Il est présenté comme un «Mossiliste» de la plus belle eau. Entre une Touchia et un M'Khiless, Mohamed Bendiba, batifole entre les cordes. Au milieu des airs magiques de la nouba, il est coi, comme le «Do» du solfège, il est «And Rouhou» comme disent les plus authentiques de la musique andalouse. Rongé par les douze «Toubouaâ» (les modes de la musique andalouse) pour lesquels il voue une passion jusqu'à la démesure, il se recroqueville jalousement sur son Rebab fétiche, comme un bébé collé ardemment à son biberon, pour mettre en étalage son savoir-faire et pour que soient à jamais subjugués ces milliers de coeurs épris, à la recherche d'un idéal sonore que seule la musique de Ziryab est à même d'exaucer. Les 42 ans atteints, Mohamed Bendiba se dit très fier de les avoir entièrement consacrés à la «cause» andalouse. Elève depuis toujours à l'illustre El Dajazaïria El Moussilia, pionnière des associations qu'avait créés, non sans triomphe, le défunt ténor Mahieddine Bachtarzi, notre artiste s'était, pour la petite histoire, inscrit à la fin des années soixante-dix dans cette école, avec pour rêve tant caressé, devenir un jour un «Mossiliste» à part entière. En 1984 alors que son talent a fini par convaincre ses instituteurs, il fut très vite enrôlé, par feu Sid-Ali Ben Merabet, le charismatique président d'El Moussilia, pour s'initier au Rebab. «Satisfaisant» aura été son passage au cours duquel «je me rappelle avoir appris Touchia El Kamal, les notes en grave» se souvient-il encore. Cogitant comme pour décanter des souvenirs enchevêtrés, il se fait un malin plaisir en nous énumérant les têtes d'affiche, Nacer Ben Merabet fils de Sid Ali et actuel président de l'association, Dahmane Bellil, Ouznadji Youcef, Benssassa Farid...pour ne citer que ceux-là, avec lesquels il avait appris à manier ses premières «armes» musicales. Mais c'est surtout dans la classe du maître Sid Ahmed Serri, l'un des fondateurs d'El Moussilia, dans les années 80, qu'il affirme avoir gagné en maturité et affûté, encore plus, son ingéniosité. Les années ont vite passé et voilà que la notoriété du jeune Mohamed dépasse de son école. Aguerri, prêt à la «guerre». Il a été depuis choisi parmi les meilleurs de sa classe pour avoir les honneurs, d'une place dans le principal orchestre avec une vingtaine de ses collègues. Mélomane certes, des grands «Chouyoukh» tout comme Dahmane Benachour, Abdelkrim Dali, Sadek Bejaoui, Mohamed Tahar Fergani...le «Rebabiste» n'est pas pour autant allergique aux autres musiques surtout lorsqu'on lui parle du Chaâbi, un art, qu'il affectionne avec une passion authentique. Intra muros, Mohamed Bendiba mène son petit bonhomme loin des feux de la rampe. Dans sa vie professionnelle, il exerce comme éducateur dans un centre pour les handicapés mentaux dans la petite ville balnéaire de Aïn-Taya à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Alger. Mais le plus passionnant de ses multiples engagements demeure, sans conteste, la formation des jeunes talents, une tâche pour laquelle il affirme réserver beaucoup plus d'efforts étant soucieux de contribuer à la sauvegarde de cet art patrimonial légué aux Algériens, par Edmond Yafil, Mohamed Sfindja et bien d‘autres. Car, enseignant à El Moussilia, Mohamed tient une classe d'une dizaine d'enfants dont l'âge ne dépasse pas les 13 ans: «C'est envers cette frange qu'il faudrait désormais focaliser l'attention. L'avenir de la musique andalouse leur appartient» conclut-il.