencé sa grande aventure avec le chant et son instrument alors qu'il était encore môme. Son premier contact avec l'instrument fut avec la guitare sèche dans l'établissement scolaire Azzem lorsque la musique a été introduite comme matière à enseigner. Son instituteur n'est autre que cheikh Hdir Terkmani. Ayant acquis suffisamment de connaissances dans la musique, cheikh Yacine fait ses adieux aux études pour se consacrer à l'art, tout en étant fan d'une autre icône du chant s'identifiant à la région de Sidi Bel Abbès, le défunt cheikh Zargui. «Cheikh Zargui n'avait pas encore édité quand il est devenu célèbre», dira cheikh Yacine ajoutant que «sa musique m'impressionnait au point où j'imitais toutes ses oeuvres en les chantant mais sans pour autant les piquer». Ce gain de connaissances m'a servi de base de départ pour me lancer dans la création en mettant au monde mon groupe. Cheikh Zargui n'a pas trop tardé quant à s'exprimer sur le sort et le devenir en déclarant à ses intimes que «ce Yacine, qui me volera aussitôt la vedette, fera un bon chemin dans sa vie d'artiste en assurant mon remplacement», a affirmé Yacine. Mon premier enregistrement remonte à 1982, il contient plusieurs titres dont Tes yeux indiquent que tu es amoureuse, Je veux comprendre, je ne croyais pas que tu allais m'oublier, Tu as oublié l'histoire...etc. Cet album n'est sorti dans le marché qu'après le décès de cheikh Zargui. Ce fut mon grand départ. «Et de là, les éditeurs n'ont pas cessé de se manifester me faisant des propositions», dira Yacine. Le premier éditeur avec qui j'ai travaillé fut le défunt Kateb, il a été assassiné par les terroristes. Malgré les suggestions alléchantes, j'ai maintenu mon premier éditeur, Kateb. Celui-ci s'occupait de toutes mes affaires aussi bien en Algérie qu'en Europe, notamment dans les villes françaises comme Marseille et Lyon. Je suis rentré à Oran, on me propose de travailler dans les cabarets, j'ai refusé étant donné que cheikh Zargui n'a jamais chanté dans les cabarets». En 30 années de carrière, Yacine El Abassi a édité une trentaine de cassettes et 05 CD. Dans ses oeuvres, l'artiste est auteur, compositeur et interprète. Il repose son verbe sur la pudeur s'interdisant toutes les «vulgarités et obscénités». C'est d'ailleurs, ce qui a fait, souvent, de lui l'objet de larcins perpétrés par ses compères et pas des moindres. Il s'agit des vedettes qui font appel à ses oeuvres sans même le consulter. «Des stars, comme la défunte cheikha El Djenia, Khaled, Hasni, Benchenet, Sahraoui et Fadela ont repris mes chansons», a déploré cheikh Yacine. L'artiste s'empêche quant à prendre ces reprises faites par d'autres artistes. Pour lui, une conviction s'est faite dans son for intérieur ces reprises honorent sa ville natale et le chant qu'elle a enfanté. Il le dira directement, sans ambages et fièrement en affirmant que «l'artiste qui ne se réfère pas à Sidi Bel Abbès, ne connaîtra jamais le raï. Dans cet attachement au raï belabbésien, une seule référence tient à coeur à l'artiste, il s'agit de cheikh Zargui mais sans mettre au placard des artistes comme Blaoui El Houari et le défunt Ahmed Wahby. «Ces deux artistes sont les moteurs de la chanson et de la musique oranaise», dira Yacine El Abassi. Dans le raï belabbésien, l'instrument acoustique est maître à bord comme la guitare électrique, l'accordéon, la guitare électrique, la guitare sèche, la trompette, la percussion. D'ailleurs, Zargui, à qui revient cet honneur de pousser de l'avant la musique belabbésienne a fait dans l'innovation en faisant appel à des ténors ayant la force de proposition. Parmi ceux-là, on trouve Messaoud Bellemou dont la présence musicale dans les oeuvres de Zargui est indispensable. «Bellemou a pris part au premier enregistrement de cheikh Zargui, cet album contient des chansons comme Rebbi Rebbi, Khalti Fatima, Matgouliche etc», dira cheikh Yacine El Abassi. Ce sont inéluctablement, toutes ces données qui ont forgé la personnalité artistique de cheikh Yacine pour que ce dernier se trace, lui aussi, un chemin dans la chanson en créant sa signature propre à lui. Il tire son verbe de sa vie ordinaire. «Je compose mes chansons à partir de mon quotidien sans mentir», explique l'artiste ajoutant que «je traite tous les sujets d'actualité en composant mes paroles tout seul». Cheikh Yacine se souvient éternellement de sa célèbre chanson qu'il a composée sur la belle femme qui passait devant sa boutique de cassettes, sa beauté, tellement irrésistible a fait sortir tous les voisins dans la rue pour la contempler et...l'admirer. La chanson s'intitule Saghira, harkate le boulevard (petite mais elle a ravagé tout le boulevard). Cette chanson, vu son verbe pudique et très propre, a été reprise par la majeure partie des célèbres chanteurs du raï dont le défunt Hasni. Pour l'artiste, la ville de Sidi Bel Abbès est sa raison d'être. «Je suis resté ici à cause de ma ville», a affirmé l'artiste, ajoutant que «j'animais des soirées et des fêtes de mariages pendant les pires moments des années de la tragédie nationale, un peu partout dans les douars.» Et d'ajouter en affirmant que «je suis rentré de France en 1993 après avoir perdu mon frère». Yacine porte le raï dans ses veines, il invite les artistes et les éditeurs à se rendre à l'évidence en «nettoyant» le raï de la parole vulgaire. «Le chant qui ne rentre pas dans les foyers n'est pas un chant», dira-t-il. Pour l'artiste, le ministère de la Culture et l'Onda doivent jouer pleinement leurs rôles en sanctionnant et censurant les chanteurs qui continuent à détourner le raï de sa vocation. Le raï déraille. Une telle maxime revenant un peu partout dans l'Ouest ne trouve ni écho ni terrain d'application chez l'enfant de la ville de Sidi Bel Abbès. «Vous êtes en manque de bonnes compositions, nous avons la bonne parole à leur distribuer gratuitement, ces chanteurs n'ont qu'à manifester leur volonté quant à ne pas dénaturer ce chant», dira Yacine El Abassi. Agé de 54 ans, Cheikh Yacine se bat contre vents et marées dans sa vie sociale après avoir fait le bonheur des férus de la parole pudique et adeptes de la musique parfaitement arrangée.