Une vue du mini-Conseil des ministres présidé par le chef de l'Etat La rationalisation de la dépense publique et de l'importation, l'économie de la consommation interne d'énergie et un contrôle plus rigoureux du commerce extérieur sont les mesures auxquelles a appelé Bouteflika. Pour la première fois, les autorités suprêmes du pays reconnaissent que le pays doit recadrer certaines de ses dépenses et rationaliser sa consommation face à la crise énergétique. Fini donc les discours rassurants à la limite de l'irresponsabilité. Hier, le chef de l'Etat est sorti de sa réserve pour dicter au gouvernement les mesures d'urgence à prendre. La chute libre des prix du pétrole inquiète au plus haut point les responsables du pays. Pour faire face à cette situation inattendue, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, a réuni, mardi soir, un conseil restreint consacré aux développements enregistrés par le marché pétrolier international et leurs retombées sur la démarche économique et sociale du pays. Face à ses interlocuteurs dont certains ont assuré que la chute des prix du baril n'aura aucun impact sur l'économie nationale, Bouteflika était catégorique: «La crise actuelle des prix du pétrole est sévère, avec des perspectives imprévisibles à court terme», a-t-il relevé. Ont participé à cette réunion tous les responsables concernés et dont les secteurs risquent d'être fortement impactés par la nouvelle donne. Il s'agit du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, le vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, les ministres des Finances, Mohamed Djellab, de l'Energie, Youcef Yousfi, de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, du Commerce, Amara Benyounès, de l'Agriculture, Abdelwahab Nouri, le ministre délégué chargé du Budget et de la Prospective, Hadji Baba Ammi, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, et le conseiller du président de la République, Karim Djoudi. C'est dire l'importance du conseil. Des mesures à la limite de l'austérité Même s'il qualifie la chute des prix du pétrole dont dépend grandement l'économie nationale de «sévère» et «inquiétante», le chef de l'Etat s'est montré rassurant, en insistant sur le maintien du programme quinquennal d'investissements publics, (2015-2019) pour lequel une enveloppe de plus de 260 milliards de dollars est allouée. En revanche, il a plaidé pour la rationalisation de la dépense publique notamment au niveau du budget de fonctionnement, des importations et de la consommation interne d'énergie. Pour faire face à la situation et préserver la balance des paiements du pays, il a chargé le gouvernement de renforcer le contrôle des opérations de financement du commerce extérieur, pour prévenir toutes formes d'évasion de capitaux. «Le secteur de l'énergie est chargé de promouvoir la rationalisation de la consommation interne d'énergie, de promouvoir la transition énergétique grâce au développement des énergies nouvelles et renouvelables, et d'accroître la recherche et l'exploitation des hydrocarbures, y compris non conventionnels», a recommandé également le chef de l'Etat. M.Bouteflika a instruit, par la même occasion, le gouvernement d'exclure toute remise en cause de la politique d'investissements publics qui demeure le moteur de la croissance et de la création d'emplois et qui permet aussi de répondre aux besoins sociaux de la population, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement et de la formation, de la santé et du logement. Ainsi, le programme quinquennal d'investissements publics sera maintenu, tout en adaptant le rythme et les priorités de lancement des nouveaux projets et en veillant aussi à la «maîtrise de leurs coûts». Le président a chargé le gouvernement d'en assurer un suivi permanent et d'examiner, trimestriellement, sous la direction du Premier ministre, toute adaptation qui s'avérerait nécessaire dans la gestion économique et budgétaire. Une marge de manoeuvre fragile En outre, le gouvernement devra veiller à une plus grande participation des entreprises nationales publiques et privées à la réalisation des projets publics aux côtés des entreprises étrangères, lorsque le recours à celles-ci sera nécessaire. Bouteflika a ordonné également au gouvernement d'engager les mesures requises pour la dynamisation des secteurs de l'industrie, de la pétrochimie, de l'agriculture, du tourisme et des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et de lui en rendre compte au cours du premier trimestre 2015. Cela devra s'accompagner également d'une intensification des réformes au niveau du secteur financier, pour dynamiser le développement de l'entreprise, la mobilisation de l'épargne locale, et le financement des investissements de la sphère économique. Cela étant dit, le chef de l'Etat refuse de tirer l'alerte. Pour lui, l'Algérie dispose d'une «certaine marge de manoeuvre» pour faire face à l'actuelle crise du prix du pétrole qu'il a qualifiée d'«inquiétante». «Face à cette inquiétante crise, l'Algérie dispose d'une certaine marge de manoeuvre résultant d'un désendettement public anticipé quasi total», a-t-il affirmé. Cette marge de manoeuvre résulte également «des réserves de change constituées (près de 200 milliards de dollars, Ndlr), ainsi que de l'épargne publique accumulée au niveau du Fonds de régulation des recettes». En tout état de cause, pour Bouteflika, la crise des prix du pétrole vient souligner l'impératif de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des hydrocarbures.