«Celia Ould Mohand est cette ambitieuse force montante qui possède tous les talents lui permettant de percer rapidement», a affirmé l'artiste. La rue Larbi-Ben Mhidi, située en plein coeur de la ville d'Oran, grouillait de monde en cette fin de semaine. Dans les locaux de la World Music se libérait une voix aussi douce qu'envoûtante, chantant de belles complaintes accompagnées d'une musique aux arrangements venue des hauteurs de la somptueuse montagne du Djurdjura. Les passants, notamment les connaisseurs du chant et de la musique, ne peinait pas trop pour identifier la voix de l'interprète du chant kabyle, Djafar Sahouane. Ce dernier, qui vient d'éditer son troisième album, cartonne dans ses ventes de sa dernière oeuvre intitulée Ruh Kan (tu peux t'en aller). L'album contient six chansons merveilleusement arrangées musique authentique et le folklore kabyle. Les paroles et la musique sont signées par l'auteur. Chacune de ces six chansons symbolise autant de messages véhiculés par un verbe, aussi bien pudique, que mesuré. Elles ne sont décryptables qu'au prix d'une bonne écoute à la fois musicale et concentrée. L'artiste jouit d'une grande aura en Oranie et en Kabylie, à tel point que son album, qui est tellement demandé à Oran (ville de résidence du chanteur) et en Kabylie (sa région natale) s'arrache au prix d'une commande à faire à l'avance auprès de l'éditeur. «C'est l'éditeur qui a choisi la date de parution de mon album pendant cette période», a affirmé l'artiste. Le chanteur Djafar Sahouane compte, d'ores et déjà, commander une deuxième duplication, une manière de satisfaire tous ses fans qui apostrophent dans la rue. Son troisième ouvrage est édité presque simultanément avec celui de Mohamed Allaoua. Cela n'a pas empêché les fans de Djafar Sahouane, notamment les férus de la musique basée sur le travail de recherche et la composition de la bonne parole basée sur la métaphore et l'allégorie de se bousculer dans les maisons de disques d'Oran pour se procurer Ruh Kan. La sortie de l'ouvrage a coïncidé avec le 15e anniversaire de l'assassinat de Matoub Lounès. Il est appuyé par la concurrence infaillible de la voix féminine interprétée par la jeune artiste Celia Ould Mohand. La présence de cette force montante, à l'avenir artistique radieux, n'est pas un fait du hasard ni encore moins une intrusion, mais c'est l'artiste qui veut, à travers son dernier produit, donner la valeur réelle que mérite l'interprétation et l'oralité féminines dans le chant algérien en général et dans la musique kabyle en particulier. Il le dira en déclarant que «Celia Ould Mohand est cette artiste ambitieuse qui possède tous les talents qui lui permettent de percer rapidement». Djafar Sahouane n'est pas venu par effraction dans le monde du chant. Très jeune, il accède par la grande porte après avoir appris les notions de base dans sa Kabylie et qu'il développe à Oran. A son actif, trois oeuvres et des dizaines de spectacles animés, aussi bien à Oran, qu'un peu partout aux quatre coins de l'Algérie. Pour l'artiste, le chant est un art qu'il faut développer en se mettant à la recherche sans cesse tout en s'imprégnant des valeurs sociales et culturelles ancestrales, c'est-à-dire en se basant sur toutes les sources artistiques. Ces dernières sont, selon l'artiste, «intarissables». «Je tire mon verbe de la vie quotidienne des gens, de la nature et de l'Algérie pour dire tout haut tout ce que je pense», a affirmé Sahouane. Et d'ajouter modestement qu' «il y a de quoi créer des milliers de belles oeuvres quand on vit dans cette belle Algérie qui est toute entière une source inépuisable d'inspiration vu ses contrastes et ses beaux paysages ainsi que sa richesse culturelle, artistique et poétique». Aussi, l'artiste ne dissimule pas le respect sans faille qu'il voue aux ténors de la chanson algérienne, comme Slimane Azem, Moh Saïd, Samy El Djazairi, Fahem Moh Saïd. Matoub Lounès, pour l'artiste, irrévocablement le symbole indétrônable de la chanson algérienne». D'autant que le défunt s'est engagé dans un chant patriotiquement mobilisateur et sans discontinuité durant toute sa vie. «Les politiciens n'ont pas pu faire ce qu'a fait Matoub Lounès vis-à-vis de l'Algérie et de la Kabylie en particulier», a expliqué Djafar Sahouane. Il s'oppose catégoriquement aux voix pessimistes faisant croire à la décrépitude et à la dégradation de la chanson algérienne en particulier, la chanson kabyle. «Elle n'a pas dégringolé ni encore moins chuté», a-t-il expliqué, ajoutant que «celle-ci est, au contraire, en plein épanouissement vu le nouveau rythme qu'on lui a donné ces dernières années et la multitude des chanteurs qui l'interprètent». L'artiste, qui fait du chant un secteur à promouvoir continuellement, a indiqué que «l'art ne fait pas vivre les chanteurs hormis ceux du raï qui, dans leur majorité, chantent dans les cabarets». Mais, il enchaînera en déclarant de façon catégorique: «Je ne chanterais jamais dans les cabarets». L'artiste, qui se met d'arrache-pied dans les préparatifs de son prochain album, ne se voit pas mal en la fredonnant, tout en la défendant, la chanson kabyle dans la capitale du raï, Oran. «On peut chanter le chant kabyle même en Chine tant que la volonté existe», a-t-il lâché d'un ton humoristique.